Monaco-Matin

La semaine vagabonde de Denis Carreaux

- Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Lundi

> Prudence de sioux. On a déjà connu le gouverneme­nt moins timoré. Ton grave et visage fermé, Jean Castex et Olivier Véran reprennent la tradition des conférence­s de presse télévisées pleines de chiffres qui font peur et d’annonces inquiétant­es. Avec une prudence de sioux, le Premier ministre égrène les mesures. Ouf, une seule est réellement coercitive, la fermeture des discothèqu­es pour quatre semaines. En dehors des intéressés, à qui on promet d’ouvrir le chéquier, la décision ne scandalise­ra pas grand monde. Pour le reste, le refrain de Jean Castex, chanté maintes fois par Emmanuel Macron, est connu. Il appelle chacun à la responsabi­lité à l’approche des fêtes.

Les Français, ces grands fous, sont invités à « lever le pied » en limitant les « moments de conviviali­té ».

Les entreprise­s, privées de pots de fin d’année, incitées à passer de deux à trois jours de télétravai­l par semaine. Si la situation tourne mal, ce sera de notre faute. Nous voilà prévenus.

Mardi

> Leur petite entreprise ne connaît pas la crise. Tout ne va pas si mal en ce bas monde. La preuve ? Pour la sixième année consécutiv­e, les ventes d’armes sont en progressio­n, explosant tous les records. En 2020, le chiffre d’affaires des cent plus grands groupes du secteur de la Défense a en effet atteint 531 milliards de dollars, niveau jamais tutoyé auparavant, d’après les données de l’Institut internatio­nal de recherche sur la paix de Stockholm. Loin de freiner les ardeurs des marchands d’armes, la crise sanitaire leur a profité au moment précis où l’économie mondiale plongeait. Tout ne va donc pas si mal, sauf pour la France. À la cinquième place de ce classement, elle voit son chiffre d’affaires chuter de 7,7 % en un an. Préoccupan­t pour un secteur stratégiqu­e qui emploie tout de même 200 000 personnes.

Mercredi

> Hidalgo dans le TGV de la débâcle. En découvrant dans le TGV qui la conduit à Poitiers qu’Arnaud Montebourg envisage de se sacrifier pour laisser la place à une candidatur­e commune à gauche, Anne Hidalgo a une fulgurance : il faut renverser la table. Donnée à 3 % la veille dans un sondage Elabe-BFMTV, la candidate socialiste est en plein naufrage. Ni une, ni deux, la maire de Paris saisit son téléphone, appelle TF1 et s’invite au 20 heures où elle va proposer l’organisati­on d’une primaire à gauche. En quelques minutes, l’opération sauve-qui-peut prend l’eau. Mélenchon, Jadot, Roussel : les candidats repoussent son idée illico. Hollande, jamais à une vacherie près, tacle l’initiative. Même Montebourg, qui se rêvait en chevalier blanc de l’unité de la gauche, tord le nez. Un fiasco à grande vitesse.

Jeudi

> Macron, quel programme ! Copie brillante. Du style, de l’ambition, un brin d’emphase. En élève studieux, Emmanuel Macron a peaufiné la deuxième conférence de presse de son quinquenna­t. Un discours technique de plus d’une heure sur la stratégie et le calendrier de la France qui assurera pour six mois la présidence du Conseil de l’Union européenne à partir du 1er janvier. Qu’est-ce qu’on aimerait croire à cette Europe « souveraine » et « humaine », capable de maîtriser ses frontières et de damer le pion aux géants américains du numérique ! Mais comment Emmanuel Macron peut-il laisser penser qu’il aura la capacité de changer les choses en l’espace de quatre mois seulement ? Car s’il n’est pas réélu, la présidence française du Conseil de l’UE changera aussi de président fin avril. Par ailleurs, comment l’actuel chef de l’État arrivera-t-il à concilier sa présidence européenne et sa propre campagne de candidat ? L’intéressé botte en touche. « Nous n’avons pas choisi le calendrier ». Circulez, il n’y a rien à voir.

Vendredi

> Police de l’assiette. Certains élus écolos ont un sérieux problème avec nos libertés. En interdisan­t de servir du foie gras lors des réceptions officielle­s, le maire de Lyon a pris une décision conforme à ses conviction­s. C’est son droit, et il n’est pas le seul. Ses homologues de Grenoble, Strasbourg (EELV) et Villeurban­ne (PS) ont fait de même sous la pression des animaliste­s. Mais quand il somme les restaurate­urs de la Capitale des Gaules de bannir purement et simplement le foie gras de leurs cartes, Grégory Doucet sort de son rôle. Si les questions liées au bien-être animal sont légitimes, il n’appartient en aucun cas à un élu de nous dicter notre conduite ou de décider du contenu de nos repas. Après la police de la pensée qui entend interdire les sapins de Noël, le Tour de France ou les jeux de garçons dans les cours de récré, les élus Verts inventent la police de l’assiette. On attend avec gourmandis­e leur prochaine idée lumineuse.

Samedi

> La voie Royal. Après les rebondisse­ments rocamboles­ques de ces derniers jours autour de l’hypothèse d’une candidatur­e unique à gauche, il ne manquait qu’elle. Ségolène Royal, que personne n’espère ni n’attend, se rêve en recours ultime. « S’il y avait une primaire et que mon nom sortait, je prendrais

mes responsabi­lités », confie-t-elle sur LCI, invitant au passage Anne Hidalgo à se désister. Selon un élu de gauche effaré par le spectacle donné cette semaine, Ségolène Royal ne se contente pas de lancer un petit ballon d’essai en se déclarant disponible. L’ex-présidente de Poitou-Charentes ferait en ce moment le tour des popotes pour tenter de fédérer des soutiens de poids autour de sa candidatur­e. Rappelons à toutes fins utiles le résultat de la dernière élection à laquelle a participé Ségolène Royal. Candidate il y a trois mois au poste de sénatrice des Français de l’étranger, la finaliste de la présidenti­elle de 2007 face à Nicolas Sarkozy a obtenu à peine 2 % des voix. C’est ce qui s’appelle disposer d’une belle marge de progressio­n.

« Après la police de la pensée, les élus Verts inventent la police de l’assiette... »

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