A Saint-Martin-Vésubie comme à L’Aquila
L’expert, spécialiste des catastrophes naturelles, a la dure tâche, comme ici, à la villa des Cèdres, d’analyser les dégâts et d’annoncer, le cas échéant, à leurs occupants de devoir quitter les lieux
C’est sa 200e expertise en six jours. Pascal Perrotin est un des experts de l’association de génie parasismique. Son expérience des catastrophes naturelles, il l’a construite au fil d’interventions souvent douloureuses, comme en avril 2009 dans les Abruzzes après le terrible séisme qui avait fait 309 victimes, 2 000 blessés et plus de 65 000 sans abris.
Comme à L’Aquila, sa mission aujourd’hui, en binôme avec un sapeur-pompier, est de rendre des diagnostics sur les maisons ravagées, dévastées ou simplement déstabilisées par la tempête du 2 octobre. Une épreuve parfois comme lorsque, lundi dernier, malgré son analyse, il n’était pas parvenu à convaincre une famille désespérée de quitter un appartement dans la Roya.
Aujourd’hui, à Saint-Martin-Vésubie, c’est encore une autre histoire. Sur la rive droite, à la confluence du Boréon et de la Vésubie, trône toujours la villa des Cèdres. Splendide bâtisse Belle Époque au coeur d’un parc que le couple Monin a réhabilitée avec amour, passion et abnégation. Elle est le dernier témoin de la splendeur de Saint-Martin à l’aube du XIXe siècle. Ici, on était en « Suisse française ». L’aristocratie y venait en villégiature.
C’était un coin de verdure...
Carte cadastrale en main, Pascal
Perrotin est là pour poser un diagnostic. Et trompeuses sont les apparences pour cette demeure qu’Isabelle Monin et son mari ont transformée en maison d’hôtes. « On y a investi 950 000 euros pour la rénover dans l’esprit. Mais ça, ce n’est que de l’argent... C’était notre dernière maison, notre refuge. Et regardez...»
De loin, en arrivant par l’arrière, la villa ne semble pas avoir souffert de la fureur des flots... Le parc est intact. Sauf qu’en approchant, la réalité est toute autre ; brutale. Smartphone en main, Pascal Perrotin est saisi. Avançant au plus près de la façade est de la villa, il contemple qu’elle est désormais posée en équilibre instable à flanc d’un à-pic de plus de 40 mètres : les laves pluviales ont rasé les planches qui descendaient en pente douce vers ce coin de verdure où, avant le 2 octobre, coulait une petite rivière. Prudent, Pascal s’approche du précipice. Le terrain est instable. Il prend des notes. « Les fissures qui se sont ouvertes sur l’avant de la façade sont de très mauvais augure. Même des travaux pharaoniques n’y changeraient rien » . Un dernier tour de la villa est le verdict pour lui ne fait hélas aucun doute : « Depuis la crue, le soubassement continue doucement de céder. » La maison est classée « rouge ». « Je crains que de nouvelles pluies l’emportent très vite », confesse-il à Isabelle qui ne berçait d’aucune illusion.