« J’AI TOUJOURS CHERCHÉ À FAIRE DES FILMS INTEMPORELS »
Avec Maigret, le réalisateur adapte Georges Simenon et confie le rôle du fameux commissaire à un bouleversant Gérard Depardieu.
Avec ses nombreux téléfilms, Maigret fait partie de la culture française et est extrêmement connu. Etait-il difficile de l’adapter pour le grand écran en proposant une vision personnelle ?
Je me sentais bien dans l’univers de Simenon, un auteur que j’avais déjà adapté en 1989 avec
Monsieur Hire. Cependant, tout n’était possible qu’à partir du moment où on savait qui allait jouer Maigret. Et, bien que je n’ai jamais de recul sur mes films, quand aujourd’hui je vois la prestation de Gérard Depardieu, je suis émerveillé par sa justesse et par la personnalité qu’il dégage. Il y avait eu effectivement Jean Richard et Bruno Cremer à la télévision. Au cinéma c’est encore plus ancien puisque le dernier film remonte en 1958 avec Jean Gabin… mais il est vrai que de réaliser ce film, délibérément pour le grand écran avec cet acteur avec qui je n’avais pas eu l’occasion et la chance de tourner, s’est imposé comme une évidence. Je ne me suis donc pas demandé comment marquer mon territoire. J’ai simplement fait confiance à mes idées et à ma manière de faire du cinéma.
À travers le personnage de Maigret, vous faites également un portrait de Gérard Depardieu…
On s’était frôlé quelquefois mais on ne se connaissait pas. Nous n’avions, par exemple, jamais dîné ensemble, ni fait de soirées. On avait en revanche beaucoup d’estime l’un pour l’autre et il y avait l’envie commune de faire un film ensemble si l’occasion se présentait. Lorsque je lui ai proposé Maigret ,ila immédiatement accepté. C’est un peu comme si toutes les planètes s’alignaient. Pour ma part, avant de réaliser, je ne me plonge pas dans le passé. Je n’ai donc pas revu les anciens Maigret, ni des films de Depardieu… Cependant, on remarque qu’il y a quelque chose qui relève de l’intime. Par exemple, le commissaire a perdu sa fille quand elle avait le même âge que la jeune morte sur laquelle il enquête et Gérard Depardieu a vécu un drame similaire avec son fils Guillaume… Même si je ne pensais pas à cela lors du tournage, je constate effectivement que le longmétrage en dit beaucoup sur lui. C’est comme si Gérard Depardieu s’était débarrassé de tous ses excès, de ses coups de gueules, de son côté tonitruant qu’on lui connaît et qu’il avait acquis à travers ce personnage une certaine forme de sagesse. Il s’est plongé dedans et il y était complètement.
L’idée de le faire jouer essentiellement dans le murmure s’est rapidement imposée ?
Oui et même en dehors de toute notion de casting. Maigret est dans l’écoute… Un peu comme un sachet de thé qui trempe, qui infuse et qui égoutte. Il observe et a quelque chose de poreux. Entrainer Gérard Depardieu sur cette voie coulait de source et nous n’avons même pas eu besoin d’en parler puisqu’il a compris, dès la lecture, le diapason du film.
En plus de votre adaptation de
Maigret et la jeune morte de Georges Simenon, on remarque que Kenneth Branagh vient de sortir Mort sur le Nil adapté d’Agatha Christie. Comment expliquez vous cette envie actuelle des cinéastes à porter à l’écran des classiques du roman policier ?
C’est un hasard… mais un hasard qui m’amuse beaucoup ! Dans les polars d’Agatha Christie la structure emprunte au style Cluedo. On retrouve donc un endroit clos avec six ou sept suspects possibles et il s’agit de déterminer qui a tué, pourquoi, comment et à quelle heure. Simenon, c’est, l’inverse, c’est presque de l’anti Agata Christie !
Chaque affaire est davantage un prétexte à plonger dans un univers, à faire le portrait d’une société. Lorsque je lis ses romans, je ne suis pas captivé par le fait de savoir s’il va trouver un indice ou résoudre l’intrigue. Tout ça est presque anecdotique. Bien entendu, je n’ai pas choisi l’histoire de la jeune morte par hasard. C’est une fille de 18 ans que personne ne connaît et l’enquête de Maigret ne consiste pas tant à trouver le coupable mais plutôt à savoir qui était la victime. Cela m’a beaucoup touché.
Un des défis était également de rendre plus moderne l’oeuvre de Simenon ?
Effectivement ! Ceux qui connaissent Maigret le voient peut-être un peu comme quelque chose de “poussiéreux” mais mon ambition a toujours été de faire des films intemporels, un peu hors du temps. C’était déjà le cas avec Les Bronzés 1et2.Ilsse déroulent à la plage ou à la neige, des cadres qui n’ont pas changé. Le troisième opus était surtout marqué par le plaisir de retravailler tous ensemble. Il est peut-être moins enthousiasmant pour certains mais je suis très heureux qu’on l’ait fait et qu’il ait trouvé son public, avec onze millions d’entrées !
Peut-on d’ailleurs espérer un Bronzés 4?
Certains membres du Splendid ne seraient pas contre cette idée… mais pas tous ! Or, si tout le monde n’est pas là, cela n’a pas de sens. Le regretté producteur Christian Fechner, qui avait produit ce dernier volet, pensait qu’il fallait le faire dans la foulée pour qu’il existe… Et puis, on a chacun fait d’autres trucs…
« C’est comme si Gérard Depardieu s’était débarrassé de tous ses excès »