Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« J’accepte la critique »

Avec six défenseurs battus (meilleur total toulonnais contre l’Usap), Gervais Cordin semble retrouver la forme qui lui avait permis de devenir indiscutab­le sur la rade. De bon augure.

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRICK ILIC-RUFFINATTI

Titulaire en début de saison, Gervais Cordin avait marqué le pas depuis l’arrivée de Franck Azéma. Ce dernier a alors demandé à son joueur de perdre du poids, afin de retrouver la pleine mesure de son potentiel. Et, face à l’Usap, pour sa première titularisa­tion en Top 14 depuis deux mois, le Bourguigno­n a réalisé un match plein. De retour au premier plan ? Le RCT aura en tout cas bien besoin de son joueur d’instinct dans les prochaines semaines.

Un essai, un sauvetage sur la ligne, six défenseurs battus (le maximum côté RCT) : on vous a senti en forme contre l'Usap…

J'ai fait un gros travail physique depuis quelques mois. Je fais beaucoup d'efforts et j'attendais d'avoir ma chance. Elle est venue contre l'Usap. Je me sens bien dans la tête, bien dans mon corps et ça s’est vu ce week-end.

Vous évoquez un gros travail physique, en aviez-vous besoin ?

C'est la première chose que m'a demandée Franck (Azéma ndlr) à son arrivée. Il voulait que je retrouve mes qualités physiques. Ça impliquait une perte de poids et un développem­ent de mes aptitudes de vitesse et d'explosivit­é.

Avait-il raison ?

Bien sûr, et je l'ai vu contre l’Usap. Malgré mon manque de rythme, j'ai senti que je cassais des plaquages, que j'allais vite. Puis j'étais davantage capable de répéter les tâches. C’est ce qu’on attend d’un ailier. Plus encore que par le passé. Cette perte de poids m’a fait du bien.

Explosivit­é, vitesse : aviez-vous perdu ces qualités qui font votre rugby ?

Mon profil était toujours le même, mais Franck m'a demandé d'optimiser mes capacités. En retrouvant une forme physique qui me permet de performer tous les week-ends.

Aviez-vous changé de profil, afin d'être un ailier plus complet, et par ricochet, moins instinctif ?

Je ne crois pas. On ne m'a jamais demandé de changer de profil. Et même si physiqueme­nt je n'étais pas au top, je continuais de jouer les duels. Mais être en forme me permet de le faire avec plus de réussite, de confiance.

C’était votre première titularisa­tion en Top 14 depuis Pau, début décembre. Était-ce de la faute de la concurrenc­e ? Du staff ? Ou de Gervais Cordin ?

On a enchaîné quelques matchs et le staff a fait le choix de la continuité. Je respecte sans problème. De mon côté, j'ai travaillé pour être prêt le jour où il ferait appel à moi. Mais ce n’est pas la faute d’untel ou untel. C’est ainsi. Maintenant, c'est certain que c'est compliqué de passer de titulaire tous les week-ends à zéro match en deux mois. Ça m'a un peu vexé, mis un petit coup de pied au cul, mais ça m'a permis de progresser.

Avez-vous besoin qu'on vous dise tous les week-ends que vous êtes le meilleur, ou au contraire qu'on vous challenge pour donner le meilleur de vous-mêmes ?

Je préfère qu'on me dise que j'ai été bon, parce que ça veut dire que j'ai donné satisfacti­on (rires). Mais j'accepte la critique. Si on me dit que je ne suis pas au niveau, que physiqueme­nt ça ne va pas, il faut l’entendre. Ça ne fait jamais plaisir, mais il y a deux options : soit on écoute et on travaille, soit on fait sa tête de mule et on ne progresse pas. Le choix est vite fait.

Vous êtes un joueur d'instinct. Or, c’est une qualité innée, qu’on ne peut pas développer à l’entraîneme­nt, contrairem­ent à la vitesse ou la puissance. Comment fait-on pour l’entretenir ?

On ne travaille pas sur l’instinct, mais sur tout ce qui crée et renforce la confiance. Je m’explique : tu dois avoir confiance en ta technique et ton physique, afin d’aborder les duels avec la conviction que tu peux éliminer l'adversaire. Et que tu as plusieurs options pour gagner ton duel. Si tu n'es pas sûr de toi, tu vas être sur la réserve. Selon moi, l'instinct ne se travaille pas, mais implique d’être relâché, bien dans la tête et dans le corps. Puis il faut tenter, tenter.

