La Nouvelle Tribune

Rabat-Paris Pourvu que ça dure…

- Zouhair Yata

Certains orages ne produisent pas de pluies mais peuvent inquiéter tout autant. C’est le cas de celui qui s’abat sur les relations bilatérale­s entre la France et le Maroc depuis des mois, et en particulie­r depuis le vote d’une résolution ouvertemen­t anti-marocaine en janvier 2023 au Parlement européen, à l’initiative de Paris. Le Maroc avait depuis fait preuve d’une fermeté inédite face à un allié traditionn­el majeur du Royaume, contribuan­t de fait à l’installati­on d’un climat polaire entre les deux pays. En réalité, la position du Maroc est bien plus profonde qu’elle n’en parait. Rabat est parfaiteme­nt consciente de la dualité pour ne pas dire du double visage de la relation entre Paris et Alger, depuis toujours, mais cela n’a, jusqu’à récemment, pas empêché la France et le Maroc de maintenir des relations de forte proximité voire de complicité et d’amitié. Mais, alors que le Royaume mène ardemment une politique diplomatiq­ue à l’internatio­nal pour la reconnaiss­ance de sa souveraine­té sur la totalité de son territoire, et compte tenu de la complexité de l’implicatio­n de notre voisin algérien dans ce dossier, la France était attendue comme au mieux un médiateur actif, au pire comme un ami silencieux et gêné dans sa marge de manoeuvre à cause du poids de l’Histoire. En aucun cas le Maroc ne pouvait tolérer que Paris pèse de son poids pour accabler et affaiblir nos positions aussi volontaire­ment.

Dans ce contexte, il faut donc apprécier à leur juste valeur les signes récents et successifs de réchauffem­ent entre les deux pays. La normalisat­ion diplomatiq­ue d’abord, avec la nomination des ambassadeu­rs respectifs et surtout leur prise de fonction opérationn­elle à travers par exemple le rétablisse­ment des quotas de visas pour les Marocains. Mais surtout, plus récemment, l’invitation de Brigitte Macron et la réception organisée à l’Élysée pour les princesses Lalla Meryem, Lalla Asmae et Lalla Hasnaa, qui est une fonte des neiges en soi.

Sans doute aucun, l’éminente proximité des princesses avec notre Souverain est à mettre au bénéfice de cette rencontre, qui vaut son pesant d’or diplomatiq­ue. Parce que la forme est un préalable crucial pour le fond du sujet, qui est de déterminer les attentes du Maroc vis-àvis des positions officielle­s de la France sur le dossier du Sahara. En effet, que ce soit un préalable à des discussion­s approfondi­es ou qu’au contraire cette rencontre vienne confirmer que cellesci ont eu lieu en amont, il est désormais certain que les deux pays s’approchent d’une longueur d’ondes commune. D’autant qu’il ne faut pas être naïf en matière de diplomatie et qu’à Alger on a certaineme­nt bien suivi cet événement autant que les récentes déclaratio­ns du

Ministre français des affaires étrangères Stéphane Séjourné, et celles de l’Ambassadeu­r de France Christophe Lecourtier au Maroc. Il ne s’agira donc pas de claironner sur tous les toits la profondeur de la réconcilia­tion franco-marocaine.

Cependant, comme avec l’Espagne avec laquelle les relations ont été au plus bas et qui est désormais le pays européen le plus proche du Royaume, la France et le Maroc ont la marge de manoeuvre de construire une dynamique différente et bénéfique pour les deux pays. À l’aune d’élections majeures dans le monde en 2024, des élections européenne­s en juin prochain, à celle du Président des ÉtatsUnis en fin d’année, la donne géopolitiq­ue est en constante mutation et implique de la clairvoyan­ce et de l’anticipati­on. A ce titre, la fonte de l’iceberg entre Rabat et Paris arrive à point nommé. Pourvu que ça dure…

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