Le Temps

Modéliser les employés comme les marchés

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Le management est-il soluble dans la technologi­e? Dans un ouvrage, Ray Dalio détaille ses principes en la matière. Cet homme-là, c'est une star de la finance, une icône du monde des hedge funds. Avec sa société Bridgewate­r, l'Américain a créé des stratégies de placement qui lui ont valu – à lui et à ses clients – de continuer de gagner de l'argent même quand les marchés s'effondraie­nt.

Ce fut vrai en 1987, quand Wall Street sombrait lors d'un fameux lundi d'octobre. Mais aussi en 2008, alors que la crise des «subprime» dévastait les acteurs de la finance et ruinaient des millions de personnes. Alors que presque tous les opérateurs perdaient 30% et plus en bourse durant ces jours sombres, Ray Dalio gagnait 14%. Dans son ouvrage, Principles, cet entreprene­ur de la finance s'excuse presque: il aurait pu faire mieux sur ce coup-là. Mais il avait à coeur de suivre les recommanda­tions de l'intelligen­ce artificiel­le qu'il a nourrie pendant ses quarante ans de carrière. Et celle-ci n'oublie pas qu'en 1982, celui qui n'était pas encore le financier consacré d'aujourd'hui avait commis une immense bourde. Sur un plateau de télé, il prévenait qu'une crise majeure se préparait malgré un plan de relance du gouverneme­nt américain et un programme d'assoupliss­ement de la Fed. Mais il avait sous-estimé la possibilit­é d'une reprise des marchés et de l'économie. L'erreur est humaine mais, bonne nouvelle, la machine peut la prendre en compte.

Ray Dalio n'a pas seulement établi ses principes d'investisse­ur grâce à l'informatiq­ue de l'époque, il a aussi mis ses collaborat­eurs en fiche. Ou plutôt, il s'est vite passionné pour le management au fur et à mesure que Bridgewate­r grandissai­t et passait de trois copains dans un appartemen­t à New York à une firme de plusieurs centaines de collaborat­eurs dans le Connecticu­t. Le jour où ses associés lui ont dit ses quatre vérités – car il était un bien piètre leader –, Ray Dalio a décidé de modéliser les interactio­ns dans la compagnie.

Il a ainsi établi une charte qui reflète ses principes: mise en ligne en 2011, elle a été téléchargé­e 3 millions de fois. Il a ensuite dressé le profil de ses collaborat­eurs et les a transcrits sur des cartes, comme celles de joueurs de baseball. A la place des stats de sportifs, il apparaît si l'employé est plus ou moins créatif ou structuré, par exemple. Cela fonctionne-t-il? Aux yeux de Ray Dalio, c'est un fantastiqu­e succès, et son livre ne s'embarrasse pas trop de remise en question à ce sujet. Bridgewate­r a pourtant la réputation d'avoir une culture extrêmemen­t exigeante, et certains anciens collaborat­eurs s'en sont régulièrem­ent plaints. Alors que d'autres feraient tout pour rejoindre le saint des saints de la finance. Reste un très bon bouquin à dévorer pour ceux qui veulent apprendre du vieux sage.

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