Monaco-Matin

Ce pâtissier a sculpté un géant du jazz tout chocolat

Le Varois Yoan Palamara, passé chez les ténors Michalak et de Oliveira, avant de choisir la formation au CFA du Beausset, a donné vie à un saxophonis­te chocolaté grandeur nature.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Quand le jazz est, quand le jazz est là… Le chocolat, le chocolat, waouh ! Il y a du génie dans l’air. Il y a de l’amour dans les bras de Yoan et la matière. Chaque jour un peu plus, il y a ses mains qui s’affairent. Alors cinq mois durant, ce fut la java. De l’eau dans le gaz entre inspiratio­n et réalisatio­n…

Quand le jazz est, quand le jazz est là. Le chocolat, le chocolat fait waouh ! L’accordéon sous ses doigts. L’orage sous son crâne. Et ses souvenirs du papy. À la batterie de la pâtisserie. De Tunis. De Port-de-Bouc. Qui ramenait toujours des délices. Un gâteau d’anniversai­re. Aux bougies, béat, à souffler… Il aurait pu se faire la malle. Le petit. Tourner le dos à la pendule génétique. Surtout, Armstrong, qu’elle n’est pas noire comme une tablette. Cette arbalète de 28 ans, tendue par une idée folle : prêter vie à un bird de la soul. Un oiseau de la nuit. Un Coltrane. Un Bechet. Aux âmes damnées par le saxo…

Parcours étoilé

Avec Yoan Palamara, quand le jazz est, quand le jazz est là. Le chocolat, le chocolat… va ! Se transforme en plume d’ange. À sculpter du bout de l’aile. Se saoule de ses désirs de perfection. Jusqu’à fondre sous ses caresses expertes. D’artiste à la trajectoir­e vouée à la reine fève. Au cacao. Roi.

À 5 ans déjà, il se voyait à l’affiche de ce music-hall riche de secrets. Aux numéros onctueux. « Même si à l’époque, ma famille a essayé de me dissuader de faire ce métier. »

Le dernier carré, de la tablette, sera pourtant pour lui. Mordu, le Varois n’en a jamais démordu. Au diable la salsa des mises en garde. L’ado ne s’en remet qu’à ses saints lactés. À sa volonté, pure et jamais amère, de gravir les marches de ce métier. Jusqu’au Plaza Athénée à Paris. À croquer un stage 5 étoiles, aux côtés de maître Michalak. De l’avenue Montaigne à Cannes, il n’y a pas une montagne.

Tout juste une autoroute empruntée vers les sommets du savoir. C’est sur cette Croisette que le jazz poursuit son cha cha cha.

Après le BEP, le Bac pro, le BTM (brevet technique des métiers), le voilà qui intègre l’École nationale supérieure de la pâtisserie à Yssingeaux (HauteLoire). En alternance. De haut en bas…

Réaliser l’irréalisab­le

« En même temps que mon cursus, je travaillai­s chez Jérôme de Oliveira. » Chez un champion du monde de la pâtisserie, dont les boutiques cannoise et grassoise ont pignon sur rue. « Je suis devenu chef de labo ». Sans une pensée, encore, pour son futur morceau de choix. Son funny Valentin… Son compagnon de passion. Né pour émerveille­r. Les pupilles. Point les papilles. « Cette pièce, je l’avais dans ma tête depuis longtemps. Il me fallait encore la concrétise­r. » Réaliser l’irréalisab­le. Marier enfin le jazz et la java. D’un amour sorcier. Chocolaté. Du croquant au craquant. De la tête aux pieds. Quand le jazz est, quand le jazz est là. Le chocolat, le chocolat… s’apprivoise. Se sculpte. Quatre heures par jour. Prend vie. À force de modelages. De volonté. Dans la masse. Dans le détail. Avec la minutie d’un chef d’orchestre. À la baguette tantôt furieuse. Tantôt câline. « Sur la fin, j’ai énormément stressé. J’avais peur que tout se casse. Que tout soit fichu en l’air. » Que son saxophonis­te tire sa révérence à Sing Sing. Sur un requiem de mauvaise vie. Abandonnan­t son orfèvre à sa désillusio­n. « À plusieurs reprises, je me suis dit que je n’allais pas y arriver. Et même si certains m’ont pris pour un grand malade, je suis allé au bout ! »

Une pièce d’orfèvre

Au bout de son Parker brillant. En équilibre sur son tabouret. Cendrier renversé devant ses souliers bicolores cirés. Une incroyable illusion. À qui il ne manque que le son. Les notes cuivrées du saxophone pour qu’il ne devienne homme. Star du Cotton Club. Mais il ne verra jamais la scène, l’artiste fondant. Encore endormi chez l’ancien patron de Yoan. « Je ne peux pas l’exposer n’importe où. C’est évidemment sensible aux variations de températur­e. Pour l’instant, la sculpture est chez M. de Oliveira. »

Encore à l’abri des regards. Bientôt ébahis. Avant d’attiser les convoitise­s et d’affoler - on l’espère - les compteurs lors d’une vente aux enchères (voir par ailleurs). Tel est le souhait de son jeune chocolatie­r à l’imaginaire révélé. Concrétisé. Partagé, aussi, depuis peu avec la chorale des apprentis pâtissiers du CFA du Beausset, dans le Var. Établissem­ent où Yoan a choisi de poursuivre son petit bonhomme de chemin. « Pour moi, la transmissi­on, c’est hyper important. J’ai toujours aimé transmettr­e le savoir aux étudiants. J’espère que ma pièce les motivera. Suscitera des vocations. Je ferai tout pour leur donner les clés. » Les clés du chocolat.

De son chocolat. Parti avec le jazz. Faire la java.

À suivre sur les réseaux sociaux Sur Instagram : @yoanpalama­ra ; Sur Facebook : Yoan Palamara ; Sur YouTube : Yoan Palamara.

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Sur la fin, j’ai énormément stressé. J’avais peur que tout se casse. Que tout soit fichu en l’air. ”

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(Photo Aline Gérard) Qui est de chair ? Qui est de chocolat ? Le pâtissier et sa sculpture ne font qu’un lorsque le saxophone s’empare de leurs âmes.

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