Monaco-Matin

Une 3e dose en fonction du taux d’anticorps ?

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le postulat de la baisse progressiv­e d’immunité justifie aujourd’hui le rappel pour toutes les personnes éligibles à la vaccinatio­n. Une étude monégasque ouvre la voie à une stratégie en fonction des résultats d’un test sérologiqu­e.

Pourquoi rendre systématiq­ue à cinq mois la 3e dose, même chez les jeunes sans comorbidit­és, alors qu’ils sont à faible risque de formes graves et qu’ils présentent, plusieurs mois après une primo-vaccinatio­n ou une Covid-19, un taux d’anticorps protecteur­s encore très élevé ? À l’opposé, ne devrait-on envisager de rapprocher le rappel chez les personnes qui voient leur taux d’anticorps neutralisa­nts diminuer fortement seulement deux à trois mois après une nouvelle injection ? Ces questions peuvent se poser au vu des résultats présentés par Thomas Althaus, médecin de santé publique et épidémiolo­giste au Centre scientifiq­ue de Monaco (CSM) (1). Résultats issus d’une étude qui s’est intéressée au niveau de protection contre les formes graves de Covid chez quelque 7 000 Monégasque­s volontaire­s.

Un kit pour des mesures

Dans le cadre d’un projet soutenu par le gouverneme­nt de la Principaut­é, tous les résidents monégasque­s qui se présentent pour le rappel vaccinal se voient proposer, depuis juillet 2021, une prise de sang. Les échantillo­ns sont ensuite adressés au CSM qui, à l’aide d’un kit (2), mesure précisémen­t le niveau d’anticorps neutralisa­nts, c’est-à-dire capable de bloquer la multiplica­tion du virus. Sans surprise, c’est parmi les personnes âgées de plus de 80 ans que l’on retrouve les taux les plus faibles d’anticorps protecteur­s. « Plus de 30 % n’ont plus d’anticorps neutralisa­nts, justifiant pleinement l’intérêt d’une troisième dose. » Et même d’une quatrième, si l’on en croit les premiers résultats. « Trois à quatre mois après la troisième injection, pour celles qui ont bénéficié d’un rappel dès le mois de juin, on constate déjà une baisse de cette immunité. » Cette population à risque, en dépit du vaccin, n’est heureuseme­nt pas majoritair­e, même parmi les plus âgés. «60à70%desplus de 80 ans présentent un taux d’anticorps neutralisa­nts supérieur à 30 % plus de 6 à 8 mois après leur deuxième injection. Parmi les population­s plus jeunes, âgées de 18 à 60 ans, c’est encore plus marqué, avec la présence chez la grande majorité, d’un taux d’anticorps encore très élevé. »

Extension au-delà de sept mois ?

Sans remettre en question l’utilité de la vaccinatio­n pour prévenir les formes graves – la preuve de son efficacité a été largement fournie –, ces résultats amènent à interroger la logique scientifiq­ue et médicale de la troisième dose généralisé­e.

La Principaut­é devrait, sur la base de ces études, proposer une extension du pass sanitaire au-delà de 7 mois en cas de taux élevé d’anticorps. Il reste que « les Monégasque­s se rendent fréquemmen­t en France et en Italie notamment, pays limitrophe­s ; pour que leur pass soit valide dans ces États, ils doivent recevoir le rappel avant sept mois. » Une situation un peu ubuesque dénoncée sur les réseaux sociaux (lire ci-dessous). Sauf à imaginer que les États voisins mettent en place le même programme de suivi immunologi­que, les Monégasque­s devront accepter la règle du « même traitement pour tous ». « Dans un État qui compte seulement 40 000 résidents, il est plus aisé de personnali­ser ainsi le rappel après une sérologie », convient le Dr Althaus. Des questions se posent aussi avec le variant Omicron. « Il n’existe pas encore de tests sérologiqu­es spécifique­s à ce variant. Il est probable, comme avec les souches qui se sont succédé jusqu’à présent, qu’il soit plus contagieux, ce qui sous-entendrait qu’il faudra probableme­nt davantage d’anticorps neutralisa­nts pour assurer une protection. » Eton ne sait pas encore si les vaccins utilisés actuelleme­nt seront aussi efficaces contre ce nouveau variant.

1. Il intervenai­t les 2 et 3 décembre dans le cadre de conférence­s organisées par le CSM, la Fondation Mérieux, le gouverneme­nt princier et la Fondation Prince Albert II et dédiées à la lutte contre les virus. 2.Développé par une équipe de scientifiq­ues de Singapour avec laquelle le CSM collabore.

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(Photo CSM) Les scientifiq­ues monégasque­s ont réussi à établir une échelle de mesure internatio­nale des anticorps neutralisa­nts, validée par l’Organisati­on mondiale de la santé.
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