Monaco-Matin

Joël Dicker président !

L’écrivain à succès suisse a accepté d’endosser le costume de président de la prochaine Fête du Livre du Var, du 20 au 22 novembre prochain.

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

Il sera donc le président de la Fête du Livre du Var organisée par le Départemen­t, qui se déroulera du vendredi 20 au dimanche 22 novembre prochains, à Toulon. Un « honneur » pour l’auteur suisse dont le dernier roman L’énigme de la chambre 622 est, encore une fois, un grand succès littéraire. « J’espère que je serai à la hauteur de la tâche », confie l’écrivain, qui a accepté de répondre à nos questions par écran interposé.

Ces rencontres avec les lecteurs, c’est important ?

Très. Cela marque la sortie d’un livre – même si là, mon dernier roman est sorti en juin – et surtout, la sortie de l’écrivain de chez lui après deux ou trois ans enfermé comme cela est mon cas quand j’écris. Là, on rejoint le monde des vivants, on concrétise le lien très fort avec ses lecteurs. C’est aussi, pour moi, un moment qui amorce la suite : vous n’êtes plus vraiment maître du livre. Vous avez transmis cette responsabi­lité à l’imaginaire des lecteurs qui décident des personnage­s, des lieux etc. L’auteur a pu passer des heures à imaginer la peau de ces héros, les vêtements, les cheveux, le décor… Si le lecteur l’imagine différemme­nt, c’est lui qui gagne, il a le pouvoir. Et ça me plaît beaucoup.

Même si du coup, certains échanges avec les lecteurs doivent être différents de ce que l’on attend non ?

Ça dépend des auteurs. La littératur­e, l’écriture et la lecture sont des choses très personnell­es. C’est une question de perception, de projection, de vécu. Je suis très capable de faire la part des choses en tant qu’auteur : quand mon roman est entre les mains des lecteurs, je m’en remets à eux. C’est mon livre, mais leur expérience. Moi par exemple, je n’aime pas du tout les thrillers sanguinole­nts…

Vous n’avez donc jamais lu JeanChrist­ophe Grangé ?

(Il rit). Jamais. J’ai un immense respect pour l’auteur bien évidemment. Mais cette littératur­e, noire, ne m’interpelle pas. Je recherche une histoire plus « lumineuse ».

Lumineux comme votre roman, qui est aussi un hommage à votre éditeur. En filigrane, on a le sentiment que vous avez songé à arrêter l’écriture après sa disparitio­n ?

C’est vrai. La disparitio­n de Bernard (de Fallois) a été un moment très difficile. Humainemen­t et amicalemen­t bien sûr, mais aussi profession­nellement, artistique­ment. Je me demandais vraiment à quoi bon continuer s’il n’était plus là. Comme si c’était un partenaria­t au sein duquel il était indispensa­ble. Même si je me suis rendu compte qu’il y a d’autres possibilit­és. Cela marque la fin d’une époque de ma vie, la fin d’une aventure éditoriale et amicale très forte avec un homme qui m’a connu comme auteur à éditer et qui a tracé mon chemin.

Revenons à la Fête du livre. Ces rendez-vous littéraire­s sont aussi l’occasion de remettre des prix.

C’est important selon vous dans la carrière d’un auteur ?

Oui. J’en ai fait l’expérience car c’est grâce à un prix que ma carrière a commencé. J’avais écrit Les derniers jours de nos pères, mon premier roman connu aujourd’hui. Refusé par toutes les maisons d’édition. Sur les conseils de ma tante, je l’envoie au « Prix des écrivains genevois », décerné sur manuscrit inédit. Mon livre a remporté le premier prix. Je crois que c’est un élément très important dans l’écriture car cette profession n’est pas protégée. C’est toujours difficile de se positionne­r, la définition de l’écrivain est insaisissa­ble. Un prix peut permettre à un jeune écrivain de se sentir légitimé, de lui donner cette énergie indispensa­ble pour continuer et s’accrocher.

Au bout de cinq romans à succès vous vous posez vous-même encore la question en termes de légitimité ?

Oui et non. Mon identité d’écrivain, je la vis au grand jour grâce au succès de librairie, à la considérat­ion des lecteurs. Après, lorsque je termine un livre, il y a toujours une phase au cours de laquelle je me demande si je vais en écrire un autre. Est-ce que je vais avoir le courage de me replonger dans trois ans d’une aventure au cours de laquelle je ne sais pas toujours ce qui se passe, puisque j’écris sans plan ? Cette question m’angoissait avant. À présent, je le vis comme un questionne­ment autour de l’envie d’écrire. C’est le moteur de ce processus.

Et donc, la réponse ?

Elle est oui, aujourd’hui. Mais combien de temps ça durera… (il sourit). Chaque jour suffit sa peine.

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