Une 3e dose en fonction du taux d’anticorps ?
Le postulat de la baisse progressive d’immunité justifie aujourd’hui le rappel pour toutes les personnes éligibles à la vaccination. Une étude monégasque ouvre la voie à une stratégie en fonction des résultats d’un test sérologique.
Pourquoi rendre systématique à cinq mois la 3e dose, même chez les jeunes sans comorbidités, alors qu’ils sont à faible risque de formes graves et qu’ils présentent, plusieurs mois après une primo-vaccination ou une Covid-19, un taux d’anticorps protecteurs encore très élevé ? À l’opposé, ne devrait-on envisager de rapprocher le rappel chez les personnes qui voient leur taux d’anticorps neutralisants diminuer fortement seulement deux à trois mois après une nouvelle injection ? Ces questions peuvent se poser au vu des résultats présentés par Thomas Althaus, médecin de santé publique et épidémiologiste au Centre scientifique de Monaco (CSM) (1). Résultats issus d’une étude qui s’est intéressée au niveau de protection contre les formes graves de Covid chez quelque 7 000 Monégasques volontaires.
Un kit pour des mesures
Dans le cadre d’un projet soutenu par le gouvernement de la Principauté, tous les résidents monégasques qui se présentent pour le rappel vaccinal se voient proposer, depuis juillet 2021, une prise de sang. Les échantillons sont ensuite adressés au CSM qui, à l’aide d’un kit (2), mesure précisément le niveau d’anticorps neutralisants, c’est-à-dire capable de bloquer la multiplication du virus. Sans surprise, c’est parmi les personnes âgées de plus de 80 ans que l’on retrouve les taux les plus faibles d’anticorps protecteurs. « Plus de 30 % n’ont plus d’anticorps neutralisants, justifiant pleinement l’intérêt d’une troisième dose. » Et même d’une quatrième, si l’on en croit les premiers résultats. « Trois à quatre mois après la troisième injection, pour celles qui ont bénéficié d’un rappel dès le mois de juin, on constate déjà une baisse de cette immunité. » Cette population à risque, en dépit du vaccin, n’est heureusement pas majoritaire, même parmi les plus âgés. «60à70%desplus de 80 ans présentent un taux d’anticorps neutralisants supérieur à 30 % plus de 6 à 8 mois après leur deuxième injection. Parmi les populations plus jeunes, âgées de 18 à 60 ans, c’est encore plus marqué, avec la présence chez la grande majorité, d’un taux d’anticorps encore très élevé. »
Extension au-delà de sept mois ?
Sans remettre en question l’utilité de la vaccination pour prévenir les formes graves – la preuve de son efficacité a été largement fournie –, ces résultats amènent à interroger la logique scientifique et médicale de la troisième dose généralisée.
La Principauté devrait, sur la base de ces études, proposer une extension du pass sanitaire au-delà de 7 mois en cas de taux élevé d’anticorps. Il reste que « les Monégasques se rendent fréquemment en France et en Italie notamment, pays limitrophes ; pour que leur pass soit valide dans ces États, ils doivent recevoir le rappel avant sept mois. » Une situation un peu ubuesque dénoncée sur les réseaux sociaux (lire ci-dessous). Sauf à imaginer que les États voisins mettent en place le même programme de suivi immunologique, les Monégasques devront accepter la règle du « même traitement pour tous ». « Dans un État qui compte seulement 40 000 résidents, il est plus aisé de personnaliser ainsi le rappel après une sérologie », convient le Dr Althaus. Des questions se posent aussi avec le variant Omicron. « Il n’existe pas encore de tests sérologiques spécifiques à ce variant. Il est probable, comme avec les souches qui se sont succédé jusqu’à présent, qu’il soit plus contagieux, ce qui sous-entendrait qu’il faudra probablement davantage d’anticorps neutralisants pour assurer une protection. » Eton ne sait pas encore si les vaccins utilisés actuellement seront aussi efficaces contre ce nouveau variant.
1. Il intervenait les 2 et 3 décembre dans le cadre de conférences organisées par le CSM, la Fondation Mérieux, le gouvernement princier et la Fondation Prince Albert II et dédiées à la lutte contre les virus. 2.Développé par une équipe de scientifiques de Singapour avec laquelle le CSM collabore.