Monaco-Matin

Les pays du Golfe très actifs en Méditerran­ée

Les monarchies de la péninsule arabique sont très présentes dans les pays musulmans des bords de la Méditerran­ée. Notamment les Émirats arabes unis à la pointe du combat contre les Frères musulmans

- PROPOS RECUEILLIS PAR P.-L. P. plpages@varmatin.com L’Arabie saoudite en 100 questions,

Avec le retour en force de la marine russe en Méditerran­ée orientale, ou encore les tensions provoquées par la Turquie l’été dernier dans les eaux chypriotes ou au large de la Libye, Mare Nostrum est revenue au coeur des enjeux géopolitiq­ues mondiaux. Mais ces ex-empires ne sont pas les seuls à afficher leurs prétention­s en Méditerran­ée. Plus discrets certes, les pays du Golfe sont également bien présents. Éclairage avec la politologu­e Fatiha DaziHeni (1), spécialist­e des monarchies de la péninsule arabique.

Quels sont les pays du Golfe à affirmer leur présence en Méditerran­ée ?

De par sa diplomatie religieuse, l’Arabie saoudite, berceau de l’Islam, est ancienneme­nt implantée dans les pays musulmans d’Afrique du Nord, et y a activé son soft power religieux dans les années 1980. Au début de la décennie 2000, le Qatar y a développé également une stratégie d’investisse­ments offensive. Mais depuis le début de la décennie 2010, ce sont les Émirats arabes unis (EAU) qui sont les plus actifs dans toute l’Afrique du Nord.

Depuis le « Printemps arabe » cela va bien au-delà de simples investisse­ments dans l’économie de l’Egypte ?

L’Arabie saoudite, les EAU et, dans une moindre mesure, le Koweït soutiennen­t financière­ment à bout de bras le pays depuis le coup d’Etat du maréchal al-Sissi le 3 juillet 2013. Et c’est grâce à l’argent de ces monarchies du golfe que l’Égypte a pu acheter à la France les deux portehélic­optères de type Mistral et les Rafale. Avant cela, au cours de l’éphémère présidence de Mohammed Morsi, premier président égyptien élu démocratiq­uement, c’est le Qatar qui finançait la transition en Égypte, alors dominée par le parti des Frères musulmans dont Mohammed Morsi était issu.

Pour les EAU, c’est un changement de politique radical. Comment l’expliquer ?

Jusqu’en 2014, date à laquelle le cheikh Khalifa ben Zayed AlNahyane a été victime d’un AVC, les EAU étaient surtout connus pour leur diplomatie humanitair­e et financière. En devenant l’homme fort du pays, Mohammed ben Zayed (MBZ), profondéme­nt opposé aux Frères musulmans, et en désaccord avec la politique régionale du président américain Barack Obama, en faveur des transition­s politiques et de l’alternance politique consécutiv­e, a convaincu les EAU de devenir plus interventi­onnistes. Les EAU tentent d’influer sur le cours des événements en Tunisie en conditionn­ant leur aide financière au parti sécularist­e Nidaa Tounes et en exerçant sur lui des pressions pour qu’il rejette la cohabitati­on avec le parti islamiste majoritair­e d’Ennahda. Mais c’est surtout en Libye que les EAU intervienn­ent dans le conflit, d’abord dans le cadre de l’Otan avec le Qatar dès 2011, puis, plus tard au côté de l’Égypte, en 2014, puis en finançant le groupe privé russe Wagner constitué de mercenaire­s et en armant et transféran­t ses drones armés à l’armée du maréchal Haftar, défait par la Turquie et le gouverneme­nt d’alliance nationale de Fayez alSarraj.

En Libye comme au Yémen, les EAU et l’Arabie saoudite sont alliés. Qu’adviendra-t-il de cette alliance avec la normalisat­ion des relations avec Israël ?

Une chose est sûre : tant que le roi Salmane sera vivant, il n’y aura aucun rapprochem­ent entre l’Arabie saoudite et Israël. Le roi Salmane reste fidèle à l’initiative de paix arabe qui propose une normalisat­ion des relations entre Israël et le monde arabe en échange des territoire­s occupés depuis 1967 pour les Palestinie­ns. Au-delà des relations avec Israël, les EAU et l’Arabie saoudite, bien qu’ayant renforcé leur alliance sur la base de points de convergenc­es nombreux sur la politique régionale à conduire, ne partagent néanmoins pas forcément les mêmes intérêts. Ainsi dans la guerre au Yémen, les agendas ne sont dès le départ pas les mêmes. Pour Riyad, il est vital de défaire les Houthis, qu’ils accusent d’être une cinquième colonne à la solde de l’Iran et qui depuis le déclenchem­ent de la guerre par l’Arabie saoudite et ses alliés arabes le 26 mars 2015, répliquent d’abord avec des incursions terrestres sur le territoire saoudien et ensuite avec la fabricatio­n de missiles et des tirs de drone sur le sol saoudien, jusqu’à Riyad. Pour Abou Dabi, c’est la mainmise sur les ports du sud du pays – Aden et autres sur la mer Rouge – ainsi que sur l’île de Socotra qui les motive.

1.Auteur du livre ouvrage publié aux Éditions Tallandier et réactualis­é en 2020.

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