PYGMALION DE SON ART
Le directeur du Théâtre de la Cité à Nice et directeur artistique de la compagnie Miranda – qu’il a fondée –, sait qu’il va devoir tout réinventer pour, le moment venu, relancer ses activités.
Adossé à un mur blanc, les cheveux en bataille et le regard inquiet, Thierry Surace fait – face smartphone – le récit des mille projets colorés que le virus a partiellement gommés. Partiellement parce qu’un voyage intérieur, artistique, ne s’arrête jamais vraiment. Gommé quand même parce que les charges diverses, elles, continuent de courir, allégeant ainsi des caisses jusqu’alors dédiées aux petits et grands projets. Il va falloir se réinventer. « Mi-mars, le théâtre [de la Cité, ndlr] fonctionnait très bien. Nous attendions Gad Elmaleh, Guillermo Guiz, Jean-Luc Lemoine… il devait aussi y avoir Le Porteur d’histoire , mis en scène par Alexis Michalik. Enfin, plein de belles choses. C’était un moment phare. Il a fallu annuler, rembourser, etc. » Il marque une pause. Il a du mal à sourire.
« On a perdu une vingtaine de spectacles au théâtre, environ 70 représentations pour la compagnie Miranda… Nous avions des actions en cours, autour de l’écocitoyenneté, tout ça. C’est une crise économique, une crise de l’économie de l’art, une crise d’identité. » Tout est remis à plat.
Éponger le déficit
Quand nous l’avions rencontré, en juillet 2018, il nous parlait de Dom Juan qu’il quittait, de Cyrano qu’il s’appropriait amoureusement. Il y a eu Avignon, des tournées, du succès. Avignon… il sourit, cette fois. Amer. «Cefestival, on ne se rend pas toujours compte mais c’est notre second choc. C’est 23 cachets pour 7 intermittents du spectacle, avec la possibilité de décrocher des contrats pour deux
ans. » Il va falloir faire autrement… Le moral, dans tout ça ? « C’est difficile. C’est la promesse de l’avenir qui fait que l’on croit encore en notre art. Et aujourd’hui, l’avenir est incertain. » Chaque jour, il envisage un après avec ses équipes. Celle du théâtre, celle de la compagnie. Ils se battent. Se serrent les coudes. Diffusent des petites choses en ligne. « J’ai aussi, au téléphone, d’autres comédiens, des directeurs de théâtre. On échange. L’espoir est là et il nous porte. » Parce qu’une réouverture des petits théâtres ne voudra pas dire reprise des activités de façon classique… « Aujourd’hui, la trésorerie nous sert à éponger le déficit. Partir d’un déficit ne pourra jamais dire : recommencer. Mais j’ai quelques idées pour relancer les choses. J’ai d’ailleurs écrit au maire de Nice et à l’adjoint à la Culture… on verra bien ce que ça donne. »
Ses bouteilles à la mer
Thierry Surace propose notamment de relancer la Castellada, au château de Nice. Très vite. Une pièce en plein air qui fait la part belle à l’histoire du comté et qui, tout le temps où elle a été jouée, a toujours rencontré un grand succès. « On a le climat, les lieux… on peut prendre des précautions pour tenir les spectateurs à distance, etc. Jouer dehors peut relancer le spectacle vivant. »
Il ne prêche pas uniquement pour sa paroisse. Il propose que des comédiens de différentes troupes niçoises se fédèrent pour ce type de projet. Cette fois, il s’illumine franchement. Il y croit à fond. « J’ai aussi écrit pour demander la création d’un poste d’urgentiste de l’art vivant. C’était il y a une quinzaine de jours et je sais que ça a été lu. J’attends. Je reste à disposition pour réfléchir à tout ça. À ce qui pourrait être mis en place pour nous aider à passer cette crise. »
Il se dit qu’il est peut-être un peu tôt pour les pouvoirs publics.
« L’énergie est à digérer les choses. Pour eux comme pour nous. »
Chez lui, avec son fils de 23 ans, elle est (aussi) aux lectures et aux Marvel – « beaucoup de Marvel ! » Il rit. Et elle est à ce soleil, qui viendra forcément réchauffer les coeurs… et l’art.
« C’est la promesse de l’avenir qui fait que l’on croit en notre art. »