Le Temps

Quelques bribes de «La vérité sur l’affaire Harry Quebert» dévoilées à Cannes

Jean-Jacques Annaud a montré en primeur samedi soir à Cannes un condensé de la série à venir, adaptation du roman de Joël Dicker. Les choix de distributi­on paraissent convaincan­ts

- NICOLAS DUFOUR, CANNES @NicoDufour

Lorsqu’il évoque, la veille de la projection, sa série adaptant La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Jean-Jacques Annaud a la langue qui fourche. Il dit: «La totalité du film, pardon, de la série a été tournée en 80 jours.» Quelques minutes avant le dévoilemen­t, samedi soir à Cannes, devant les caméras de Canal+, Joël Dicker se fait plus direct: «En fait, c’est un film de huit heures.» La nature de l’oeuvre est désormais définie par l’écrivain genevois, longtemps courtisé pour les droits de son best-seller, avant que l’éditeur Bernard de Fallois, décédé en janvier, ne tranche pour le cinéaste du Nom de la rose («Il aimait bien mes films»).

Pour l’heure, un échantillo­n de 75 minutes

Dans la longue liste des séries attendues cette année, La vérité sur l’affaire Harry Quebert figure en haut. Ayant pu l’obtenir, les responsabl­es de Canneserie­s en ont fait leur événement phare, après la cérémonie d’ouverture. Problème, l’objet n’est pas achevé: Jean-Jacques Annaud revient de Montréal, où il monte, et dans trois semaines il va à Los Angeles pour peaufiner la musique («C’est comme la musique de quatre longs-métrages…»).

Pour ouvrir néanmoins le nouveau festival, le cinéaste a concocté un échantillo­nnage («sneak peek», dans le jargon) de 35 minutes, qui donne l’idée générale du produit futur à travers quelques scènes à peu près complètes, et qui ne sera montré nulle part ailleurs. Mais «ce n’est pas un best of, comme une bande-annonce», précise le réalisateu­r.

Pourquoi Jean-Jacques Annaud, 75 ans certes pétaradant­s – pendant une conférence d’une heure, il est incapable de rester assis plus d’un quart d’heure –, s’est-il emparé de la masse complexe et sinueuse du roman de Joël Dicker? En fait, malgré la langue qui fourche, c’est bien la télévision qui l’intéressai­t. Il raconte: «Cela fait 10 ans que je pensais me diriger vers la TV. J’y vois un nouvel espace de liberté. Et j’y retrouve des méthodes de tournage que j’avais connues dans la publicité, une forme de spontanéit­é.» Il ne cache pas non plus un appétit de conquête du public: «Dans le cinéma, la notoriété du film vient souvent au moment de son passage à la TV. Son succès internatio­nal futur dépend de la télévision. Je me suis dit, pourquoi pas faire directemen­t une série!»

Puis vint Dicker. Conseillé avec insistance par l’entourage du cinéaste. Celui-ci plonge dans le roman, et se dit d’emblée qu’il n’est pas possible de l’adapter en un seul film de deux heures. Il y en aura huit, pour dix épisodes.

Une image magnifique

Que dire de ce qui a été montré? D’abord, qu’il est impossible de juger sur une telle base. Le chroniqueu­r de séries a l’habitude de se faire une idée sur quelques épisodes – jamais, au grand jamais, seulement sur le pilote. Mais deux, trois chapitres sur 10 donnent le ton, les épaisseurs, les noeuds, ainsi que les composants, acteurs, réalisatio­n, musique… Une telle promenade échantillo­n ne fournit qu’une esquisse sans profondeur; c’est un présentoir linéaire.

Quelques pistes pourtant. De toute évidence, l’image sera magnifique. Talent d’Annaud et ses équipes, nourris par leur matière première: après tout, le roman du Genevois repose sur des souvenirs de vacances dans le Maine, il baigne dans cette imagerie américaine de dîners aux banquettes usées, d’églises dans les forêts, de rivages et de couleurs de la Nouvelle-Angleterre. Rien ne semble heurter l’imaginatio­n des lecteurs.

Sur la narration, il est déjà plus délicat de se prononcer. Le propos semble d’une grande fidélité au texte original – sauf le destin de la fameuse boîte souvenir offerte par Lana à Harry, qui paraît ici peu clair. Les scénariste­s ne semblent avoir sacrifié aucun personnage important, ni aucun jalon chronologi­que du roman.

Et il fallait trouver Nola...

A propos de personnage­s, l’enthousias­me peut être de mise: la distributi­on tient de l’adéquation parfaite. Bellâtre à effets dans Grey’s Anatomy, Patrick Demsey incarne Quebert dans toutes ses facettes, de 1975 à 2008. Pour camper Douglas de nos jours, Ben Schnetzer sait manifestem­ent jouer de la fausse frivolité nécessaire. Le policier est porté par Damon Wayans Jr., là aussi, selon ces premières images, un bon choix – sauf que l’on peut craindre un manque de rudesse par rapport à l’original. Même le très particulie­r Luther se retrouve dans les traits de Joshua Close.

Et il fallait trouver Nola. JeanJacque­s Annaud est fier de sa trouvaille, cela se comprend: tout indique que Kristine Froseth possède la légèreté autant que la gravité de l’héroïne de Dicker. Dans ce cas, l’actrice paraît un peu plus grave, ce qui n’est pas pour déplaire – on pouvait s’énerver parfois des dialogues un peu poires des deux tourtereau­x, d’elle surtout. Kristine Froseth laisse augurer d’une solidité à porter cet amour impossible, autant que les mystères de Nola.

Voilà pour les promesses.Réponse sans doute cet automne.

«Cela fait 10 ans que je pensais me diriger vers la TV. J’y vois un nouvel espace de liberté. Et j’y retrouve une forme de spontanéit­é» JEAN-JACQUES ANNAUD, RÉALISATEU­R

 ?? (PASCAL LE SEGRETAIN/GETTY IMAGES) ?? Jean-Jacques Annaud, Patrick Dempsey, Kristine Froseth, Joël Dicker et Ben Schnetzer à Cannes, le 7 avril 2018.
(PASCAL LE SEGRETAIN/GETTY IMAGES) Jean-Jacques Annaud, Patrick Dempsey, Kristine Froseth, Joël Dicker et Ben Schnetzer à Cannes, le 7 avril 2018.

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