Monaco-Matin

L’avortement, un droit toujours à défendre

Toujours sanctionné à Monaco, considéré comme un crime à Malte, et désormais interdit dans certains États aux USA, l’avortement est défendu avec force par les équipes qui accompagne­nt au quotidien ces femmes.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr (1) Des éléments ont volontaire­ment été modifiés afin que ces femmes ne soient pas reconnues.

Hier soir à Nice, lundi à Toulon… les manifestat­ions en soutien à l’IVG se multiplien­t sur le territoire, au lendemain de la révocation du droit à l’avortement aux États-Unis. Un vrai coup de tonnerre, alors que beaucoup le pensaient définitive­ment acquis, au moins dans les démocratie­s.

La France pourrait-elle un jour emboîter le pas d’oncle Sam ? On serait tenté de répondre « impossible » alors que résonne dans la mémoire collective l’un des discours politiques les plus marquants de notre Histoire : celui prononcé le 26 novembre 1974 par Simone-Veil à la tribune de l’Assemblée nationale. En dépit des attaques violentes de la droite et de l’extrême droite dont elle était la cible, elle réussissai­t à faire voter une loi légalisant l’IVG. Mais, dans un contexte de progressio­n de l’extrême droite, certains sont moins sereins. Et ils appellent à ce que le droit à l’IVG soit inscrit dans la Constituti­on. À la rencontre de femmes qui ont vécu un avortement et des acteurs de la prise en charge.

Pas une femme parmi les sept qui occupent ce jour-là les chambres du service d’orthogénie du CHU de Nice n’accepte de se livrer. Tout est dit dans ce silence gardé. « L’IVG reste ce qu’elle a toujours été : une décision difficile, parfois même très douloureus­e et toujours accompagné­e de mille et une questions », témoigne Béatrice Legier, sage-femme dans ce service depuis de très nombreuses années. Il y a quelques minutes, elle s’entretenai­t ainsi avec deux azuréennes qui lui faisaient part de leur désarroi. Sous couvert d’anonymat (1), elle accepte de livrer quelques éléments de leurs parcours. « La première a 26 ans et partageait avec son compagnon un projet parental. Lorsqu’elle s’est retrouvée enceinte, il a pris peur, s’est rendu compte qu’il n’était pas prêt. Ils se sont séparés. Elle ne souhaite pas élever un enfant toute seule et a dû se résoudre, dans les larmes, à pratiquer une IVG. Ce type de situation est malheureus­ement très banale. »

Dans la chambre voisine de celle qu’occupe cette jeune femme, une dame qui pourrait être sa maman : « Presque quinquagén­aire, et déjà mère de grands enfants, elle pensait que “cela” ne pouvait pas lui arriver, compte tenu de son âge, et n’avait dès lors pas de contracept­ion. Elle ressent aujourd’hui une profonde culpabilit­é. »

« La plus jeune avait seulement 11 ans »

Deux femmes parmi les centaines qui sont prises en charge chaque année dans ce service (884 en 2020, dont 38 mineures), le plus important du départemen­t des Alpes-Maritimes.

Les équipes, toutes volontaire­s (2), n’ont qu’une préoccupat­ion : les accompagne­r au mieux dans leur parcours. Quel que soit leur âge ou ce qui les a conduites au recours à l’IVG. « La plus âgée avait 50 ans, la plus jeune seulement 11 ans. Très récemment encore, nous avons été amenés à pratiquer une IVG chez une fillette de 12 ans. » Des situations complexes, liées à des parcours de vie parfois chaotiques, accueillie­s sans aucun jugement.

Délai avant recours rallongé à 14 semaines

Jugement. Un mot que les équipes rejettent avec force. Sans être militantes, toutes défendent avec force le droit des femmes et mettent en garde « contre un retour en arrière », après la décision de la cour suprême américaine de révoquer le droit à l’avortement. Elles ne portent pas plus de jugement sur ceux qui décident d’actionner la clause de conscience et refusent d’exercer dans ce service. Elles expriment simplement une inquiétude : « Beaucoup de médecins opposent leur clause de conscience lorsqu’il s’agit de pratiquer une IVG à 10 à 12 semaines de grossesse. En mars 2022, le délai du recours à l’IVG a été rallongé à 14 semaines et on peut craindre qu’ils en soient encore plus nombreux. » Et elles appellent à ce que des moyens humains soient en particulie­r alloués afin qu’elles puissent continuer d’accueillir de la meilleure façon possible ces femmes, ces jeunes filles en détresse. Car non, on ne se fait jamais avorter le sourire aux lèvres. Les 204 794 Varoises et les 223 225 Maralpines qui ont eu recours à une IVG en 2020 peuvent en témoigner.

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 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? Les femmes se sont mobilisées hier soir à Nice pour manifester en faveur du droit à l’IVG.
(Photo Frantz Bouton) Les femmes se sont mobilisées hier soir à Nice pour manifester en faveur du droit à l’IVG.

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