On a l'impression que vous êtes assez libre vis-à-vis du rugby. S’agit-il d’une passion bien plus que d’un gagne-pain ?

J'ai vraiment cette quête de plaisir sur le terrain. J'ai besoin de gagner, mais dès que je prends moins de plaisir sur un match, je suis agacé. C'est pour ça que j'essaye de prendre du recul, pour arriver sur le terrain frais, avec le désir sincère de m'amuser. C'est là que je vais donner le meilleur de moi-même. Il faut que je m'amuse pour aider l'équipe au maximum. Maintenant, le rugby est ma passion, mais je veux me donner les moyens pour réussir.

Poursuivez…

Même si je place la notion de plaisir au centre, je suis vraiment déterminé à proposer mon meilleur rugby. J'ai bossé, beaucoup donné, mis des choses en place pour arriver à ce niveau. Ça ne m'est pas tombé dessus par hasard. Même si j'ai ce côté nonchalant, je suis vraiment animé par la gagne.

Que répondez-vous quand on vous dit que vous êtes nonchalant ?

Je suis nonchalant quand on ne me connaît pas. Mes coachs, mes coéquipier­s le savent (sourire).

On a souvent parlé de votre jeu au pied. On a le sentiment que vous l'utilisez de plus en plus, et on découvre surtout que vous avez une vraie longueur…

C'était un peu bizarre ce sujet qui revenait souvent sur la table à une période. Oui je préfère relancer, ce n’est un secret pour personne, mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas de pied. C'est un truc qui me suivait, alors que c'est simplement que j’ai souvent privilégié l’option du jeu à la main. Plus que la technique, le vrai travail pour moi, c’est de trouver l'équilibre entre les ballons de relance et ceux où il vaut mieux ressortir par le pied. Mais dire que je n’ai pas de pied car je joue à la main, c’était étonnant.

Enfin, sortons du terrain. En octobre 2020, vous nous aviez confié votre désir d’ouvrir une boucherie après votre carrière. C’est assez rare comme reconversi­on pour un sportif…

Je suis né et j’ai grandi de Bourgogne, j'ai pas mal de copains dans le vin, on m’a toujours fait goûter de la bonne viande… C'est culturel, voilà tout : la Bourgogne est une région d'épicuriens (sourire) .Me concernant, j’ai toujours apprécié de boire un bon vin et de manger une bonne pièce de viande avec un ami. C’est aussi ma vision d’un bon moment. Alors quand tu es profession­nel, tu ne dois pas faire n’importe quoi, pas faire d’excès. Maintenant, je pense qu'il est important de savoir se faire plaisir une fois de temps en temps, pour réussir à couper de la pression. C’est ce qui te permet d’être bon le week-end. Ce n’est pas parce que tu te couches une fois tous les trois mois à deux heures du matin que tu vas être mauvais. En revanche, c’est ce qui peut t’aider à être bien dans ta tête.

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Ça m’a mis un petit coup de pied au cul”

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Soit on écoute et on travaille, soit on fait sa tête de mule et on ne progresse pas”

Votre boucherie, ce serait plutôt le délire gueuleton ou une vraie boucherie ?

L'un n'empêche pas l'autre. Mais j'aimerais bien ouvrir une belle boucherie, avec de bons produits, tout en mettant une ou deux tables dans l'arrière-boutique. Là, on proposerai­t une vingtaine de couverts, et les amateurs pourraient venir manger, rigoler et se lâcher.

Et quelle serait alors la meilleure bouteille de votre carte ?

Pour accompagne­r quel plat ?

Une côte de boeuf, par exemple…

Ça dépend du budget, et le Bourgogne ça commence à coter. Mais un bon Côte de Nuits ou Côte de Beaune, vous ne serez jamais déçu (sourire).

 ?? (Photo Luc Boutria) ?? Face à l’Usap, Gervais Cordin a inscrit son premier essai de la saison et réalisé une performanc­e pleine. Grâce à sa forme physique ? Le Bourguigno­n espère désormais confirmer.
(Photo Luc Boutria) Face à l’Usap, Gervais Cordin a inscrit son premier essai de la saison et réalisé une performanc­e pleine. Grâce à sa forme physique ? Le Bourguigno­n espère désormais confirmer.
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