Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Dans les Alpes-Maritimes, le dernier contre-pied d’un faussaire de talent Pirate de l’art

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Eric Piedoie, condamné par le passé à Grasse pour ses faux César, vient de mourir. Il avait été agressé à Cannes la semaine dernière, dépouillé d’une montre de luxe… en toc.

Il se vantait d’avoir produit davantage d’oeuvres de César que l’artiste lui-même. Eric Piedoie Le Tiec, faussaire de profession, est mort vendredi à l’âge de 66 ans. Homme aussi fantasque qu’attachant, doué d’un réel talent de peintre, il avait vendu à 24 ans son premier faux sur le cours Saleya à Nice, un dessin signé Raoul Dufy. Le support était une feuille cartonnée plongée dans du thé pour la vieillir artificiel­lement.

En 2019, cet ancien étudiant de la villa Thiole à Nice avait publié son autobiogra­phie écrite en partie depuis sa cellule de la maison d’arrêt de Grasse en 2011 et 2012. Il avait été condamné en correction­nelle à quatre ans d’emprisonne­ment pour trafic d’oeuvres d’art. À cette époque, il fréquentai­t assidûment une casse auto d’où sortaient des compressio­ns plus vraies que nature ! Un film inspiré de sa vie pour le moins rocamboles­que était en préparatio­n, produit par Christophe Stathopoul­os et réalisé par Nicolas

Raynal. Cheveux gris en bataille, veste de survêtemen­t à capuche rouge, l’homme insaisissa­ble avait des allures « d’adulescent », fasciné par les Arman, Klein, Calder… qu’il a parfois côtoyés, beaucoup étudiés et analysés jusqu’à en maîtriser les techniques créatrices.

Se qualifiant de « pirate de l’art », ce passionné aux racines bretonnes a su se jouer des experts, des galeristes et des marchands. Certains furent d’ailleurs condamnés comme complices de ses frasques et de ses délits.

Son succès de faussaire résidait dans le fait d’éviter de copier à l’identique des oeuvres d’art mais de créer de prétendues études intermédia­ires entre deux oeuvres majeures d’un artiste. Il aurait ainsi gagné beaucoup d’argent avec les artistes de l’École de Nice mais aussi avec Miró, Léger, Chagall, Matisse… ou plus récemment Zao Wou-Ki. Quelques-uns de ses amis contactés dimanche ont d’abord cru à un canular quand l’annonce de sa mort a circulé sur les réseaux sociaux. Eric Piedoie ne laisserait-il pas courir la rumeur de sa disparitio­n pour faire

le buzz ? « Vous savez, il en est capable », confie un proche qui, quelques heures plus tard, est sous le choc de la mort d’un homme hors normes.

Selon plusieurs sources, que ni la justice ni la police ne confirment à ce stade, Eric Piedoie a été victime d’une agression à Cannes la semaine dernière sur la Croisette. Il aurait été blessé alors qu’un individu lui a arraché sa montre qu’il pensait de valeur. Elle était en réalité en toc.

Agressé à Cannes

« Après ces violences, Eric a voulu se soigner lui-même mais il ne pouvait plus marcher. Il est rentré à l’hôpital et a alors succombé à une crise cardiaque », raconte Vincent, à peine surpris par cette mort tragique tant Eric Piedoie Le Tiec était coutumier des contre-pieds. Atteint d’une maladie chronique, capable de tous les excès, Eric Piedoie Le Tiec revendiqua­it « une vie d’épicurien », « une vie fun et rock’n’roll ». « L’art est un mensonge qui nous fait voir la vérité », telle était sa devise. Difficile de savoir si le récit de sa vie est véridique mais il est si palpitant qu’il a séduit des scénariste­s.

 ?? (Photo M. L. M.) ?? Eric Piedoie devant l’ancienne maison d’arrêt de Grasse où il a commencé à écrire son autobiogra­phie Confession­s d’un faussaire.
(Photo M. L. M.) Eric Piedoie devant l’ancienne maison d’arrêt de Grasse où il a commencé à écrire son autobiogra­phie Confession­s d’un faussaire.

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