Vendeurs de rêve
Il y a une vingtaine d’années, on le croisait souvent au pied des remparts d’Antibes. C’était un homme sans âge, au visage grignoté par une barbe indocile, éclairé par deux yeux bleu sarcelle pétillants de malice.
Il vendait des boîtes. De toutes tailles. De toutes formes. Pas spécialement jolies. Mais il les vendait cher, car il avait collé sur chaque couvercle : « Air d’Antibes ». Cette étiquette faisait pouffer les touristes. Tellement que certains achetaient un récipient vide en se poussant du coude : « Tu te rends compte, sur la Côte d’Azur, comme ils se moquent du monde ! Il faut que je montre ça à tante Simone… »
L’homme ne disait rien. Sourire aux lèvres, il se contentait de glisser l’argent dans une bourse bien remplie. Certains politiques en campagne sont semblables à ce commerçant avisé. Ils brassent de l’air, vendent du rêve et laissent ensuite leurs supporters se débrouiller avec la réalité. À gauche, on veut rayer d’un trait de plume la dette de la France, doubler en cinq ans le salaire des profs, appliquer les traités internationaux de manière aléatoire. À droite, on s’engage à éradiquer le terrorisme, à bouter les étrangers hors de nos provinces. On promet d’engager des référendums anticonstitutionnels. Tous chiraquiens d’un jour, dans les pas du grand Jacques qui plastronnait en 1995 :
« Je vais vous étonner par ma démagogie ».
Pas de quoi fouetter un électeur. Depuis belle lurette, les Français ont appris que les promesses n’engagent que les naïfs qui les écoutent. Et que ceux qui prétendent changer la vie, souvent, ne songent qu’à changer la leur.
« Tous chiraquiens d’un jour, dans les pas du grand Jacques qui plastronnait en 1995 : ” Je vais vous étonner par ma démagogie.” »