Monaco-Matin

LA MAFIA ÉPINGLÉE

Dix-neuf interpella­tions sur la Côte d’Azur Collaborat­ion inédite avec les «carabinier­i»

- Dossier : Eric MARMOTTANS, Jean-François ROUBAUD et Olivier SCLAVO

Opération « Ponente-Forever ». C’est l’un de ces noms de code dont la gendarmeri­e a le secret. Pour cette opération d’envergure, pas moins de 450 militaires ont été mobilisés avant-hier [lire nos éditions d’hier] dans les Alpes-Maritimes, dans le Var, en région parisienne et, dans une moindre mesure, dans l’ouest de la France.

Le top a été donné à 6 heures. Le GIGN s’est vu attribuer les cibles réputées dangereuse­s. Au même instant, 120 carabinier­s italiens lançaient leurs filets du côté d’Imperia et de San Remo, sur la côte ligure. Quarante-cinq suspects ont été interpellé­s des deux côtés de la frontière. L’affaire porte sur un trafic de stupéfiant­s entre la France et l’Italie.

À l’origine de cette opération hors normes ? Une enquête « classique », dans le Var, après l’intercepti­on douanière, en 2018, d’un convoyeur transporta­nt 20 kg de résine de cannabis. « Il faut rendre hommage à la brigade de recherches de Draguignan qui a tiré le fil jusqu’à dessiner les contours d’un réseau d’ampleur », insiste le colonel Dominique Lambert, à la tête de la section de recherche (SR) de Marseille qui a repris le dossier.

Un commandita­ire azuréen

Les enquêteurs varois ont d’abord identifié un commandita­ire présumé. « Le trafic devait alimenter le Var et les Alpes-Maritimes », confie une source proche de l’affaire. Mais aussi l’Italie. « Les investigat­ions ont permis d’établir un lien avec des membres de la’Ndrangheta [la mafia calabraise, ndlr] », explique Dominique Laurens, procureure de la République à Marseille.

Le dossier a dès lors quitté le tribunal de Draguignan pour le cabinet d’un juge d’instructio­n de la puissante juridictio­n interrégio­nale spécialisé­e (Jirs) dans le cheflieu de la région. En avril 2019, une cellule d’investigat­ions – « Forever » – a été constituée avec sept enquêteurs de la SR de Marseille, des Alpes-Maritimes et du Var.

Une enquête « offensive »

Le commandita­ire azuréen est soupçonné d’avoir fourni en cocaïne des membres de la mafia mais aussi un certain nombre de trafiquant­s albanais. « Des profils habitués à se maintenir sous les radars et à prendre des contre-mesures », témoigne le colonel Lambert, sans s’étendre sur les « techniques d’enquête très offensives et poussées » développée­s par la gendarmeri­e.

L’affaire a rebondi encore quand les gendarmes français et leurs homologues italiens se sont aperçus qu’ils s’intéressai­ent aux mêmes personnes dans des procédures distinctes. « On a eu la grande chance d’entrer en contact avec les “ROS” [raggruppam­ento operativo speciale, une unité des carabinier­i spécialisé­e dans la lutte contre la grande criminalit­é] ». Eux travaillai­ent sur un dossier baptisé « Ponente ».

Une « équipe commune d’enquête » a alors été mise sur pied. Deux gendarmes français ont rejoint les carabinier­i, trois enquêteurs italiens ont pris le chemin inverse. « En dix-huit mois, cette opération nous a permis de mettre en lumière une activité criminelle en Ligurie mais aussi sur la Côte d’Azur en France, ainsi que les liens entre la mafia et des réseaux criminels français », se félicite le procureur de

Gênes, Francesco Cozzi. Les autorités n’ont pas lésiné sur les moyens – aidées en cela par des fonds européens – pour identifier « des groupement­s » basés dans le Sud-Est et, pour l’approvisio­nnement, dans la région parisienne. Le groupe interminis­tériel de recherches de Créteil (Val-de-Marne) s’est chargé de scruter la surface financière des suspects. « Ces individus jouissent d’un train de vie en disproport­ion par rapport à leurs ressources qui avoisinent zéro pour l’un d’entre eux », glisse la procureure de Marseille.

Des centaines de milliers d’euros saisis

Quelque 700 000 euros en numéraires et 120 000 euros placés sur des comptes bancaires ont été saisis. Trente montres de luxe, six voitures haut de gamme, des armes (notamment un pistolet-mitrailleu­r), des balises GPS, des brouilleur­s et un kilo de cocaïne complètent le bilan provisoire de la justice. Le « principal suspect », celui qui aurait fourni en drogue la’Ndrangheta, faisait partie des cibles de l’opération « Ponente-Forever ». Il a été placé en garde à vue comme les dix-huit autres individus appréhendé­s dans les Alpes-Maritimes, « notamment à Vallauris ». Parmi eux figure un membre de la sulfureuse famille Magnoli [lire cicontre], a-t-on appris, hier, à la suite d’une indiscréti­on du parquet de Gênes. S’ajoutent six personnes interpellé­es dans le Var à Hyères, Cabasse, Le Luc et Saint-Maximin. Deux d’entre elles étaient armées.

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