Monaco-Matin

Le manque de matières premières bride la reprise

BTP, automobile, agroalimen­taire : de nombreux secteurs sont affectés par un redémarrag­e à plusieurs vitesses dans le monde. Les entreprise­s locales en subissent les effets.

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La Covid-19 n’a pas fini de révéler ses effets secondaire­s. Y compris pour l’économie. L’heure devrait être à l’euphorie de la reprise économique ; pour de nombreux acteurs, elle vire à la soupe à la grimace. En cause : la pénurie de matières premières.

Le BTP, l’agroalimen­taire, l’auto, le vélo… Toutes ces filières souffrent de maux similaires. La reprise d’activité qui a pris au dépourvu certains fournisseu­rs. Le rythme différent d’un pays à l’autre, intimement lié à celui des campagnes de vaccinatio­n. Et la désorganis­ation des filières d’approvisio­nnement. Transition difficile ou nouvel ordre durable ? Dans ce domaine-là, le traitement viendra moins des États que du marché.

BTP : « On se retrouve en bout de chaîne »

« On risque d’avoir des chantiers à perte. En seize ans d’activité, c’est la première fois que je vois ça ! Et tout le monde est impacté. »

Le BTP est à l’économie ce que N’Golo Kanté est aux Bleus : quand il va, tout va. Mais voilà : le BTP souffre, justement. Les prix des matériaux flambent. Les marges se réduisent. Les délais s’allongent. Et Vincent Isaia en observe les effets directs, à la tête d’Isaia Group à Saint-Laurent-du-Var. D’un côté, les prix des matériaux galopent alors que des chantiers ont été signés à des conditions tarifaires aujourd’hui révolues. De l’autre, les produits se font désirer. Du coup, Vincent Isaia a dû « jongler » pour équiper les cuisines d’une plage privée à temps pour l’été. Ou pour dénicher des ossatures de cloisons pour le futur campus des métiers de la plaine du Var, moyennant un surcoût de 15 %.

« Les chantiers ont repris en Chine ou aux États-Unis avant nous. Du coup on passe après », soupire Vincent Isaia. À cela s’ajoute la brouille américano-canadienne au sujet du bois. « Du coup, les ÉtatsUnis l’achètent en Finlande, deux fois plus cher que nous… et il n’y en a plus ! On se retrouve en bout de chaîne. Et on ne peut pas finaliser les chantiers. »

Automobile : « Certains ont fait monter les enchères »

« C’est un peu bizarre, comme pénurie… » Claude Alzina est perplexe. Ce Laurentin préside la Fédération française de l’automobile (FFA), alliée à la

Fédération française de la carrosseri­e. Le manque de matières premières, il n’en doute pas. Mais il pense aussi « que certains profitent de l’occasion pour faire monter les enchères… »

Depuis la crise sanitaire, l’auto pâtit d’un manque de « composants électroniq­ues produits en Asie du Sud-Est ». Or la chaîne automobile ne peut tourner sans ces maillons essentiels. « Ça plombe la constructi­on, mais aussi la réparation. Il faut compter quatre fois le temps d’approvisio­nnement pour des pièces détachées… quand ça arrive ! Résultat : des véhicules restent immobilisé­s 2-3 semaines au lieu de 2-3 jours. C’est le consommate­ur qui paie les pots cassés. »

Les fournisseu­rs, pense Claude Alzina, auraient été pris de court par la reprise des usines, alors que leurs stocks avaient fondu. Résultat : « Les prix de ces composants électroniq­ues ont flambé de 2530 %, et ça ne fait qu’empirer ! » Point commun entre les filières auto et pharmaceut­ique : «Ona délaissé la production. Il faudrait la rapatrier pour ne pas être dépendant des autres. »

Agroalimen­taire : « Jamais vu une telle hausse des prix ! »

« Je n’ai jamais vu une telle augmentati­on générale du prix des produits ! » Christophe Tripodi en reste estomaqué. À la tête de Cash Alimentair­e du SudEst (deux magasins à Nice, dépôt à la Trinité), ce semi-grossiste a vu flamber l’addition dans l’agroalimen­taire. La faute à de multiples facteurs, des aléas climatique­s à la crise sanitaire.

« S’il n’y a pas assez de matière, d’autres pays surpayent les produits pour les avoir… et les prix explosent. » C’est le cas de l’huile de tournesol ou d’olive. Les dérivés des produits laitiers, eux, surfent sur l’appétit du marché chinois. Mais c’est un autre ingrédient essentiel, le plastique, qui est plus convoité que jamais. « Le coût d’un container est passé de 2000 euros à… 10 000. Bientôt, le transport coûte plus cher que la marchandis­e ! »

Le consommate­ur devra-t-il régler la note finale ? Christophe Tripodi le craint. Il doute de voir les prix publics redescendr­e aussi sec, s’en offusque : « Nous, quand ça baisse, on joue le jeu ! » La solution ? « Il faudrait tout remettre à plat. Obliger les industriel­s à vendre au marché national avant de vendre à d’autres États. »

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