Le choix d’une
Le réchauffement climatique galopant est un problème majeur. S’il est une évidence – les nombreux rapports du GIEC le prouvent – l’action est bien souvent limitée par des considérations techniques ou financières. L’univers hospitalier n’échappe pas à cette problématique.
Mais lui aussi dispose de leviers d’action pour limiter son impact sur le climat. La direction du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël s’est ainsi engagée dans une démarche de qualité environnementale. Cela passe par la mise en place de collecteurs de tri sélectif, la valorisation des déchets, etc. Mais la réflexion est venue aussi des soignants. Parmi eux, le Dr Vincent Grégoire, anesthésiste réanimateur, qui a fédéré autour de lui ses collègues, tous métiers confondus afin de modifier leurs pratiques.
« Le secteur des soins de santé a longtemps été épargné par les évaluations environnementales car les bénéfices qu’il apporte sont jugés essentiels et que la nécessité clinique doit raisonnablement avoir préséance sur les préoccupations environnementales. Toutefois, le développement des technologies et progrès scientifiques permet désormais aux médecins un choix raisonné permettant d’intégrer ce nouveau défi. »
Le constat est simple : « Pour l’anesthésie, on utilise des gaz. Lorsqu’ils sont administrés aux patients, ils sont très peu métabolisés (voire pas du tout) et sont donc rejetés tels quels dans l’atmosphère. Or certains d’entre eux – car tous n’ont pas la même formule chimique – produisent un effet de serre. » La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’agir facilement pour limiter ces conséquences négatives. « Pour résumer, nous disposons de plusieurs produits. Le premier d’entre eux, c’est le protoxyde d’azote (N2O). En termes environnementaux, c’est le pire : utilisé en association avec les gaz halogénés pour l’anesthésie générale, il majore de façon significative le potentiel de réchauffement global des gaz anesthésiques rejetés dans l’atmosphère. »
Le Dr Grégoire, qui a étudié de près la question, souligne : «Les études montrent que le protoxyde d’azote deviendra la substance principalement responsable de la destruction de la couche d’ozone tout au long du XXIe siècle. Or son utilisation comme agent pharmacologique est tout de même responsable de 2 % des émissions. Et le supprimer, c’est facile, car on dispose de produits alternatifs, c’est ce que nous avons fait ici à l’hôpital. »
La question du N2O étant réglée, en subsistait une autre : par quoi le remplacer ? « Dans les blocs opératoires, on utilise souvent le desflurane. Or il s’agit d’un gaz halogéné – certes le plus moderne – mais aussi le plus puissant comme gaz à effet de serre ! », alerte le Dr Grégoire. À titre de comparaison, il représente 3714 fois le potentiel de réchauffement global du CO2. Autre écueil : « C’est aussi le plus cher. » Deux raisons qui ont poussé le médecin, soutenu par la direction du CHI Fréjus Saint-Raphaël, à l’abandonner lui aussi.
« Nous avons simplement opté pour un autre produit, le sévoflurane, explique l’anesthésiste. Pour le patient, cela ne change absolument rien, il présente la même efficacité. En revanche, il est beaucoup moins polluant. » Cerise sur le gâteau, son utilisation à la place des autres produits a permis à l’établissement de réaliser l’an dernier près de 20 000 euros d’économies.
Cette réflexion au départ environnementale s’est donc voulue très vertueuse puisqu’elle a permis de limiter les émissions de gaz à effet de serre tout en maîtrisant les dépenses. « Cela a été possible aussi grâce à l’investissement de nos partenaires, l’ARS bien sûr mais aussi la CAVEM (Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée, Ndlr) », indique Frédérique Maamar, responsable des services logistiques et cheffe opérationnelle du développement durable au CHI. En attendant, le modèle choisi dans l’établissement varois pourrait faire école. D’ailleurs, la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation) a émis en 2020 des recommandations en faveur de cette approche, plus respectueuse de l’environnement.