Monaco-Matin

Dans les coulisses des batailles des fleurs

À la halle Spada à Nice, une quinzaine de fleuristes expriment le meilleur des corolles niçoises et azuréennes. Tout l’art de piquer entre champ et contre-champ

- CHRISTINE RINAUDO crinaudo@nicematin.fr

Deux fois par semaines, durant carnaval, les fleuristes livrent des batailles. Dont les munitions sont des fleurs. Dont les cibles sont des coeurs. Ceux de milliers de spectateur­s venus en découdre et quitter les tribunes, avec, en guise de trophées de guerre des boutons, des bouquets serrés sur leur poitrine. Ce fut encore le cas, hier après-midi à l’issue d’une parade sur red carpet. Les fleuristes ou l’art de s’accrocher aux branches du talent… Défenseurs des combats pacifiques à coups de corolles blanches ou multicolor­es. Bombardeme­nts joyeux et soyeux. Ayant pour supports armés, seize espaces verts roulants, sur lesquels, chaque veille de conflit végétal, le rituel est le même. Pour la guerre des deux-roses et la révolution des oeillets, les forces en présence ne varient pas. Un groupement de fleuristes, GME nouvelle vague, conduit par Nicole Bravi. Une boîte d’événementi­el Made in Even, représenté­e par Armelle Sourit. Deux individuel­s : Carine Lallau et Joseph Pina. Soit une quinzaine de fleuristes de Nice et de la région. Qui préparent leurs campagnes à la halle Spada. Qui oublient l’humidité remontant par les pieds. Le froid ennemi des doigts. Un char de bataille de fleurs, ça ne s’improvise pas. « Il y a d’abord l’appel d’offres, décompose Joseph Pina. D’habitude, il sort en août. Là, on en a eu connaissan­ce en décembre. C’est plus compliqué pour les production­s et un peu tard pour planter. L’idéal serait juin pour avoir le temps de faire pousser de la fleur locale. »

De Hyères à San Remo via Nice

À partir de l’acceptatio­n de l’offre, chaque fleuriste, ayant postulé pour un char précis, commande ses propres fleurs. En fonction des costumes des filles à bord, des modules à garnir. Qui sont les fournisseu­rs ? « Des producteur­s directs, répond Nicole Merlino, chargée de contrôler et de coordonner les fleuristes. Des horticulte­urs installés entre Hyères et San Remo en passant par Nice et ses environs. » Sont estampillé­es espèces locales : strelitzia­s, mufliers, giroflées, lys, germinis, gerberas, genêts. Les oeillets ? Depuis quelques années, ils font leur comeback joliment frisottés. Les petits tutus froufrouta­nts ivoire, jaunes, roses, rouges, violets… ne sont pas niçois, mais italiens. Des cousins… Ensuite, tulipes, orchidées, anthuriums, roses arrivent des Pays-Bas. «Ona50%de fleurs du terroir. Avec le mimosa qu’on lance, on arrive à 70 % de production Nice, Côte d’Azur. C’est tout de même pas mal », argumente Nicole Merlino.

Visualiser, anticiper

Étape importante : voir les structures pour visualiser les impacts de fleurs. «Sur les tribunes, poursuit Joseph, les gens n’ont pas la même vision du char, que sur la chaussée. On monte sur des échelles. On recule. On doit se projeter. » Les fleurs arrivent en rangs serrés la veille du piquage sur les plateaux. « On nous livre ici à Spada. Les fleurs sont déjà ouvertes, ce qui est important. On ne pourrait pas piquer, par exemple, des lys fermés. Le piquage démarre à 7 heures et se poursuit jusqu’en début de soirée. »

Jadis les touffes d’oeillets collées

La mission de ce collectif épanoui ? Faire du volume. Inventer des agencement­s gracieux, spectacula­ires. Avec technique. Avec art. Tous s’y emploient. Comme Michelle Courageux. Présente depuis des lustres. « J’ai toujours décoré les chars, même lorsque j’étais fleuriste, avenue de l’Arméedes-Alpes. » Elle évoque des souvenirs floraux qu’on n’imagine même plus aujourd’hui. « J’ai connu l’époque où on collait des touffes de pétales d’oeillets sur les supports. On y laissait les mains, mais quel effet ! » Michelle. Qualifiée par ses collègues de « rayon de soleil ». De « fleur parmi les fleurs ». Des collègues. Une famille aussi. On s’entraide parfois à fixer 2 500 tiges par char plus les feuillages (3 000 pour le char de la reine). On se parle d’un escabeau à l’autre. On rigole. On partage la merenda. Toutes et tous attachés à ces batailles, fleurons de Nice et de sa poétique terre horticole. Ils méritent bien quelques lauriers…

 ??  ?? Chaque veille de bataille – le mardi et le vendredi – les fleuristes engagés dans le renom horticole de Nice, se retrouvent à la halle Spada, spacieuse et adaptée à la décoration minutieuse des  chars. (Photos E.Ottino )
Chaque veille de bataille – le mardi et le vendredi – les fleuristes engagés dans le renom horticole de Nice, se retrouvent à la halle Spada, spacieuse et adaptée à la décoration minutieuse des  chars. (Photos E.Ottino )
 ??  ?? Planter directemen­t et franco dans la mousse.
Planter directemen­t et franco dans la mousse.
 ??  ?? Un florilège de fleurs de grande qualité.
Un florilège de fleurs de grande qualité.
 ??  ?? OEillets en masses pour simuler des touches.
OEillets en masses pour simuler des touches.
 ??  ?? Michelle Courageux : une passion pas fânée.
Michelle Courageux : une passion pas fânée.

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