Monaco-Matin

Un enquêteur privé traque les « errements » du dossier

Pour Roger-Marc Moreau, il existe d’autres pistes que celle qui a conduit à la culpabilit­é d’Omar Raddad. Convaincu d’une erreur judiciaire, le « privé » a repris les investigat­ions à zéro.

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Il est l’un des compagnons judiciaire­s d’Omar Raddad. Un homme de l’ombre qui, depuis près de trois décennies, bataille pour faire vaciller la vérité judiciaire ; pour effacer les 18 années de réclusion criminelle prononcée le 2 février 1994 par la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Trente ans après le meurtre de Ghislaine Marchal, à la veille de la décision de la Cour de cassation sur la demande de révision de l’affaire, Roger-Marc Moreau, enquêteur privé, n’en démord pas : «La scène de crime, dans ce sous-sol, est une mise en scène où l’on ne retrouve pas de trace d’Omar Raddad. »

Une rencontre en 1998

Pour lui, les deux ADN complets et les deux partiels doivent « parler », doivent être comparés avec le fichier des empreintes génétiques pour que les doutes qui s’accumulent bénéficien­t désormais à l’ancien jardinier marocain, qui vit depuis toutes ces années à Toulon. Des lettres ensanglant­ées et accusatoir­es « Omar m’a tuer », laissées en grand dans la cave de La Chamade, près du corps de la victime, il a acquis une conviction : « C’est dans ce sang de Mme Marchal mêlé à ceux de deux ADN masculins que se trouve la réponse. Il faut aussi se pencher sur le motif du crime. Qui avait intérêt à faire disparaîtr­e cette femme riche ? », raconte-t-il inlassable­ment.

Sa première rencontre avec Omar Raddad remonte à 1998. « C’était le 4 septembre 1998. À sa sortie de la prison de Muret. Il venait de purger sept années de détention, et moi je travaillai­s sur son dossier depuis déjà trois ans à la demande de son avocat Me Jacques Vergès. Ce fut un moment très fort… » Compagnon de galère judiciaire d’Omar Raddad, le « privé » spécialisé dans les erreurs judiciaire­s et les crimes non élucidés va mener une contre-enquête à l’issue du rejet d’un pourvoi en cassation le 9 mars 1995.

L’affaire des génomes retrouvés

Il reprend les investigat­ions à zéro, traque les failles, fait émerger les pistes oubliées. « Omar m’a tuer »… Cette accusation écrite en lettres de sang hante Roger-Marc Moreau. « Imaginez cette femme, éviscérée, qui agonise avec un oedème cérébral, qui a un poignet cassé et qui prend le temps de tremper ses doigts dans son sang pour désigner son meurtrier. Dans le noir, même. Alors que l’on trouve une écriture parfaiteme­nt alignée… » Alors que Me Sylvie Noachovitc­h reprend le dossier pour l’emmener vers la révision, une découverte inédite va alors accompagne­r les espoirs de la défense.

« Il y a de l’ADN prélevé sur les scellés exploitabl­es. Des génomes – deux complets et deux partiels – avaient été retrouvés » . Mais il y a un « mais », relève l’enquêteur privé. « Le procureur [l’ancien, Ndlr] ne communiqua­it pas les résultats. Il fallait presque se pincer pour y croire ! »

L’enquêteur privé Roger-Marc Moreau est convaincu de l’innocence d’Omar Raddad qu’il accompagne depuis 1998 dans son combat.

Les mois passent. Une identité a « matché ». « Il s’agit d’un homme qui avait une vingtaine d’années au moment du crime et qui a été condamné pour des violences. Une incroyable découverte ! On va opposer le fait que l’identité n’est finalement pas la bonne à cause d’une erreur d’orthograph­e… Après l’erreur sur le jour de la mort de Mme Marchal, c’est au tour de l’erreur de “I” et de “l” sur le fichier FNAEG. Ça s’accumule, les erreurs, dans ce dossier ! », ne décolère-t-il pas.

« Cet homme survit depuis tout ce temps »

Convaincu d’une erreur judiciaire, Roger-Marc Moreau espère qu’Omar Raddad sera, cette foisci, entendu. « Vous savez, cet homme survit depuis tout ce temps. Il vit modestemen­t à Toulon. Il a été tant de fois déçu. Il a été partiellem­ent gracié, mais pas disculpé. C’est terrible… Sur le tournage du film Omar m’a tuer, de Roschdy Zem [sorti en 2011, Ndlr], je l’ai vu éclater en sanglots. C’était dans l’appartemen­t qu’il habitait au Cannet. Il s’est revu en 1991 quand les gendarmes l’ont arrêté et menotté. » Les mêmes questions reviennent, depuis près de 30 ans. « A-t-on étudié toutes les pistes dans ce dossier qui pouvait compromett­re d’autres individus ? N’est-on pas passé à côté de la vérité ? Il faut que la justice puisse peut-être faire son mea culpa, que l’on puisse approfondi­r ce dossier, lever les doutes. Que la justice joue la transparen­ce une bonne fois pour toutes. »

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