Monaco-Matin

Un murmure d’éternité

A l’issue des 10 rounds, au contenu intensémen­t dramatique, Rakyb Mohamed Radji s’est emparé, samedi soir, d’une ceinture qui efface 23 années de disette pour le sport niçois...

- PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

Dans le souffle de l’instant, comme un murmure d’éternité. Le cri sourd de l’Histoire, un appel à exister…

Il a pourtant fallu s’armer de patience, s’enfoncer nuitamment dans les méandres d’une douce folie, pour qu’enfin se dessine le dernier acte d’une soirée qui - on le sait désormais - hantera à jamais les esprits les plus rétifs. C’est donc peu avant que ne retentisse­nt les 12 coups de minuit, qu’on le vit apparaître, dans un élan exalté. Beau de déterminat­ion. Porté par une clameur qui trouva écho jusqu’au coeur de l’Ariane, le quartier où il a grandi. Visage fermé, mâchoire crispée, poings déjà serrés. Et ce regard ! Si noir qu’on aurait pu penser qu’y avaient brûlé les flammes de son âme… En tout cas, plus vraiment ce Rakyb, croisé une heure plus tôt, à deux pas d’une arène brûlante de désir pour lui. Un Rakyb alors encore étonnammen­t serein, hermétique à toute forme de pression. Alternant shadows et sourires, tempo allegro. Un garçon peu enclin, à l’évidence, à se laisser consumer par ce feu intérieur, si ardent pourtant qu’il le fit, dès son entrée sur le ring, immédiatem­ent glisser dans une autre et lumineuse dimension.

Une défense à Nice ?

Face à lui, plus « d’ami », juste Théo Ticout, ultime et pétulant obstacle à ses rêves. Alors, le « Renard » s’est fait cobra. A virevolté, dansé autour de sa proie. Se jouant de la distance, pour mieux mettre son art en musique. Sacrée symphonie, du reste... Flotta même un étrange parfum au-dessus du Palais de l’Europe. Le Niçois, par instants, semblant comme « possédé ». Emane de lui, il est vrai, quelque chose qui, instinctiv­ement, fait penser à son idole de toujours, Sugar

Ray Léonard. La comparaiso­n n’est ni obséquieus­e, ni déplacée, tant le garçon boxe avec une classe folle. Un talent dingue. Qu’il puisse à ce point électriser les foules n’est pas un hasard…

Jusqu’à la mi-combat, Rakyb Mohamed Radji a donc fait… Du Rakyb ! Le show ! Aussi vif que précis dans ses enchaîneme­nts (le cobra). Aussi intelligen­t que lucide et malin (le renard), pour « piquer » sans jamais trop s’exposer. Car, dans le coin opposé, nichait un drôle d’oiseau. Un homme dont il a appris à se méfier lorsqu’ils militaient, ensemble, en équipe de France amateurs. Et dont la lourde frappe, à chaque impact, faisait plus sèchement encore résonner l’avertissem­ent.

Le Toulousain, lui aussi, a la foudre dans les gants, et un sacré tempéramen­t sous le caisson. Le duel n’en fut que plus titanesque… « Dans les 2e et 3e rounds, Rakyb a pris trois pastèques, trois droites, mais il nous a regardés, a souri, et là, ça nous a rassurés. Il a su ensuite rester concentré, jusqu’au bout, et on a su, alors, que plus rien, aujourd’hui, ne pouvait lui arriver… » glissait à chaud « Doudou » Joubij Assad, l’entraîneur de toujours, devenu son frangin de coeur. «En tout cas, j’ai beau bien le connaître, il m’a encore époustoufl­é… »

« Ça a été un combat très, très engagé, admettait sans mal, le désormais couronné petit prince au royaume du Noble art. Théo, c’est

un coriace. Mais il faut être deux pour faire un beau spectacle, et je le remercie vraiment pour ça… » Pour le tout nouveau champion de France des poids mouche, le temps va encore s’accélérer. L’occasion d’aller visiter d’autres galaxies, de décrocher de nouvelles étoiles se profile déjà. « Si tout se passe bien, on devrait faire, ici à Menton, un championna­t d’Europe, probableme­nt dès l’an prochain. Mais on imagine aussi, avant cela, devoir défendre au moins une fois ce titre. Sûrement à Nice, si on nous en offre évidemment les moyens… » anticipe l’entourage du boxeur. Dont la carrière va subir de nouvelles secousses, le 25 mai prochain. À Béziers, il sera à nouveau au coeur de l’arène, mais cette fois pour tenter de se saisir de la ceinture WBC Francophon­e. L’Éternité n’a pas fini de murmurer…

 ?? Du Toulousain Théo Ticout (à droite) (Photos Patricia Boukoum) ?? Le Niçois (à gauche) veut désormais s’attaquer à la ceinture WBC Francophon­e. « Je pense avoir dominé. Mes coups étaient plus nets. Mais c’est toujours plus compliqué quand on ne boxe pas à la maison… »
Du Toulousain Théo Ticout (à droite) (Photos Patricia Boukoum) Le Niçois (à gauche) veut désormais s’attaquer à la ceinture WBC Francophon­e. « Je pense avoir dominé. Mes coups étaient plus nets. Mais c’est toujours plus compliqué quand on ne boxe pas à la maison… »

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