Modéliser les employés comme les marchés
Le management est-il soluble dans la technologie? Dans un ouvrage, Ray Dalio détaille ses principes en la matière. Cet homme-là, c'est une star de la finance, une icône du monde des hedge funds. Avec sa société Bridgewater, l'Américain a créé des stratégies de placement qui lui ont valu – à lui et à ses clients – de continuer de gagner de l'argent même quand les marchés s'effondraient.
Ce fut vrai en 1987, quand Wall Street sombrait lors d'un fameux lundi d'octobre. Mais aussi en 2008, alors que la crise des «subprime» dévastait les acteurs de la finance et ruinaient des millions de personnes. Alors que presque tous les opérateurs perdaient 30% et plus en bourse durant ces jours sombres, Ray Dalio gagnait 14%. Dans son ouvrage, Principles, cet entrepreneur de la finance s'excuse presque: il aurait pu faire mieux sur ce coup-là. Mais il avait à coeur de suivre les recommandations de l'intelligence artificielle qu'il a nourrie pendant ses quarante ans de carrière. Et celle-ci n'oublie pas qu'en 1982, celui qui n'était pas encore le financier consacré d'aujourd'hui avait commis une immense bourde. Sur un plateau de télé, il prévenait qu'une crise majeure se préparait malgré un plan de relance du gouvernement américain et un programme d'assouplissement de la Fed. Mais il avait sous-estimé la possibilité d'une reprise des marchés et de l'économie. L'erreur est humaine mais, bonne nouvelle, la machine peut la prendre en compte.
Ray Dalio n'a pas seulement établi ses principes d'investisseur grâce à l'informatique de l'époque, il a aussi mis ses collaborateurs en fiche. Ou plutôt, il s'est vite passionné pour le management au fur et à mesure que Bridgewater grandissait et passait de trois copains dans un appartement à New York à une firme de plusieurs centaines de collaborateurs dans le Connecticut. Le jour où ses associés lui ont dit ses quatre vérités – car il était un bien piètre leader –, Ray Dalio a décidé de modéliser les interactions dans la compagnie.
Il a ainsi établi une charte qui reflète ses principes: mise en ligne en 2011, elle a été téléchargée 3 millions de fois. Il a ensuite dressé le profil de ses collaborateurs et les a transcrits sur des cartes, comme celles de joueurs de baseball. A la place des stats de sportifs, il apparaît si l'employé est plus ou moins créatif ou structuré, par exemple. Cela fonctionne-t-il? Aux yeux de Ray Dalio, c'est un fantastique succès, et son livre ne s'embarrasse pas trop de remise en question à ce sujet. Bridgewater a pourtant la réputation d'avoir une culture extrêmement exigeante, et certains anciens collaborateurs s'en sont régulièrement plaints. Alors que d'autres feraient tout pour rejoindre le saint des saints de la finance. Reste un très bon bouquin à dévorer pour ceux qui veulent apprendre du vieux sage.