Migrants à Pierrefeu (Var) : village au bord de la psychose
L’arrivée programmée de 60 personnes issues de la jungle de Calais suscite l’inquiétude dans ce village varois. Une pétition contre ce projet circule. Des manifestations sont programmées
L’inquiétude règne à Pierrefeu depuis que les habitants ont appris que la commune avait été désignée par la préfecture pour accueillir une soixantaine de migrants en provenance de la jungle de Calais. «Mes parents ont 87 ans, ils m’ont dit qu’ils allaient se barricader », confiait, hier matin, une dame (1) à la sortie de La Poste. «Moi aussi j’ai peur, je vis seule.» L’arrivée des migrants dans un bâtiment désaffecté du centre hospitalier spécialisé Henri-Guérin, situé à un kilomètre à l’aval du centre-ville, est devenu le principal sujet de conversation au village. Une pétition contre cet accueil circule chez des commerçants. «Je trouve que c’est une question d’humanité, il faut accueillir les personnes qui fuient la guerre», réagit la cliente d’une pharmacie, en précisant qu’elle n’habite pas à Pierrefeu où son avis serait largement minoritaire. «Tout le monde a peur, on est tous contre », tranche un patron de bar.
« Ils n’ont pas leur place à l’hôpital »
«Les associations, elles n’ont qu’à les accueillir chez elles», peste une femme en sortant de la boucherie. « On les met dans un hôpital psychiatrique, mais ce n’est pas une structure adaptée, ce n’est pas évident même pour eux, c’est une honte », commente une autre Pierrefeucaine. «Qui va les nourrir? Qui va leur apprendre le français? Ici, il n’y a que des clubs de sport… »Les questions sont nombreuses quant aux modalités d’accueil des soixante potentiels demandeurs d’asile, soit l’équivalent de 1 % de la population de Pierrefeu. Et la méthode du «fait accompli» est critiquée. « On nous a bien fait comprendre que le préfet du Var a des ordres, et que la décision est quasi irréversible », relate le maire Patrick Martinelli. « À Calais, ils caillassent les policiers, commente un commerçant. Ils cassent tout et n’ont peur de rien. Les parents continueront-ils à laisser leurs enfants aller seuls au sport ou à l’école? » Au comptoir, à l’heure du café, un client propose carrément d’aller détruire le bâtiment où doivent être hébergés les migrants. « Si on descend à trois ou quatre, on aura des problèmes, mais pas si on y va à cinq cents…»
Trois manifs ?
Le secrétaire départemental du Front national Frédéric Boccaletti appelle à une manifestation samedi 8 octobre. De son côté, le maire sans étiquette envisage de réunir le conseil municipal ce jeudi pour déterminer les modalités d’une manifestation « sans banderoles ». À l’hôpital, le syndicat Sud santé sociaux réagit aussi. « Nous sommes opposés au fait de recevoir des migrants dans un hôpital psychiatrique, souligne Arnaud Troubady, son secrétaire. Ce ne sont pas des conditions d’accueil décentes et de surcroît, dans une zone inondable.» Mais il rejette les appels à la haine, notamment sur les réseaux sociaux. Arnaud Troubady refuse l’amalgame avec les arguments du FN. « Nous préparons nous aussi un rassemblement contre le racisme.» A priori, ce samedi.
1. Tous nos interlocuteurs rencontrés sur place, sauf le maire, ont requis l’anonymat.