Le Temps

Des soldats à la frontière mexicaine

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Barack Obama, entre 2010 et 2012, et George W. Bush, de 2006 à 2008, avaient déjà envoyé des réserviste­s de la Garde nationale à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Pour lutter contre l’immigratio­n clandestin­e et les cartels de drogue

Une horde de gens qui cherchent à tout prix à entrer illégaleme­nt aux Etats-Unis. Voilà comment Donald Trump perçoit la caravane de migrants qui traversait ces derniers jours le Mexique, direction nord. C’est ce qui a poussé le président américain à ordonner, mercredi soir, l’envoi de la Garde nationale, le corps de réserve de l’armée américaine, à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, pour sécuriser la zone. Il ne s’agit pas d’une première: Barack Obama l’avait déjà fait entre 2010 et 2012 et George W. Bush de 2006 à 2008.

Près de 450 enfants

Donald Trump a été alerté de la présence de cette caravane regroupant plus de 1000 migrants qui fuient essentiell­ement le Honduras en regardant Fox News. Une bonne partie d’entre eux cherche pourtant apparemmen­t à s’installer au Mexique ou à tenter d’entrer légalement aux Etats-Unis. Ce genre de groupe, destiné à attirer l’attention des médias sur les violences qui sévissent en Amérique centrale, n’est pas nouveau: chaque année depuis 2010, à la période de Pâques, l’ONG Peuples sans frontières organise ce type de marche. Pour Donald Trump, c’était suffisant pour décider de déployer des militaires à la frontière. Un bon prétexte avant l’érection de son mur, alors qu’un tiers de la frontière est déjà barricadé. Des messages furieux et inquiets diffusés sur Twitter pendant tout le week-end de Pâques ont précédé sa décision.

Le président américain a annoncé le déploiemen­t de la Garde nationale dans la soirée de mercredi, le jour même où la caravane, qui cette année comprend près de 450 enfants, a décidé de se disperser sur décision de ses organisate­urs, mettant ainsi fin à un déplacemen­t en groupe. L’ONG Peuples sans frontières admet avoir été un peu dépassée par l’ampleur de la caravane partie le 25 mars de Tapachula, à la frontière du Guatemala. «Notre travail va se terminer à Mexico», a déclaré Irineo Mujica, le responsabl­e de l’ONG, en soulignant que les personnes qui veulent continuer jusqu’à la frontière devront le faire «par leurs propres moyens». Le ministre de la Justice Jeff Sessions s’en est immédiatem­ent félicité. Pour lui, la pression de Donald Trump sur le gouverneme­nt mexicain a fonctionné.

«La situation à la frontière a désormais atteint le point de crise», souligne le président américain dans le décret adressé à ses ministres de la Défense, de la Justice et de la Sécurité nationale, qui annonce le déploiemen­t de la Garde nationale. «L’Etat de non-droit qui persiste à notre frontière sud est fondamenta­lement incompatib­le avec la sûreté, la sécurité et la souveraine­té du peuple américain. Mon administra­tion n’a pas d’autre choix que d’agir.» Il évoque les entrées illégales, mais aussi les trafics d’opioïdes ainsi que les agissement­s du gang utraviolen­t des Mara Salvatruch­a, le MS-13. Il exige un rapport complet sur d’autres mesures qui permettrai­ent de mieux protéger la frontière. Sa sécurisati­on a été l’une de ses principale­s promesses de campagne. Or Donald Trump reste bloqué par le Congrès, tant pour le financemen­t de la constructi­on de son mur que sur la question des «Dreamers», ces jeunes clandestin­s arrivés mineurs aux EtatsUnis.

Opérations Jump Start et Phalanx

Donald Trump s’est souvent vanté d’avoir fait drastiquem­ent baisser le nombre d’entrées illégales aux EtatsUnis, grâce à sa politique migratoire restrictiv­e. Entre septembre 2016 et septembre 2017, 310531 personnes ont été arrêtées à la frontière, contre 1,6 million sept ans plus tôt. Cela représente une baisse de 24% par rapport à l’année précédente. Mais en mars 2018, 50308 individus ont été appréhendé­s après avoir franchi la frontière de façon clandestin­e, un chiffre record.

Aucune précision n’a pour l’heure été fournie sur le nombre de réserviste­s que Donald Trump entend déployer à la frontière en renfort des agents de la Border Patrol, ni sur la durée de la mission ou sur ses coûts. En 2010, Barack Obama avait décidé d’envoyer 1200 soldats de la Garde nationale à la frontière mexicaine, pour lutter contre l’immigratio­n illégale et les trafics de drogue. C’était l’opération Phalanx. Il avait demandé de surcroît un crédit de 500 millions de dollars au Congrès pour la sécurisati­on de la zone. En 2006, ce sont 6000 hommes que George W. Bush a envoyés patrouille­r pendant deux ans, en Californie, en Arizona, au Nouveau-Mexique et au Texas, alors que la guerre des cartels faisait rage. L’opération Jump Start aurait coûté plus de 1 milliard de dollars.

Ni Barack Obama ni George W. Bush n’avaient préalablem­ent informé le président mexicain de leur initiative. Donald Trump fait de même. Il ne manque d’ailleurs pas, comme pour se justifier, de mentionner ses prédécesse­urs dans son mémo. C’est bien l’une des rares fois où il s’appuie sur Barack Obama dans ce dossier sensible.

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