Manque de neige : l’avenir s’obscurcit pour les stations de ski des Pyrénées
Mercredi 13 mars, la chambre régionale des comptes a alerté sur l’avenir des stations de ski des Pyrénées, vulnérables à divers titres. Pour elle, tout doit être remis à plat.
Mercredi 13 mars 2024 la chambre régionale des comptes (CRC) a présenté son enquête consacrée aux stations de ski des Pyrénées d’Occitanie face au changement climatique. « Moindre fiabilité de l’enneigement », « nombre de skieurs en baisse », « déficits structurels », « fragilité particulière sur le logement »… Clairement, pour la Chambre régionale, le ciel s’obscurcit à vitesse grand V pour bon nombre de stations de ski du versant français. Le rapport de la Cour des Comptes, et de ses cinq chambres régionales, publié en février dernier, avait planté le décor. L’enquête, menée entre 2018 et 2022, et présentée ce mercredi à Toulouse, a enfoncé le clou. Ses membres appellent de leur voeux un grand coup de balai sur plusieurs plans.
Tout un modèle en cause
« Le constat, c’est une vulnérabilité de ces stations de montagne, à des degrés divers. Cette vulnérabilité n’est pas juste liée au changement climatique », précise d’emblée Valérie Renet présidente de la CRC Occitanie.
C’est tout le modèle sur lequel s’est construit l’économie du ski dans les Pyrénées qui est remis en cause par la Chambre régionale des comptes. Un modèle qui s’est construit sur des stations de petites tailles, largement subventionnées par les pouvoirs publics, et qui doivent désormais faire face à la concurrence des domaines skiables étrangers mastodontes que sont devenus ceux de Grandvalira et
Baqueira-Beret notamment. Dans un contexte où la neige naturelle manque désormais une bonne partie de l’hiver en dessous de 1800 mètres.
« Atomisation des domaines skiables, morcellement des acteurs qui gèrent les stations pyrénéennes, saupoudrages des subventions ». Selon la Chambre, l’avenir ne s’annonce pas bien pour l’activité ski dans de nombreuses vallées des Pyrénées. Pour étayer son analyse, la CRC a contrôlé huit stations de la chaîne (Grand-Tourmalet, Font-Romeu-Pyrénées 2000, AxTrois-Domaines, Goulier-Neige, Val d’Azun, Val Louron, Puyvalador, une station désormais fermée, et Le Mourtis.
Selon la CRC, le premier élément de fragilisation de ces stations est l’enneigement en baisse dans les Pyrénées. Se basant sur une étude étrangère publiée en 2019, la CRC écrit : « la quasi-totalité des stations de ski des Pyrénées ont pu bénéficier, entre 1986 et 2005, d’un niveau de fiabilité d’enneigement suffisant en bas des pistes, sous réserve d’être équipées pour la production de neige. Dans le futur, les projections des spécialistes prévoient une dégradation des conditions d’enneigement. Ainsi, en 2050, l’altitude de fiabilité remonterait à environ 2 300 mètres sans production de neige et à 1 800 mètres avec production. L’altitude de fiabilité de l’enneigement pourrait aller jusqu’à 2 750 m, en se plaçant dans le scénario de fortes émissions de gaz à effet de serre à horizon de la fin du XXIe siècle (...). Ces altitudes de fiabilité, comparées avec les altitudes caractéristiques des stations de ski (altitudes des hébergements et du domaine skiable) montrent une situation critique où aucune station des Pyrénées ne serait en mesure de disposer d’un niveau d’enneigement suffisant en bas des pistes ».
« Conditionner les aides publiques »
Plusieurs stations auditionnées par la CRC seront particulièrement impactées : Le Mourtis, Goulier-Neige et Val Louron, dont les fronts de neige se trouvent entre 1350 et 1500 mètres d’altitude. Une inquiétude qui se conjugue déjà au présent pour ces stations qui ont souffert une grande partie de cet hiver, en raison du manque de neige. L’autre grande épine du pied des stations de ski des Pyrénées est, selon la CRC, l’état du parc immobilier dans les stations des Pyrénées. Comme dans les autres massifs français, les logements proposés dans les stations des Pyrénées seraient dégradés. La CRC se veut aussi très critique par rapport à l’organisation des stations, leur financement, et les investissements qui sont réalisés pour s’adapter au changement climatique, et ainsi basculer dans une économie 4 saisons. En vertu de cette organisation et de ces financements morcelés, la CRC constate un décrochage des petites et moyennes stations : « Chez nous, les stations pyrénéennes sont gérées par des tas d’acteurs, mais la majorité l’est en régie directe. Cela tient du fait que les stations du massif ne sont non seulement pas rentables, mais sont en déficit structurel », souligne Valérie Renet.
Outre des critiques, la CRC porte quelques préconisations : « Il y a urgence à porter des stratégies d’adaptation robustes en fonction des territoires de montagne. Pour ce faire, il faudrait conditionner les aides publiques à la bonne application des stratégies d’adaptation. Il faudrait également raisonner au-delà des communes pour ne pas se concurrencer, avec des spécialisations de territoire. C’est aux élus de porter ces stratégies différenciées ».
Très critique à l’endroit des stations pyrénéennes, de ceux qui les gèrent et pessimiste quant au maintien de ce modèle à court terme, la CRC l’assure : son enquête, et les conclusions qu’elle porte « se veulent un signal d’alerte et un appel à repenser l’économie de montagne, à mutualiser les moyens et les énergies » en s’appuyant sur un atout qu’elle pointe :
« La spécificité des Pyrénées par rapport aux autres massifs, c’est que 62% des gens qui viennent dans les montagnes pyrénéennes viennent l’été. Les stations de montagne des Pyrénées, ce n’est donc pas que le ski. Le tourisme a d’ailleurs existé avant le ski. Il y a déjà un tourisme quatre saisons, mais il doit être porté par les pouvoir publics ». Elle estime que désormais « les pouvoirs publics ne peuvent pas continuer à réaliser des investissements de soutien à l’activité de neige sans donner corps à la diversification quatre saisons ».