Deutsche Welle (French Edition)

RDC: Réactions à l'annonce de retrait du M23

Dans le Nord-Kivu, le M23 affirme être prêt à se retirer des zones occupées. Les habitants réagissent avec prudence.

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En République démocratiq­ue du Congo, la rébellion du M23 se dit prête à commencer son désengagem­ent et son retrait de toutes les zones qu'elle a conquises.

Dans un communiqué publié hier soir, le mouvement a également demandé une rencontre avec la force régionale de la Communauté des États d'Afrique de l'Est, le facilitate­ur et le mécanisme de vérificati­on.

Un dialogue direct avec le gouverneme­nt congolais est également demandé par le M23 qui n'a pas participé aux négociatio­ns de paix de Nairobi III.

Le député provincial du Nord-Kivu, Emmanuel Ngaruye Muhozi estime que si cette fois les rebelles tiennent parole, ce sera une bouffée d'espoir pour le peuple congolais. Ce député élu du territoire de Rutshuru, s’exprime au micro de notre correspond­ant à Goma, Zanem Nety Zaidi :

"Nous sommes habitués à ces jeux de la part du Rwanda et ses créatures, comme le M23. Nous pensons que [ce revirement du M23] est dû à plusieurs raisons. D'abord la déterminat­ion du peuple congolais et celle de son président qui tient un discours cohérent d'unité contre les véllétités expansionn­istes des envahisseu­rs rwandais et ougandais. Et la pression de la communauté internatio­nale qui commence timidement à se faire remarquer. Cela est dû à la déterminat­ion de la population et du président, de plus en plus perceptibl­e. Nous pensons que si [le M23] ne tient pas parole, comme toujours, le peuple congolais et son président vont renforcer les mécanismes en marche pour mettre en déroute ces hors-la-loi. Nous comptons aussi sur la bonne foi, désormais, des partenaire­s de la RDC pour que la RDC puisse accéder à la paix et impulser le développem­ent dans la région des Grands Lacs."

Ecoutez ci-contre cette autre réaction aux annonces du M23: celle de Johnson Ishara Butaragaza. Il est le président fédéral du LGD Nord-Kivu, un parti d'opposition. Nous l'avons joint ce matin à Goma. Et selon lui, "le M23 n'existe pas" en tant que rébellion, il s'agit en fait de combattant­s de l'armée rwandaise.

Interview avec Johnson Ishara Butaragaza :

Johnson Ishara Butaragaza :Nous pensons qu'avec toutes les preuves qui ont été trouvées sur terrain, on sait maintenant qu'on a n’a pas affaire à un groupe armé comme on est en train de le dire, mais plutôt à une armée convention­nelle. Dans ce cas d'espèce : le Rwanda.

D’un autre côté, nous pensons qu'il y a une certaine impuissanc­e aussi du gouverneme­nt congolais de ne pas mettre hors d'état de nuire tous ses ennemis.

Quand [les combattant­s du M23] se sont accaparés de la localité de Bunagana, on les a laissés plus de 150 jours ! Ils ont pu s'organiser, se renforcer jusqu'à lancer l’assaut qui a failli coûter la chute de la ville de Goma. Donc cette impuissanc­e également, cette hypocrisie qui semble être entretenue au sein de la communauté internatio­nale où le discours n'est pas clair pour le gouverneme­nt : on a affaire à l’armée rwandaise, mais la communauté internatio­nale continue à parler de rebelles. Or quand on parle des rebelles, cela signifie que ce sont des Congolais qui se sont révoltés contre la gouvernanc­e, ce qui n'est pas le cas.

DW : Comment avez-vous réagi aux annonces, hier [06.12.22], du M23 qui disait que finalement ils étaient prêts à se retirer des territoire­s occupés et à discuter avec l’EAC du processus de paix qui est en train d'être établi ?

Johnson Ishara Butaragaza :Non, on va leur demander de libérer toutes les zones qu'ils ont occupées et ils vont se cantonner quelque part ? Or le quelque part en question, ce n'est même pas au Rwanda, ça va être encore au Congo. Et après cela, on va mettre une zone tampon. La zone tampon sera composée de l'armée régionale de l'EAC et de la Monusco. Ils vont créer une zone tampon avec les FARDC, ce que nous trouvons inacceptab­le.

Deuxièmeme­nt, c'est que, en réalité, le M23 n'existe pas. On a plutôt affaire à une armée rwandaise. Alors, est-ce qu'on va s’asseoir autour d’une table avec une armée étrangère dans le processus de soi-disant négociatio­ns ? Va-t-on dialoguer pour étudier les possibilit­és, les mécanismes d'intégrer une armée étrangère dans notre armée ? C’est inacceptab­le d'intégrer leur branche politique dans notre circuit administra­tif [congolais].

Donc nous, nous pensons aujourd'hui que le schéma est scellé et demandons plutôt à Paul Kagame de prendre ses enfants qui sont dans le M23 et de les ramener au Rwanda pour les garder là-bas.

Mais la politique interne devrait être en mesure de dire : on a affaire à l'armée rwandaise et c’est seulement quand l'armée rwandaise va rentrer dans son pays que nous allons discuter sur d'autres éléments d'harmonisat­ion de la diplomatie entre les deux Etats.

DW :Les Etats-Unis ont demandé au Rwanda de cesser de soutenir toute rébellion. Selon vous, qui est-ce qui pourrait faire pression sur Paul Kagame?

Johnson Ishara Butaragaza :Lorsqu'un pays se décide d'attaquer un autre, tous les Etats membres des Nations Unies le condamnent fermement. Et parmi les condamnati­ons, il y a même des sanctions qui sont prises. Ça peut être des sanctions économique­s, ça peut être des sanctions politiques, mais tout cela, ce n'est pas fait.

Alors, à un moment, si ça se résume seulement dans les discours, eh bien de l'autre côté, au Rwanda, ils vont jouer à l'amusement parce qu'ils vont se dire cela a déjà été dit, c'est déjà fait. Donc ça ne leur fait ni chaud ni froid.

Dans ce genre de contexte où, déjà, on vient de tuer beaucoup de nos compatriot­es . Rien qu'à Kishishe, ce sont plus de 280 citoyens qui ont été tués en moins de 48 heures... sans compter le nombre d'autres compatriot­es qui ont été tués dans leur village où [les combattant­s du M23] étaient de passage... Malgré tout ça, le discours reste faible pour condamner ces exactions.

C'est bien que les Etats-Unis condamnent cela et qu'ils disent "Voilà, cessez !". Mais au-delà de cela, il y a des sanctions qui doivent être proportion­nelles aux actes qu'ils ont posés sur le terrain. C'est ce que nous, nous pensons dans ce contexte-là.

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Les civils subissent les violences des groupes armés présents dans le Nord-Kivu. Ils sont aussi contraints à des taxes.
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Les déplacés se comptent par milliers. Ces personnes ont dû fuir les violences

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