« On ne vient pas acheter un produit, on cherche une idée »
En scrutant les stands des poissonniers de la Libération, à Nice, Jacques Rolancy espère trouver la perle rare. Si le chef «flâne» au marché, ce samedi matin, comme il le fait une fois par semaine, ce n’est pas pour approvisionner ses deux restaurants, le
Rolancy’s et le Bistrot des viviers. Avec sa centaine de places et sa tonne de poisson écoulée par mois, il ne pourrait pas se le permettre : trop d’aléas, d’intermédiaires qui font gonfler les prix, des quantités trop faibles. En levant le nez des soles - pleines, en cette période de reproduction il s’explique: «Pour la carte, je m’approvisionne chez les grossistes. Les rares chefs qui viennent sur les marchés le font pour un plat du jour, une suggestion. Ici, on ne vient pas acheter un produit, on vient chercher une idée ».
Galères et côtes de veau
En l’occurrence, il doit surprendre «un client particulier» qu’il reçoit le soir même. Le chef a carte blanche, pas de limite de budget. Ce qui compte, c’est l’originalité. Premier stand, petite passe d’arme amicale. Jacques taquine Arnaud, ancien cuistot, sur le prix de ses coquilles SaintJacques
: «Je les ai à trois fois
moins cher en Bretagne ». Arnaud envoie valser un goéland d’un grand geste de la main : «Mais à
combien tu revends?» Sourire des deux hommes qui se connaissent. Le cuisinier a un principe de calcul: pour estimer le prix d’une assiette, il multiplie par quatre ce qu’elle lui coûte en produits. Ce n’est qu’au stand du fond que
Jacques trouve son bonheur : des galères, des petits crustacés locaux à 9 euros le kilo. «Ca, on
en trouve uniquement ici», s’enthousiasme-t-il. Bingo. Mais avant d’acheter, Jacques doit réfléchir à la manière dont il va proposer les galères. Puis passer à la boucherie: un autre «client particulier» lui a demandé deux côtes de veau au parmesan.