Monaco-Matin

Rudy Molard : « Ne pas s’enflammer »

- A NÎMES, ROMAIN LARONCHE

Rudy Molard est parfaiteme­nt placé pour parler de la réussite de Thibaut Pinot. L’Antibois partage la même chambre que son leader, devenu « un ami », depuis la Vuelta l’an passé. A la veille d’aborder les trois étapes alpestres décisives, le grimpeur se confie.

On a l’impression que Thibaut est le plus fort. Qu’en pensez-vous ?

Oui, au vu des deux dernières étapes pyrénéenne­s, c’est clair qu’en montagne c’est le meilleur. Mais il reste les Alpes, il ne faut pas tomber dans l’excès de confiance, ni s’enflammer. Car sur trois semaines, on n’est pas à l’abri d’une journée où on est moins bien.

Avez-vous été surpris de le voir aussi dominant ?

Oui et non. Sur la Vuelta et le Tour de Lombardie, l’an passé, il avait déjà un niveau monstrueux. Quand il gagne aux lacs de Covadonga sur la Vuelta, il avait fait un numéro et sorti des watts exceptionn­els. Son objectif, c’était d’arriver sur le Tour avec ce niveau. Là, il est même un peu mieux. Il a vraiment bien géré sa préparatio­n, il se connaît très bien. L’an passé, il avait fait une longue coupure après le Giro, ça avait plus que marché pour la Vuelta. Il a reproduit la même préparatio­n et ça paye.

« On regarde la nouvelle saison de la Casa de Papel »

Vous partagez sa chambre. A-t-il changé au fil du Tour ?

Non, c’est toujours le même. Même si on arrive tard dans la chambre avec tous les transferts, c’est agréable de se retrouver ensuite. On débriefe de l’étape du jour, on sort quelques blagues et on regarde un épisode de la nouvelle saison de Casa de Papel. Pendant  minutes, on pense à autre chose que le vélo.

Parlez-vous du Maillot jaune ?

Non, on n’en fait même pas allusion. On ne se projette pas. J’évite d’y penser, on reste concentré sur la course. Ça ne viendra que si on ne change pas notre manière de courir. Il faut

être réaliste, Thibaut n’est pas à  secondes du Maillot jaune, il y a encore du chemin.

Vous sentez l’effervesce­nce monter sur le bord de la route ?

On profite de ces encouragem­ents, mais on ne s’emballe. On le sent ce soutien, ça nous pousse, surtout en fin d’étape. Mais on reste concentré, parce qu’on a vite fait une erreur. Le Tour, ça peut se jouer à rien.

Les trois étapes étapes alpestres proposent des cols très hauts. Qu’est-ce que vont changer les passages à plus de m ?

Ça va avantager les purs grimpeurs par rapport aux rouleurs-grimpeurs. Thibaut est un pur grimpeur, qui se met en danseuse. Il tolère mieux le manque d’oxygène. On espère que ça sera à son avantage.

Bernal, qui vit en Colombie, a l’habitude de l’altitude…

L’altitude en Colombie est différente de l’Europe, mais c’est le grimpeur qui a le plus l’habitude de gérer les hautes altitudes et les efforts répétés. Il aime l’enchaîneme­nt des cols. On l’a vu dimanche. Sur ce point, il aura un avantage sur Geraint Thomas.

Redoutez-vous la chaleur dans les Alpes ?

On ne passe pas non plus de  à  degrés. On a déjà connu des journées chaudes. On a l’habitude. Il va bien falloir gérer l’hydratatio­n, mais ça ne

nous fait pas peur.

A Thibaut non plus ?

C’est sûr que dimanche, quand j’ai vu la pluie, j’étais content pour lui. J’étais sûr qu’il allait faire un numéro. Quand il est en forme, Thibaut passe bien la chaleur. L’an passé, il avait gagné deux étapes sur la Vuelta par  degrés. Et puis, on n’est pas à l’abri d’orages dans les Alpes.

« Thomas reste le client numéro  »

Thibaut a dit qu’il µn’était pas le favori pour le Maillot jaune. Qui l’est pour vous ? Geraint Thomas reste le client numéro . Il a déjà démontré qu’il était très fort en troisième semaine. Surtout que la montée de Val Thorens (samedi) est très longue et pas raide. Ça peut lui convenir en mode chrono.

Votre rôle, avec David Gaudu, sera déterminan­t dans les Alpes. C’est une pression supplément­aire ?

Bien sûr, on doit absolument être au rendezvous. Mentalemen­t, c’est une grosse concentrat­ion, mais il y a aussi de l’excitation, car on sent qu’on est acteur. C’est stimulant, on oublie la douleur pour se surpasser dans les moments difficiles. Dans la troisième semaine, tout le monde va être fatigué, mentalemen­t, il va falloir être très fort. Personnell­ement, je me sens bien, j’ai quasiment récupéré des deux chutes de la première semaine

(il avait été touché à l’épaule, à la hanche et au

genou sur la première et aux côtes sur la deuxième).

Que sera précisémen­t votre mission ?

Ce sera d’accompagne­r Thibaut ou de servir de relais à l’avant. Si l’avantderni­er col se monte très vite, je ne suis plus là. Donc j’ai intérêt à être à l’avant. Avec Thibaut, on a quasiment la même taille de vélo, donc le but c’est de l’accompagne­r le plus possible, d’être le plus proche de lui, si il lui arrive quelque chose.

Collective­ment, où vous situez-vous par rapport à Ineos ?

Dimanche, j’ai envie de dire qu’on était au-dessus. Ils ne sont pas réguliers. On ne retrouve pas toujours les mêmes coureurs autour de Thomas et Bernal dans le final. Après, ils ont des individual­ités très fortes comme van Baarle, qu’on n’attendait pas à ce niveau. Mais Kwiatkowsk­i est en dessous de ce qu’on pouvait imaginer. Donc ça nivelle. En tout cas, on ne se sent pas en infériorit­é par rapport à Ineos.

Il y a un an, vous auriez cru que c’était possible de faire jeu égal avec eux ?

Non, parce que Sky était impérial l’an passé. Ils assuraient un tempo où personne ne pouvait attaquer. Mais cette année, Jumbo est plus fort et j’ai l’impression que plusieurs leaders ont élevé leur niveau d’un cran. C’est aussi pour ça qu’Ineos est un peu moins dominant et que ça change la course.

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Rudy Molard a fait des infidélité­s à Thibaut Pinot pendant la journée de repos à Nîmes afin de passer un peu de temps avec sa compagne Manon Testou. (Photo RL)

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