Repenser les séances vidéo pour construire un collectif
Si nous nous enthousiasmons volontiers devant la fluidité d’une contre-attaque au football ou d’un alley-oop (reprendre une passe en vol pour mettre directement un panier) au basketball, il n’est pas rare non plus de pester contre des erreurs faisant échouer des séquences de jeu qui devaient conduire à marquer. Comment comprendre ces échecs et réussites? Par une incapacité à jouer ensemble? Des incompréhensions entre joueurs?
Ces quelques exemples rendent compte des processus complexes impliqués dans ce que les chercheurs en psychologie du sport appellent les coordinations interpersonnelles, dont l’efficience est essentielle pour la performance collective et qui correspondent à l’agencement des actions des membres d’une équipe dans l’espace et dans le temps.
La recherche scientifique fournit aux entraîneurs deux principales conceptions permettant de comprendre la coordination interpersonnelle.
Partage de schémas de jeu en amont
Une première, qualifiée de prescriptive, considère que cette coordination est favorisée par le partage de systèmes et/ou de schémas de jeu entre les joueurs en amont de la compétition. Ce partage permettrait aux joueurs d’interpréter de la même manière et plus rapidement les situations de jeu. Les joueurs développeraient alors des attentes partagées à propos de leurs activités respectives et adopteraient des comportements compatibles et coordonnés.
De ce fait, une coordination déficiente résulterait soit d’un problème de partage de connaissances, soit d’un déficit de ressources techniques et/ou physiques pour appliquer ces schémas partagés. De ce point de vue, c’est en apprenant les combinaisons et schémas tactiques et en travaillant ces fameuses qualités qu’on peut construire des coordinations efficaces.
Adaptations en situation
Mais les combinaisons et schémas trop bien préparés ont l’inconvénient de ne pas toujours être les choix les plus adaptés aux situations réelles de jeu. Ainsi, une seconde approche, qualifiée d’enactive, s’intéresse aux adaptations en situation.
Un certain nombre de travaux ont montré que les schémas et les systèmes de jeu que les entraîneurs cherchent à diffuser ne déterminaient pas complètement l’activité des joueurs. En situation, ils conservent une part d’autonomie pour justement permettre une flexibilité et en même temps générer des informations utiles pour leurs partenaires.
Par exemple, une combinaison sur un coup franc travaillée à l’entraînement peut être adaptée par le joueur en possession du ballon s’il perçoit une opportunité liée au mauvais positionnement d’un adversaire.
La sensibilité des partenaires à ces opportunités et leur capacité à s’y s’ajuster immédiatement sont essentielles pour produire une performance collective. C’est une réelle habileté pour chaque joueur de savoir offrir, par leur jeu, des informations qui permettent à ses coéquipiers de le comprendre, tout en évitant que les adversaires puissent interpréter ce qu’il veut faire. Et l’incapacité de proposer des informations pertinentes aux membres de son équipe et, en retour, de se servir de celles qui s’offrent à soi au cours du jeu crée un problème de coordination.
Viser l’ajustement mutuel
Une somme de bons joueurs ne suffit ainsi pas à faire une bonne équipe. De ce point de vue, c’est en jouant ensemble qu’on peut parvenir à se comprendre et à trouver les moyens d’ajustement mutuel.
On comprend la nécessité d’impliquer les joueurs eux-mêmes dans la construction et l’amélioration de leur performance collective, par opposition au débriefing classique d’après match indiquant aux joueurs ce qu’ils auraient dû faire dans telle ou telle situation. La vidéo peut être utilisée ici pour aider les joueurs à raconter ce qu’ils ont vécu dans les situations collectives, puis à améliorer la façon de se comprendre et d’agir ensemble en situation. Cette habileté psychologique a d’ailleurs été caractérisée comme discriminant fortement les sportifs d’élite par rapport aux autres sportifs.
Résilience et coordination
Ces entretiens collectifs permettent aux joueurs d’avoir accès à la perspective de leurs partenaires, d’expérimenter l’origine de la rupture du processus de coordination et de pouvoir construire par eux-mêmes, et pour euxmêmes, des solutions pour faire face à ces situations dans le futur. On peut alors accroître la capacité de résilience et de coordination des équipes, c’està-dire leur capacité de rebond sur des échecs en développant de nouvelles possibilités d’agir collectivement.
De fait, le collectif se faisant au cours des situations d’entraînement, de compétition, ou de débriefing, façonne le plan de jeu de l’entraîneur qui devient alors une ressource pour les joueurs. En conclusion, un message à retenir: entraîneurs, vous manquez de temps pour construire votre collectif, appuyez-vous sur le ressenti de vos joueurs, vous gagnerez en efficacité.
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