Monaco-Matin

« Ce sport, c’est ma vie »

Le pensionnai­re du NCAA Frédéric Dagéé, récent champion de France du lancer de poids, n’est pas le plus connu des sportifs français. Mais il est sans aucun doute l’un des plus passionnés

- LEANDRA IACONO

Ce n’est pas le sport le plus médiatisé, ni le plus glamour. Ce n’est pas non plus celui qui permet à ses champions de vivre de leur passion. Mais là n’est pas l’important pour Frédéric Dagée. Le pensionnai­re du Nice Côte d’Azur Athlétisme a trouvé dans le lancer de poids un équilibre, et une envie furieuse de réussir, malgré les galères. Le champion de France en titre, qui a dans le viseur la qualificat­ion pour les Mondiaux cet été à Londres, s’est confié avec pudeur. Sur ce poids qu’il aime tant, ses ambitions et ce quotidien d’athlète de l’ombre qui ne l’a jamais découragé.

Frédéric, avec votre titre de champion de France en salle en février, c’est un début d’année au-delà de vos espérances ?

Oui, à  %. J’aurais espéré un peu plus au vu de mes performanc­es à l’entraîneme­nt où j’ai réalisé de très bons lancers. J’aurais aimé aller plus loin en compétitio­n mais je ne vais pas cracher sur ce que j’ai fait. Surtout en ayant changé de technique.

Justement, vous avez pris le risque de passer de la translatio­n à la rotation. Qu’est-ce qui a motivé ce choix? Ça s’est fait en rentrant des Jeux Olympiques de Rio. Comme je ne m’étais pas qualifié, j’y suis allé en tant que spectateur. Avec mon entraîneur, on a observé un peu ce qui se faisait. On a tenté à notre retour, et on a vu rapidement que ça pouvait marcher. J’ai très vite réalisé des prestation­s que je n’avais jamais faites en translatio­n. Ça nous a confortés dans l’idée de continuer sur cette voie-là.

Ne pas participer aux Jeux a été dur à accepter ? Très très dur. Il y a eu cette blessure au dos qui a été un énorme coup d’arrêt. Mentalemen­t, ça a été compliqué d’y être sans participer mais ça m’a donné un énorme coup de pied aux fesses. Je suis rentré avec les crocs et l’objectif de ne plus rater ma chance. Le lancer de poids n’est pas un sport très médiatisé. C’est compliqué au quotidien ? Ça se gère difficilem­ent. J’ai la chance d’avoir une Fédération, un club, des amis et une famille qui me soutiennen­t. C’est grâce à eux que je m’accroche. Mais ce n’est pas un sport qui vous permet d’en vivre. Je vais être surveillan­t à mi-temps à Boulouris et avoir le statut d’interne, donc être pris en charge et ne plus payer ni loyer ni alimentati­on. Ça va m’enlever une épine du pied. Surtout la nourriture, pour un lanceur de poids, c’est l’équivalent du prix d’un loyer (rires).

Comment êtes-vous venu au lancer de poids ? Ça fait pourtant rarement rêver les jeunes. J’avais fait un peu de natation, mais ça ne me plaisait pas tant que ça. C’est un prof de sport qui m’a amené vers l’athlétisme et le poids. J’y ai rencontré mon premier entraîneur Jean-Pierre Horbaty. J’aimais ce qu’il faisait. Je l’admirais et je l’admire toujours. Il m’a montré la voie, il m’a presque élevé tant ma situation familiale n’était pas idéale. Je ne le remerciera­i jamais assez.

Qu’est-ce que vous aimez dans ce sport ? Le lancer de poids demande beaucoup de force, mais aussi une technique très pointue. Il faut trouver l’équilibre parfait entre les deux. Et puis, il faut des qualités physiques très variées. Les lanceurs font  kg, mais sont capables de courir vite et de sauter haut. C’est cette alchimie que j’aime.

Vous ne regrettez pas parfois de ne pas avoir choisi un autre sport avec un peu plus de reconnaiss­ance ? Non, parce que je n’aurais pas été heureux. Le lancer de poids, c’est toute ma vie. J’y ai trouvé mon équilibre. On peut me proposer un salaire faramineux,   euros, jamais je n’accepterai de faire autre chose. Pour moi, la reconnaiss­ance est quelque chose de très personnel. Si on ne pense qu’à celle des autres, on se trompe d’objectif. Le plus important est d’être fier de ce qu’on réalise.

Vous avez une relation

particuliè­re avec l’engin ? J’ai un poids à moi que j’aime bien utiliser pour m’entraîner. Mais, je ne suis pas du genre à lui donner des surnoms ou à le chouchoute­r (rires).

Vous avez parlé d’une enfance un peu compliquée. Le poids vous a aidé à vous en sortir ? Oui, ça a été une échappatoi­re, un moyen de rester sur les bons rails à une période où j’aurais pu partir un peu en live. Je sens que les choses se mettent en place et vont de mieux en mieux. Ça fait du bien.

Vous n’avez jamais pensé à abandonner ? Non, les hauts et les bas font partie du haut niveau. Et puis j’aime tellement ce sport. Me faire mal. Je suis persuadé que je serais malheureux et frustré d’arrêter. Le jour où j’aurai la sensation que j’ai tout donné, peut-être, mais pas avant.

Qu’est-ce qu’il vous manque pour accrocher les meilleurs et la barre mythique des m ? Du temps, juste du temps. On me demande d’atteindre un objectif physique qui nécessite des années et des années de travail. La maturité chez les lanceurs de poids arrive tard, vers - ans jusqu’à facilement  ans. Les m, ce n’est pas une finalité pour moi. Quand ça arrivera, je ne penserai qu’à faire encore plus. Je veux une médaille dans un grand championna­t, j’y pense tout le temps. Quand on a goûté une fois à la Marseillai­se, on ne veut pas que ce soit la dernière.

 ?? (Photo FFA) ?? Avec deux lancers cette année à ,m et ,m, Frédéric Dagée réalise un début d’année prometteur.
(Photo FFA) Avec deux lancers cette année à ,m et ,m, Frédéric Dagée réalise un début d’année prometteur.

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