Nice : l’escroc était tombé sur la bande à Mija
Il avait tenté d’acheter une voiture avec un faux chèque de banque à des proches de feu le caïd Régis Mijatovic. Ils lui ont donné une leçon. D’où leur comparution pour enlèvement et extorsion
S’il n’y avait eu un homme abattu entretemps, l’affaire d’extorsion jugée hier apparaîtrait pour le moins cocasse et presque anecdotique. En 2014, un jeune escroc de la banlieue parisienne répond à une annonce de vente d’un Toyota Rav 4 sur Le Bon Coin. L’individu n’en est pas à sa première entourloupe. Muni de faux chèques de banque, il descend par le train à Nice pour acquérir la voiture. Il ignore que le vendeur, Cédric Perrin est un membre influent du banditisme local, lieutenant de Régis Mijatovic.
Cédric Perrin prend soin de prévenir quelques amis avant de donner une leçon à l’escroc qu’il a démasqué. Marouane Rejeb, qui gère à l’époque une pizzeria à Cagnes-sur-Mer, Mohamed C., un des employés du restaurant et Mahrez Khiari le rejoignent.
La bande embarque l’escroc et commence à prendre la direction du commissariat d’Auvare puis se ravise, « écoutant les suppliques de la victime », affirme Me Sollacaro. Ils font demi-tour et montent sur la colline de Pessicart pour donner une leçon au malandrin.
Frappé, l’individu parvient à s’échapper avant d’être rattrapé. Cédric Perrin exige le paiement de la voiture, au pire un dédommagement en liquide de 1 500 euros.
Ironie du sort, tout cela se déroule sous les yeux de policiers de la BRI qui surveillent deux des agresseurs depuis plusieurs semaines dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogue.
Une plainte sera finalement déposée et les protagonistes mis en examen pour enlèvement, séquestration et extorsion avec violence.
Deux absents de marque
Pour une raison qui échappe à la fois à l’accusation et à la défense, cette affaire s’est perdue dans les limbes d’un cabinet d’instruction.
Le dossier a resurgi mardi en correctionnelle. Quatre hommes devaient être jugés pour cette expédition punitive.
Deux des prévenus sont absents et pour cause. Cédric Perrin a été assassiné en février 2016 par une bande rivale devant son appartement de Pessicart. Il avait le tort d’être le lieutenant de Régis Mijatovic, un francocroate qui claironnait son intention de devenir le nouveau parrain de la Côte. « Mija » avait été envoyé au terminus des prétentieux, alors qu’il dînait en terrasse dans un restaurant cagnois réputé, en 2015. Autre absent de marque, Mahrez Khiari qui a mandaté son conseil Me Marie Seguin. « Il craint pour sa vie », affirme la pénaliste. Khiari se serait acheté une conduite après avoir purgé une peine pour assassinat. Il préfère ne pas revenir dans la région où il se sent en danger au regard du destin tragique de ses anciens amis. Lui-même a été condamné par le passé à 17 ans de réclusion pour assassinat. Il filerait le parfait amour avec une infirmière et travaille lui-même comme brancardier.
Entre et mois de prison
N’est présent dans le box que Marouane Rejeb. L’homme purge une peine de sept ans pour association de malfaiteurs et ses ennuis avec la justice sont loin d’être terminés. Mohamed C., chauffeur-livreur de profession à l’impressionnante carrure, est lui, libre.
La victime, absente, a été condamnée depuis cette agression à trois ans de prison pour escroqueries en bande organisée. Me Béatrice Eyrignoux, avocate de Rejeb, constate que la procureure Clotilde Ledru-Tinseau (qui a requis jusqu’à 18 mois de prison contre Rejeb et Khiari) évoque une entente préalable, « mais la bande organisée n’a pas été retenue dans ce dossier ». Me Seguin reproche pour sa part à la juge d’instruction de n’avoir jamais auditionné son client dans cette affaire. « Pourquoi les policiers ne sont pas intervenus si cette affaire était si grave ?, s’étonne Me Seguin. Khiari interpelle un individu qui commet une infraction flagrante. Ça peut faire sourire mais c’est la réalité. »
À écouter les avocats de la défense, la bande à Mija a fait oeuvre de salubrité en évitant à une seconde personne d’être victime de l’aigrefin qui possédait un second faux chèque de banque prêt à l’emploi. Le tribunal présidé par Guillaume Saint-Cricq a infligé 6, 8 et 10 mois de prison aux prévenus. Anecdotique au regard de leur palmarès.