Monaco-Matin

« Nous voulons des réponses »

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Le rendez-vous a été donné Aux Fourreurs , un bar du 10e arrondisse­ment de Paris. Ce quartier où il a vécu 19 ans, Solal en avait fait son repère. «Jesuisun enfant de la rue d’Enghien », s’en amusait-il. Christophe Tomas, son papa, et Amélie, sa maman, s’installent en terrasse. Épuisés, yeux creusés. À fleur de peau. La veille, ils ont vécu le cauchemar de tout parent. Ils ont inhumé leur fils au cimetière du Père Lachaise. Mardi avaient lieu les obsèques de son copain Eliott, au même endroit. Quant à Youssouf, ses parents sont partis jeudi à Abidjan – d’où ils sont originaire­s – pour lui offrir une sépulture. Trois jeunes Parisiens de 20 ans. Trois potes au destin brisé. « Des copains de bac à sable », selon les mots du papa d’Eliott. Ils ont fréquenté la même maternelle. Solal, yeux bleu océan, taches de rousseur, a baigné dans l’univers artistique familial, entre musique et cinéma.

Un garçon joyeux

Une enfance faite de complicité et de bagarres sans lendemain avec son frère Mathis, et de câlins avec sa soeur Lola. Ces dernières années, il avait découvert le mixage. Il partageait cette passion avec Eliott, un garçon adopté d’origine haïtienne.

Voyageur comme toute sa famille, Solal s’était épris de surf. Il s’y était adonné avec bonheur au Costa Rica, où il avait passé un an après le bac. Les études, le jeune homme les poursuivai­t plus qu’il ne les rattrapait. Dire que son inscriptio­n en LEA n’a pas été un franc succès n’est pas lui faire injure. Son rêve secret était composé de « gros sons », de tables de mixage. Un garçon joyeux, à la gueule d’acteur, friand de couscous et fan du PSG. « Parfois secret avec ses parents », sourit son père. Mais il appelait sa maman dix fois par jour. « Nous étions fusionnels », témoigne Amélie.

Ses dernières heures, leurs dernières heures, sont connues. Le dimanche veille du drame, la bande s’était rendue sur la base de loisirs du lac du Dramont. «Le lundi, ils sont allés au lac de Saint-Cassien puis sont retournés au Dramont le soir. »

Un dernier message d’amour

Solal lira un dernier message d’amour de sa mère, vers deux heures du matin. Le SMS a été marqué «Lu». Puis plus rien. Ils ont semble-t-il, ce soir-là, égaré les clés de la voiture, avant de les retrouver.

Tous, à l’exception de Solal, portaient la ceinture, avant de basculer dans le vide. Il était tassé à l’arrière de la Seat trois portes, au milieu, entre ses deux gaillards de copains. Une soirée festive. Les analyses toxicologi­ques n’ont pas encore été rendues, mais deux bouteilles d’alcool ont été retrouvées dans la voiture. «Jenevais certaineme­nt pas accabler Aurélien, le conducteur, souffle Christophe. C’est une erreur de manoeuvre. Mais pourquoi cette absence de sécurisati­on du site ? Ce sont des jeunes qui kiffaient leur vie, comme ils disent. Rien de méchant. Surtout pas des délinquant­s. » Dans la tête des parents de Solal, et de ceux d’Eliott et de Youssouf, les questions se bousculent tout autant que l’incompréhe­nsion. «Je n’ai eu aucun retour de la mairie de Saint-Raphaël, s’insurge le papa de Solal. J’ai appelé, j’ai demandé qui sécurisait le site. Il y a eu un blanc. On m’a dit qu’on me rappelait dans la minute. J’attends encore. Il n’y a eu aucun message, aucune fleur de la mairie lors de l’enterremen­t. Je veux savoir. Des enfants font du vélo là. Qui sécurise les lieux le soir, et qui est censé fermer cette barrière ? Le centre qui exploite le site, ou la mairie ? Nous voulons des réponses à nos questions. » Revenus dans le 10e arrondisse­ment, à 900 kilomètres de ce lac maudit qui leur a pris leur Solal si solaire, Christophe et Amélie restent hantés par ces « pourquoi ».

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(Photo DR) Solal,  ans, a été inhumé cette semaine, comme ses copains Eliott et Youssouf.

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