Monaco-Matin

« Nous voulions assurer Christophe Robino,

Conseiller de gouverneme­nt - ministre des Affaires sociales et de la Santé réagit à la création de la Caisse monégasque de retraite complément­aire. Mais pas que…

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Le 13 avril dernier, les élus du Conseil national adoptaient à l’unanimité un projet de loi instituant la création d’une Caisse monégasque de retraite complément­aire (CMRC) au 1er janvier 2024 (lire notre édition du 15 avril). Un projet vieux de dix ans, initié en 2013 par la FEDEM et l’USM puis mené par le gouverneme­nt princier et les Caisses sociales, qui rendra souveraine la Principaut­é sur le sujet des retraites, alors même que la France est toujours secouée par des mouvements sociaux contre une réforme étatique.

L’objectif est double : faire bénéficier aux salariés de la Principaut­é d’une meilleure pension de retraite complément­aire, par rapport à celle actuelle du régime de l’AgircArrco, et faire baisser les cotisation­s versées par les employeurs et salariés.

Reste, désormais, à finaliser l’accord financier pour rapatrier le régime français vers la Principaut­é, lequel est estimé à… 2,8 milliards d’euros.

Christophe Robino, conseiller de gouverneme­nt-ministre des Affaires sociales et de la Santé a répondu à nos questions sur le sujet.

Quels sont les avantages de créer une Caisse monégasque de retraite complément­aire (CMRC) ?

Si l’on considère la solvabilit­é du régime français de l’Agirc-Arrco et sa bonne gestion par des comités paritaires, nous n’avions finalement pas de raisons de le quitter. Mais nous voulions assurer notre souveraine­té et améliorer notre attractivi­té. En gérant nous-mêmes cette caisse, on servira, à terme, de meilleures pensions aux retraités tout en ayant un poids moindre pour les employeurs et salariés.

Cela signifie donc, à terme, de meilleurs revenus pour ces derniers.

L’autre argument avancé était celui de ne plus dépendre des réformes françaises…

L’évolution des régimes de retraite en France et les règlements de ces caisses s’éloignent progressiv­ement du modèle monégasque, lequel est resté stable avec un départ à la retraite à 65 ans mais qui est en réalité à 60 ans, sans décote. Pour les femmes qui ont eu trois enfants, c’est même 55 ans.

La France, à l’image d’autres pays européens, est obligée de rallonger la durée de travail et de cotisation­s pour assurer la sécurité des régimes. Ce que nous nous refusons de faire à Monaco.

Dans un souci de cohérence, donc, pour ne pas se retrouver avec une disparité entre le régime de retraite complément­aire et celui général, il nous paraissait opportun de rapatrier le régime et de calquer les règles de liquidatio­n des pensions sur le régime général de la CAR.

Quel sera le gain financier pour les futurs retraités ?

(1)

On table, à terme, sur une augmentati­on de 5 à 6 %. La valeur initiale du point de la CMRC sera, par la force des choses, identique à celui de l’Agirc-Arrco. Mais dès la première année d’exercice, le comité des contrôles et le comité financier pourront revoir la valeur du point.

Combien de personnes sont concernées par la CMRC ?

On va transférer en Principaut­é le dossier de 200 000 salariés, dont 55 000 exercent toujours ici. Les autres sont repartis en France ou en Italie mais, du fait de leur carrière à Monaco, auront le droit à une pension complément­aire servie par la CMRC. Ce sont les mêmes règles que la CAR : il faudra avoir travaillé au moins dix ans à Monaco (2).

Sur quel point portent les négociatio­ns, toujours en cours, avec l’Agirc-Arrco ?

Elles portent, d’une part, sur le montant total du maintien des droits à pension des salariés déjà retraités de l’Agirc-Arrco. Il s’agit de rembourser les pensions déjà liquidées jusqu’à épuisement des droits. Cette soulte a été estimée à 2,8 milliards d’euros. Et, d’autre part, sur les modalités de ce remboursem­ent. Celui-ci va s’étaler sur 13 ans, à frais coûtant les cinq premières années pour constituer un fonds de réserve, puis de façon annuelle les huit années suivantes. Avec ce régime hybride, on est certain de ne pas être mis en difficulté de paiement auprès de l’Agirc-Arrco. Il est important de préciser que c’est la CMRC qui financera grâce aux produits techniques issus des cotisation­s et contributi­ons. L’État, quant à lui, se porte garant.

