Abaissement du taux de conversion: attention aux faux calculs!
L’abaissement prévu du taux de conversion entraîne une réduction de rente de 12%. Toutefois, même si le projet Prévoyance 2020 est refusé, il est probable que les assurés subiront une diminution de rente. En effet, la rente dépend du taux de conversion, mais également du capital constitué à l’âge de la retraite
Le 24 septembre prochain, le peuple sera amené à se prononcer sur le projet «Prévoyance vieillesse 2020». Ce paquet de mesures touchant à la fois le premier pilier (AVS) et le deuxième pilier est le fruit d’un compromis visant à ralentir certains déséquilibres dans notre système de prévoyance. Rappelons que la démographie en est la principale raison. En effet, le ratio démographique entre actifs et rentiers se dégrade continuellement, notamment en raison d’un faible taux de fécondité et d’un allongement de l’espérance de vie. L’arrivée à la retraite de la génération des baby-boomers renforcera encore cette tendance. Il est donc essentiel de prendre rapidement des mesures.
Le projet proposé vise à rééquilibrer les finances de l’AVS en renforçant son financement et en repoussant l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. Pour le 2e pilier, les mesures sont multiples et touchent tant au financement qu’au niveau des prestations. Une des mesures phares est l’abaissement du taux de conversion pour la partie obligatoire (salaire jusqu’à 84 600 francs) de 6,8% à 6,0%. Cette baisse est cependant partiellement compensée par des mesures compensatoires dans le 1er et le 2e pilier.
Un impact concret
Les effets de cet abaissement du taux de conversion sont très concrets et simples à comprendre. Du reste, il y a fort à parier qu’un grand nombre de votants exprimera son vote sur la base de ce paramètre. Le taux de conversion est le taux permettant de convertir l’avoir de vieillesse en rente annuelle. Ainsi, pour un capital de 100 000 francs et un taux de conversion de 6,8%, l’assuré touchera une rente de 6800 francs par an à sa retraite. Le projet en votation prévoit d’abaisser en 4 étapes et dès 2019 ce taux à 6%, impliquant une réduction de rente d’environ 12%. Cette baisse est évidemment conséquente, mais même si le projet est refusé, cela ne signifiera pas que les assurés ne subiront pas une diminution de rente. En effet, le capital est constitué tant par les cotisations de l’employeur et de l’assuré que par le revenu du capital.
Le Conseil fédéral fixe chaque année le taux d’intérêt minimal que les institutions de prévoyance doivent servir sur le capital minimal LPP. Pour rappel, Ce taux est passé de 4% en 2002 à 1% pour l’année 2017. A titre d’exemple, un capital de 50 000 francs rapportant 4% par an pendant dix ans se montera à 74 012 francs en fin de période alors que si l’intérêt n’est que de 1%, il sera de 55 231 francs. Il est assez aisé de comprendre que chacun préférera une rente calculée avec un taux de conversion de 6% calculé sur un capital de 74 012 francs plutôt qu’une rente calculée avec un taux de conversion de 6,8% sur un capital de 55 231 francs. Ainsi, les institutions de prévoyance offrant des prestations proches du minimal obligatoire se verront forcées de créditer les comptes au minimum voire en dessous dans certains cas, si le taux de conversion n’est pas abaissé. Ce phénomène est, du reste, déjà observable dans les caisses offrant des prestations supérieures au minimal LPP.
Un effet pervers sur le risque de placement
Un second effet pervers du maintien d’un taux de conversion trop élevé est lié au niveau du risque de
Le taux de conversion est le taux permettant de convertir l’avoir de vieillesse en rente annuelle
placement que certaines institutions pourraient être tentées de prendre afin de financer les rentes promises. Rappelons que plus le niveau de risque d’un portefeuille est élevé, plus la probabilité de devoir prendre des mesures d’assainissement est grande. Ainsi les assurés au bénéfice de rentes promises trop élevées pourraient devoir s’acquitter de cotisations supplémentaires (cotisations d’assainissement à fonds perdu) pour renflouer leur caisse de pension en cas de sous-couverture. On peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’un tel système qui favoriserait le versement d’une rente future (trop) élevée partiellement financée par des cotisations d’assainissement réduisant le revenu disponible des assurés actifs, et ce, sans parler des effets importants de redistribution entre actifs et rentiers.
Evidemment, dans la réalité, la mécanique présentée ci-dessus est un peu plus complexe, mais les principes et conséquences sont les mêmes. Plus fondamentalement et quelle que soit l’issue de la prochaine votation, il convient de rappeler que le système des trois piliers est régulièrement cité en exemple dans de nombreux pays, car il a l’avantage de savamment mélanger les systèmes de répartition et de capitalisation et d’équilibrer les notions de solidarité et de liberté individuelle. De plus et contrairement à ce que certains laissent entendre, il est géré efficacement et s’avère bien moins coûteux que toute autre solution individuelle. Toutefois, comme toute organisation, ce système doit être régulièrement adapté afin de correspondre à la réalité économique et démographique. En fin de compte, c’est une chance de vivre plus longtemps même si cela a des implications financières.
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