Les soignants plus que jamais sous pression Psycho
Les professions médicales et paramédicales sont particulièrement exposées au risque de burn out. Il est primordial de détecter à temps et de soigner ce syndrome d’épuisement
Le burn out, maintenant, tout le monde connaît. Cet épuisement professionnel n’épargne aucun métier. Horaires de travail, surcharge de boulot, relations parfois tendues avec les patients… Les soignants sont particulièrement exposés. «La maladie du médecin est taboue», remarque le Pr Jérôme Palazzolo, psychiatre niçois(1). En effet, combien sont-ils à enchaîner des journées à un rythme effréné au cabinet ou à l’hôpital sans se rendre compte qu’eux aussi glissent vers le mal-être ? Pourtant, les conséquences peuvent être très lourdes. Une étude de 2012 relève que le burn out concerne… 24 % des praticiens libéraux, 20 % des aides-soignants, 18 % des infirmiers et 13 % des pompiers. « Près d’un soignant sur deux déclare vouloir quitter son poste alors qu’ils sont 80 % à aimer leur métier. Parmi les causes évoquées par les praticiens, on retrouve la surcharge de travail, la crainte des erreurs, le harcèlement des malades, le poids des charges administratives, les contraintes collectives, la non-reconnaissance du rôle de médecin et la difficile gestion de l’interface famille - travail. « Le Dr Freudenberger [un psychologue et psychothérapeute américain, l’un des premiers à avoir étudié le syndrome d’épuisement professionnel, ndlr] a évoqué dès 1973 le burn out des soignants caractérisé par trois composantes: un épuisement émotionnel, une dépersonnalisation et une perte de l’accomplissement personnel, souligne le Pr Palazzolo. L’épuisement émotionnel regroupe les symptômes tels que la tristesse, l’anxiété, l’angoisse, l’émotivité, la fatigue, la démotivation… Tout devient insurmontable. C’est à ce moment-là que l’on va commencer à s’auto-prescrire. » La dépersonnalisation, quant à elle, doit être vue comme une forme de cynisme. «Le patient est considéré comme un objet et un phénomène d’intolérance s’installe : on ne supporte plus les retardataires par exemple. Lorsque l’on parle de perte de l’accomplissement personnel, on entend un sentiment d’incapacité (typiquement c’est le syndrome de l’imposteur: on ne se sent pas capable, pas légitime), un pseudo-activisme : on s’agite mais on ne parvient pas à mener à terme le travail, détaille le psychiatre. On peut retrouver ici des addictions de soutien et de compensation que ce soit café ou boissons énergisantes à haute dose ou carrément alcool, drogue.»
Chute en étapes
On a tendance à croire que les professionnels de santé, qu’ils soient médecins, infirmiers, aides-soignants, sont imperméables au surmenage. Et pourtant. Ils voient des patients toute la journée, parfois des cas graves, des personnes condamnées… Il peut devenir difficile de garder de la distance. Paradoxalement, ce sont des gens qui aiment leur travail qui tombent dans l’épuisement. «On distingue quatre phases dans le burn out du soignant, note le Pr Palazzolo. La première, c’est l’enthousiasme. L’individu est plein d’énergie, il a de grands idéaux, il se donne intensément à son travail. Déjà à ce stade, si c’est sa principale source de gratification, qu’il n’a pas grand-chose dans sa vie à côté, c’est problématique. » La deuxième étape est la stagnation. «Il commence à s’essouffler. Un décalage se fait jour entre la représentation idéale de l’activité et la réalité du terrain.» On constate un surinvestissement dans le travail. Les premiers troubles commencent à apparaître. Troisième phase: la désillusion. « Le soignant commence à remettre en question les valeurs du travail mais aussi son propre jugement, ses compétences, l’équipe. Il perçoit les patients comme ingrats, ennuyeux, irritants. Les problèmes de santé se multiplient », explique le psychiatre. À ce stade, la personne est au bord du précipice. À la quatrième et dernière étape, elle a chuté. «C’est la phase d’apathie. Le professionnel de santé a brûlé ses réserves d’énergie. Il va arriver à des conduites d’évitement (ne pas venir), néglige son travail. Le tout avec une tonalité dépressive. Une prise en charge thérapeutique est alors nécessaire. » Le soignant devient alors à son tour patient... 1. Il a donné une conférence dans le cadre de la 1re journée Med’Dates, organisée par Asclépia Conseils.
« fatigue, hypertension artérielle, douleurs variables, troubles du sommeil, troubles digestifs, perte de libido… Ce ne sont pas des éléments spécifiques mais mis ensemble, ils peuvent devenir problématiques. »
« Attention, parfois certains ont l’impression d’avoir des problèmes de mémoire alors que c’est avant tout des difficultés de concentration : ce n’est pas qu’ils ont oublié où ils ont mis leurs dossiers, c’est qu’ils n’étaient pas concentrés lorsqu’ils les ont remplis et rangés. »