Détatouage : LONG, COÛTEUX, ET JAMAIS GARANTI...
Mieux vaut bien réfléchir avant de se faire tatouer, car le retrait d’un tatoo n’est pas chose aisée, et sa disparition complète n’est jamais garantie. Les explications du Dr Le Duff, dermatologue au CHU de Nice.
Autrefois marginale, la pratique du tatouage est désormais très répandue : un quart de la population est tatouée, surtout les 24/35 ans. Encadrée par des protocoles précis, elle génère assez peu souvent des infections, quand les règles d’hygiène sont bien respectées, et plus rarement encore des allergies (lire par ailleurs) .La complication la plus fréquente finalement, c’est peut-être le regret et l’envie de se débarrasser de son tatoo ! Le Dr Florence Le Duff, dermatologue, praticien hospitalier et responsable du centre laser universitaire dermatologique du CHU de Nice, fait le point sur les méthodes de détatouage, un processus long, coûteux, parfois douloureux et jamais sans garantie totale pour lequel deux méthodes s’offrent au patient.
La bonne longueur d’onde
La plus connue, c’est l’utilisation du laser : « Après une première génération de lasers déclenchés, des lasers picosecondes sont arrivés sur le marché avec un temps d’impulsion très court permettant de traiter des particules d’encre très fine. Le laser est choisi en fonction de sa cible spécifique. Selon la couleur, il y a une longueur d’onde différente », explique le Dr Le Duff. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le noir s’efface « assez facilement », les violets et les rouges « pas trop mal », contrairement au jaune et au orange. « On peut aussi rencontrer des difficultés avec les bleus turquoise ou les verts bouteille. Détatouer plusieurs couleurs peut nécessiter l’utilisation de plusieurs lasers différents. Il faut donc réfléchir en amont et vérifier qu’on pourra enlever toutes les couleurs pour ne pas se retrouver avec des fantômes du tatouage sur la peau. » Autre difficulté côté couleurs : « On peut avoir des virages de couleurs, comme avec les blancs contenant du dioxyde de titane, qui peuvent virer au bleu. » Mieux vaut donc connaître la composition des encres utilisées. « C’est désormais obligatoire, indique le Dr Le Duff, mais jusque très récemment, la réglementation ne l’imposait pas. Les encres ne sont pas considérées comme des produits médicaux et ne sont pas soumises aux mêmes conditions de réalisation ou de contrôle. »
Jusqu’à 20 séances
Toutes précautions prises, passons au détatouage. « L’idée, c’est de fragmenter le pigment pour qu’il soit détergé par le système immunitaire. Mais comme il y a toujours un recaptage sur zone par les cellules immunitaires locales, il faut plusieurs séances pour tout éliminer, en moyenne une dizaine, quelquefois moins, parfois beaucoup plus, jusqu’à 20 séances pour une grosse pièce. Le processus peut durer plusieurs années. » Il est donc coûteux, et il faut en prime s’armer de patience et de courage ! « On utilise une crème anesthésiante parce que c’est douloureux, certains patients disent que ça l’est plus que le tatouage, confirme la dermatologue. De plus les séances doivent être espacées de deux ou trois mois. Entre chaque séance, il peut y avoir une réaction inflammatoire, avec des bulles, parfois des croûtes. Il faut donc avancer très progressivement pour éviter les marques, ce qui ne peut jamais être garanti ! Il peut rester une petite marque, une couleur de peau légèrement plus claire à l’emplacement du tatouage effacé. »
Après chaque séance, des soins sont indispensables. « Il faut appliquer une crème cicatrisante durant deux semaines et éviter l’exposition au soleil, c’est donc assez contraignant sur les zones découvertes, liste la dermatologue. D’autant plus qu’il faut aussi éviter d’avoir la peau bronzée avant les séances pour ne pas risquer d’effets secondaires avec le laser.
On traite donc assez peu l’été. » Et quid des risques liés au relargage des pigments dans le système immunitaire de l’organisme ? « Il n’y a très peu d’études sur le sujet mais il y a des millions de gens détatoués dans le monde et on n’a pas de remontée de signaux négatifs », rassure la dermatologue.
L’autre façon de procéder au détatouage, c’est la méthode chimique, pratiquée par des médecins, mais aussi dans des centres de détatouage ou esthétiques. « On utilise un solvant qui fait remonter les pigments à travers la peau, résume le Dr Le Duff. Mais attention, prévient-elle, il y a un risque de cicatrices. Les dermatologues en voient et il y a désormais une publication scientifique à ce sujet. » Attention enfin, en cas de détatouage autour des yeux : «Ilfaut s’adresser à un médecin expérimenté garant de conditions de sécurité strictes pour une bonne protection oculaire. »