Des tramways à l’assaut des
En 1906, ils sont déclarés d’utilité publique pour satisfaire les citadins, qui mettent à la mode des villages perdus, parfois transformés en stations balnéaires ou de sports d’hiver
Un soir, alors que le printemps vient d’arriver, les Alberti, commerçants niçois, préparent leur week-end. « - Samedi, nous irons à la montagne !, propose le père . - À la montagne ? - Oui, à Saint-Martin. C’est au haut de la vallée de la Vésubie. On y respire un air magnifique ! » Toute la famille applaudit. « - Et comment irons-nous ?, les enfants . - En tramway ! » Nous sommes en 1909. Une ligne de… tramway a été récemment ouverte pour remonter la vallée de la Vésubie. Elle fait partie de ces tramways du moyen et haut-pays des Alpes-Maritimes qui ont été déclarés d’utilité publique le 10 février 1906. La ligne de la vallée de la Vésubie part de la gare du Plan du Var, à 30 kilomètres au nord de Nice. Et l’on se rend à cette gare, depuis Nice, par le train Nice-Digne communément appelé « train des Pignes ». Ainsi peut-on aller en chemin de fer depuis le centre de Nice jusqu’aux montagnes de l’arrièrepays. Toute heureuse, la famille Alberti se rend donc à la Gare du Sud à Nice, d’où part le train des Pignes. Parents et enfants entrent dans le bâtiment monumental qui date de 1891, dont l’immense verrière métallique a été récupérée du pavillon de la Russie, à l’Exposition universelle de Paris en 1889. interrogent
Dix heures en diligence...
Ils montent dans le petit train qui passe par le quartier du Parc Impérial, se dirige vers l’ouest de la ville, longe la rive gauche du Var et leur permet de rejoindre le tram. En route pour la montagne ! Au début du XXe siècle, l’ouverture des voies ferrées a bouleversé le tourisme dans le haut-pays et a favorisé l’essor de la villégiature dans les montagnes. Jusqu’alors, il fallait dix heures pour aller en diligence de Nice à Saint-Martin-Vésubie. Le tourisme montagnard n’était pas répandu. En 1887, dans son célèbre livre intitulé Côte d’Azur qui a donné son nom à notre région - Stéphen Liégeard écrivait : « Sol neuf que n’ont point encore gâté les hôteliers cosmopolites, la montagne est encore heureuse à qui aime une solitude non déflorée ». En 1884, le guide des « Stations sanitaires de la France » conseillait « d’aller passer l’été à SaintMartin, la Bollène, Belvédère, Berthemont, réputé pour ses eaux, Saint-Dalmas-de-Tende, Saint-Vallier, Thorenc ». Un jour, en 1889, arriva le chevalier Victor de Cessole. Cet érudit, petitfils du comte Hilarion Spitalieri de Cessole, qui avait été président du Sénat de Nice de 1835 à 1845, partit à la montagne sur les conseils de son médecin. Il découvrit les cimes aux alentours de SaintMartin-Vésubie, gravit le mont Clapier, les cimes du Gélas et de la Malédie. Il établit un inventaire de ces sommets, réalisa de nombreuses ascensions inédites, en compagnie de son guide, Jean Plent. En 1900, il prend la présidence du club alpin de Nice, multiplie les conférences pour vanter les paysages montagnards, prétend qu’on a une Suisse à portée de main, crée en 1901 le refuge de Nice dans la vallée de la Gordolasque, et en 1905, celui de Rabuons. Il est aussi l’initiateur de la station de sports d’hiver de PeïraCava, organisant en 1909 une première compétition de ski de fond. Mais, à cette époque, il fallait sept heures pour aller de Nice à PeïraCava !
Berthemont-les-Bains, station balnéaire
Il y eut une autre personnalité pour promouvoir l’arrière-pays : le richissime Raphaël Bischoffsheim , banquier hollandais venu s’installer à Nice, qui, après avoir fait construire l’observatoire de cette ville en 1887, créa un journal, Le Réveil de la montagne. Il favorisa l’ouverture de routes, embellit les villages en finançant de ses deniers la construction de fontaines publiques à Ascros, Saint-Etienne-de-Tinée, Rigaud, Roquebillière, Breil-sur-Roya, ainsi que le pavage des rues à Villarssur-Var. Il aida la construction de l’hôpital de Puget-Théniers. Aussi fut-il élu député dans cette commune en 1893, contre le célèbre maire de Nice, François Malausséna. « Plan du Var, Plan du Var, deux minutes d’arrêt ! » C’est là, dans la gare de ce village situé au confluent du Var et de la Vésubie, que la famille Alberti descend du train pour aller prendre le tramway. La vraie aventure commence ! Voilà le wagon qui, relié à un câble électrique, va les conduire à SaintMartin, 21 kilomètres plus loin, à 700 mètres d’altitude. Une sonnette retentit, la machine démarre dans un crissement d’essieu. On traverse le pont de pierre de la Vésubie et l’on tourne vers la droite, entre deux parois rocheuses. Le câble électrique, auquel la machine s’alimente, est suspendu au long de la vallée à des poteaux en bois, ou est accroché aux parois des falaises. Le tram monte vers Lantosque, franchit le pont à trois arches à l’entrée du village. Aujourd’hui, on voit toujours la trace des poteaux qui supportaient le fil aérien, mais la gare de Lantosque a disparu. Le tram s’enhardit, monte vers le vieux village de Roquestéron, puis vers la station de Berthemont-les-Bains. (Lire la fin en page suivante)