Monaco-Matin

« J’ÉTAIS PARALYSÉ ET JE TREMBLAIS »

Deux des quatre malfaiteur­s, dans leur fuite, ont arrêté des automobili­stes pour tenter de s’emparer de leur véhicule. Les victimes ont témoigné, hier, devant le tribunal criminel

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Hier, au deuxième jour du procès des braqueurs de la bijouterie Cartier de Monte-Carlo, le Tribunal criminel a entendu les témoins qui avaient croisé la route des malfaiteur­s. Les récits sont poignants.

La peur des armes était, hier, au coeur de la deuxième journée du procès de deux des quatre braqueurs présumés de la bijouterie Cartier, perpétré le 25 mars 2017 (les deux autres seront jugés prochainem­ent par la cour d’assises des Alpes-Maritimes). Le législateu­r a bien prévu un cadre restreint à leur utilisatio­n. Mais quel pouvoir d’interdicti­on possible quand le pistolet, utilisé pour le braquage, provient d’un trafic alimenté par les arsenaux de la guerre des Balkans à l’époque ?

Outre le personnel de la bijouterie, combien de témoins ont tremblé une fois le canon pointé sur leur poitrine ? Plusieurs personnes sont venues, hier, certifier à la présidente Françoise Carracha (*) leur crainte d’entendre le bruit caractéris­tique de la gâchette tirée par l’index.

« J’étais paralysé et je tremblais »

Parmi ces plaignants, un analyste de marché pour les matières premières, d’origine britanniqu­e. Il roulait avec sa Land Rover sur la voie rapide pour atteindre le rond-point du Portier. Devant lui, une voiture s’arrête. Deux hommes sortent du véhicule et essaient d’ouvrir sa porte en tapant sur sa vitre. « J’ai compris qu’ils voulaient prendre ma voiture Je ne pouvais pas partir ! J’avais mon chien sur le siège arrière. J’ai actionné le système de verrouilla­ge et j’ai fait une marche arrière instantané­ment. L’un d’eux était grand et mince. L’autre portait un chapeau. Ils étaient peut-être armés. À cet instant, la voiture qui me précédait a pris feu. La situation, les flammes, la déterminat­ion de ces individus m’ont choqué. J’étais stressé. J’étais comme paralysé et je tremblais. C’est mon esprit ou mon instinct de survie qui a pris le dessus et je me suis enfui… »

« Il m’a demandé de dégager du SUV »

Un responsabl­e de chantier rejoint la barre. Il dirigeait les travaux à l’Hôtel de Paris. « Quand je suis arrivé à l’entrée du tunnel Louis-II, j’ai été surpris par deux personnage­s à l’allure assez désinvolte. Ils m’ont hurlé l’ordre de descendre de mon SUV car ils avaient des policiers aux fesses. » Une brève descriptio­n suit : «Le premier était jeune et bien habillé. Le second devait avoir le même âge avec des cheveux longs. Ce dernier a réussi à pénétrer dans l’habitacle et il a mis aussitôt sa main sur la clé de contact. Il m’a demandé de dégager. J’ai vite compris les raisons. Je l’ai retenu jusqu’à ce qu’il lâche prise… Il n’y a pas eu véritablem­ent des violences. Mais j’étais énervé. Et s’il avait une arme ? Que me serait-il arrivé ? »

« J’avais peur qu’il sorte une arme »

Une femme ukrainienn­e n’a pas fait le déplacemen­t en Principaut­é pour apporter son témoignage. C’est par courrier qu’elle a raconté sa peur. « Nous étions dans ma Porsche avec ma mère quand de la fumée blanche est sortie du tunnel du boulevard LouisII. Deux individus couraient vers nous. Je croyais qu’ils cherchaien­t assistance. Comme ma mère avait le bras dehors, ils ont essayé de la tirer hors de la voiture. Heureuseme­nt, elle avait mis sa ceinture de sécurité. L’autre est venu de mon côté. Comme j’ai vite refermé la vitre, tous les deux ont compris que nous n’avions pas l’intention de nous laisser faire. J’avais surtout peur qu’il sorte une arme… »

Pour tous ces témoins, même avec le temps, on ne saurait guérir de la peur. La mémoire conserve ce choc indélébile. Un traitement ? Il n’y a pas de véritable médecin de la peur. Le premier substitut Cyrielle Colle, comme les avocats de la partie civile, Mes Cédric Porteron (Nice) et Clyde Billaud, ou de la défense, Mes Marie Seguin (Nice) et Thomas Brezzo, ont bien eu des mots compatissa­nts. Aucune parole a de l’effet. On vit avec cette peur irraisonné­e, presque imprécise. Mais humaine. * Conseiller­s : Adrien Candau et Carole Delorme-Le Floch.

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 ??  ?? « Et s’il avait une arme ? Que me serait-il arrivé ? », s’interroge le conducteur d’un véhicule que les braqueurs, dans leur fuite, voulaient s’approprier. (Photo archives M.A.)
« Et s’il avait une arme ? Que me serait-il arrivé ? », s’interroge le conducteur d’un véhicule que les braqueurs, dans leur fuite, voulaient s’approprier. (Photo archives M.A.)

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