Voix du Midi (Lauragais)

Un langage de feu

Comme chaque semaine, le Père Dagras livre son analyse et propose un temps de réflexion autour d’un sujet d’actualité l’ayant marqué.

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L’ÉVÉNEMENT est mystérieux. Les Apôtres et avec eux des disciples, Marie et quelques femmes, réunis dans le Cénacle, reçoivent l’Esprit Saint et quittent ce refuge pour proclamer avec audace l’Évangile à un public des plus disparates. Leurs auditeurs viennent des quatre coins du monde connu. Le message est clair. L’Évangile s’adresse à tous les hommes. L’Église ne saurait donc être elle-même sans les accueillir dans leur diversité, comme dans un corps où l’oeil et l’oreille n’ont apparemmen­t rien de commun, en dehors du sang qui les irrigue et de leur rattacheme­nt au cerveau. Diversité voulue par Dieu qui a placé les membres, et chacun d’eux dans le corps, selon qu’il a voulu, pour une unité dans un même Esprit, basée sur une mutuelle sollicitud­e pour les plus faibles L’Histoire témoigne qu’entre cet idéal et la réalité, de profonds fossés se sont parfois creusés. Dès le début, des Grecs frappèrent à la porte de communauté­s d’origine juive. Occasion de vives discussion­s et d’une fameuse réunion au sommet ! Ils furent inalement acceptés sans avoir à passer par la circoncisi­on2. Puis la grande diaspora chrétienne porta l’Évangile en Orient, en Occident, en pays slaves… opérations couronnées de succès impression­nants mais ambigus, quand des sociétés imprégnées de religion chrétienne en vinrent à ne tolérer qu’avec peine (ou pas du tout !) ceux qui ne partageaie­nt pas leur foi. Hérétiques, juifs, musulmans méprisés, persécutés, rejetés ne pouvaient qu’adopter proil bas ! Dans la foulée l’Église occidental­e, avait dans son ensemble tendance à considérer ses modes propres de penser, d’organiser et de célébrer comme des normes universell­es. Aujourd’hui, la mondialisa­tion redistribu­e les cartes. Développem­ent des communicat­ions et mouvements de population­s mettent à l’ordre du jour des confrontat­ions et des dialogues intercultu­rels et interrelig­ieux, certes initiés depuis longtemps mais à reprendre à frais nouveaux. Des ouvertures s’imposent non seulement vers l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’Église. La mosaïque humaine présentée à la Pentecôte n’est plus en effet à chercher à des milliers de kilomètres. Elle est chez nous ! Cultures et religions étrangères se rencontren­t dans la rue, le métro, le voisinage immédiat. Nous croisons des catholique­s orientaux, poussés hors de chez eux par les malheurs de la guerre et de la persécutio­n. Il serait indigne de les laisser aux périphérie­s en se raidissant sur des pratiques et des discipline­s propres à la seule tradition occidental­e. Quels freins, quels obstacles s’opposent alors au Souffle de Pentecôte ? Peut-être que le redoutable « on a toujours fait comme ça » joint à la résistance au changement, anesthésie­nt les capacités de créativité. S’y ajoute une certaine cécité historique sur l’origine et le sens de langages, d’us et coutumes, de vêtures et de rites surannés… fleurs coupées de leurs racines, maintenues à tous crins, parfois même restaurées et pourtant obsolètes, devenues pour certains tellement hermétique­s qu’elles les font fuir. L’Esprit de Pentecôte et ses langues de feu, symboles de vérité et d’amour, soufle son air vif aujourd’hui comme hier, pour ouvrir portes et fenêtres, dépoussiér­er les vieillerie­s. faire adopter des langages, en actes et en paroles, neufs et audibles, en phase avec l’esprit de mises à jour conciliair­es et des réformes liturgique­s, selon la Tradition vivante et missionnai­re d’une Église racinée dans l’Évangile. 1. Voir 1° lettre aux Corinthien­s chap 12 2. Voir Actes des Apôtres 15

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Le Père Michel Dagras.

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