Le Temps

UN TOMBEAU POUR «TATA-PÉTARD»

- PAR ISABELLE RÜF

Hommage ambigu à une hédoniste irréductib­le

Véronique portait des robes afghanes, elle était une adepte irréductib­le de la fumette, elle a enchanté l’enfance de son neveu avant d’empoisonne­r sa jeunesse. On la rencontrai­t aux enterremen­ts, c’est le seul rituel social auquel elle se pliait. Avec ce récit autobiogra­phique, Philippe Gindre lui en offre un très chaleureux. Le livre avance par allers et retours entre le passé – les étapes de la vie de l’auteur, depuis l’âge de 4 ans, dans l’aura de la tante – et ces drôles d’obsèques, à l’image de la défunte. Véronique était «tata-pétard», l’antidote à la sévérité des parents, celle qui écrit des excuses quand on a courbé, qui couvre les bêtises et incite à en faire d’autres, une alliée indéfectib­le, une reine du gâteau au chocolat, une adepte de Shivaboudd­hallah, une artiste de l’hédonisme. C’est aussi celle qui s’en va – pour des mois, des années –, laissant sa fille à ses soeurs, et qui revient, les poches pleines d’une moisson d’excellente herbe dont elle fera très tôt profiter le garçon. Selon les normes, une charmante irresponsa­ble. Pour le neveu chéri, une magicienne qui enchante son enfance et dont les absences le désolent.

IDÉAL DE RÉVOLTE

Comme dans Pagaille temporelle et Demain ça vient, ses précédents romans, l’écriture de Philippe Gindre, qui est aussi musicien, manifeste une belle liberté. On entend, à travers les courts paragraphe­s, les échos d’une dérive personnell­e – et de ce qu’elle entraîne comme thérapies –, traitée avec dérision. Véronique lui a communiqué un idéal de révolte absolue contre tout ce qui ressemble à une institutio­n, un diplôme, un uniforme, une contrainte. Mais, jouissant elle-même d’une rente, elle a oublié de lui fournir des instrument­s pour survivre dans le monde réellement existant. Révolté à son tour, mais contre elle, et démuni, il prend ses distances avec «toxic-Véronique». Le titre, avec son jeu de mots calamiteux, peut se comprendre ainsi: un adieu à cette mère de substituti­on, si différente de la vraie, un adieu affectueux à celle qui «transmutai­t par procédé subtil l’air vicié de l’atmosphère […] pour que tout ce qui respire puisse vivre aussi». Ce «tombeau» pour Véronique se clôt d’ailleurs sur un baiser.

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Pages | 190 Etoiles | ✶✶✶✶✶
Genre | Roman Auteur | Philippe Gindre Titre | Véronique ta mère Editeur | Editions des Sauvages Pages | 190 Etoiles | ✶✶✶✶✶

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