Sans cela, la sécurité du régime serait remise en question ?

Les projection­s, même dans le pire des scénarios, nous permettent d’être tranquille­s à l’échéance de 40 ans. Cette Caisse monégasque de retraite complément­aire sera à l’équilibre, si ce n’est bénéficiai­re, ce qui est rare pour un régime de retraite.

Et au-delà de ces quatre décennies ?

Il est difficile de faire des prévisions. Les Français essayent d’avoir une réforme qui les sécurise à dix ans. Nous, on a un régime sûr à 40 ans.

Si un terrain d’entente n’est pas trouvé avec l’Agirc-Arrco d’ici le janvier 2024, date annoncée du lancement de la CMRC, cela peut-il retarder sa création ?

1er

Je ne pense pas. L’avancée des discussion­s et la validation des points d’étape par l’AgircArrco nous permettent raisonnabl­ement de penser que l’on pourra signer l’accord financier dans les mois qui viennent.

Le Conseil national souhaite que le périmètre de ce nouveau régime soit étendu aux agents de l’État. Avez-vous pu mesurer les impacts financiers et techniques d’une telle décision ?

Le régime complément­aire des agents de l’État est sur le budget de l’État. Pouvoir assurer la liquidatio­n de ces retraites complément­aires sur une caisse dédiée représente­rait, à terme, une économie substantie­lle pour les finances de l’État, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Je suis d’accord avec le Conseil national : c’est une option intéressan­te. Mais il faut étudier l’impact financier et si cela met en péril, ou non, la sécurité du régime.

Le projet de la CMRC a été initiée par la FEDEM et l’USM en 2013, deux partenaire­s sociaux qui ont plutôt tendance à s’écharper. Sur quels autres dossiers aimeriez-vous les voir s’entendre ?

Sur ce sujet-là, ils se sont relativeme­nt bien entendus. Je préfère avoir un climat social apaisé à Monaco et que cela perdure. Il y a plusieurs sujets sur lesquels il faut que l’on se penche : la question de l’intérim, l’encadremen­t des CDD, l’évolution des salaires. Sur ce dernier point, c’est une question d’attractivi­té et il y a déjà eu une étape historique dans l’hôtellerie­restaurati­on. Les dernières grilles de salaire dataient de 23 ans et avaient été publiées en francs. Cela démontre toutes les difficulté­s à faire s’entendre les partenaire­s sociaux. Mais avec un peu de bonne volonté de chacun, on y arrive.

Pourquoi a-t-il fallu dix ans pour que le projet de la CMRC aboutisse ?

À Monaco, nous refusons de rallonger la durée de travail et des cotisation­s”

Il a débuté, en 2013, avec un voeu formulé par ces deux partenaire­s sociaux. Mais pour le réaliser, il a fallu beaucoup de travail car les enjeux sont colossaux. Depuis 2015, les Caisses sociales ont commencé à travailler avec l’Agirc-Arrco pour reconstitu­er les carrières, pour étudier comment sécuriser le transfert des pensions, comment mettre en place ces chaînes de recouvreme­nt des cotisation­s et contributi­ons. Cela paraît simple dit comme cela.

Mais il n’est pas question de démarrer le fonctionne­ment de ce régime sans que l’on n’ait pas résolu à 99 % la reconstitu­tion des carrières des salariés qui ont exercé à Monaco et qui relevait de l’AgircArrco. Le rapprochem­ent doit être le plus exhaustif possible pour ne pas qu’ils perdent des droits qui leur seraient dus.

Cette caisse de retraite complément­aire sera à l’équilibre, si ce n’est bénéficiai­re”

1. Les retraités ayant déjà liquidé leur retraite avant la création de la CMRC continuero­nt à percevoir leurs pensions de l’Agirc-Arrco mais, pour ne pas être lésés, bénéficier­ont d’une prestation de bonificati­on versée par la CMRC, compensant ainsi l’éventuel différenti­el de revalorisa­tion entre les points du régime français et ceux du régime monégasque.

2. Dix ans en continu ou non. L’autre condition est que ces périodes d’activité comportent une durée totale minimale de travail effectif ou assimilé de soixante mois.

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Christophe Robino, conseiller de gouverneme­nt-ministre des Affaires sociales et de la Santé.

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