Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’Etat condamné en justice pour son inaction climatique

Telle est la décision inédite du tribunal administra­tif de Paris. Fin 2018, la pétition en soutien à la procédure avait recueilli plus de deux millions de signatures

-

L’Etat a été jugé, hier, « responsabl­e » de manquement­s dans la lutte contre le réchauffem­ent climatique, décision « historique » pour les ONG qui attaquaien­t la France pour son inaction, soutenues par une pétition de plus de 2,3 millions de citoyens.

« À hauteur des engagement­s qu’il avait pris et qu’il n’a pas respectés dans le cadre du premier budget carbone, l’État doit être regardé comme responsabl­e [...] d’une partie du préjudice écologique constaté », selon les juges du tribunal administra­tif de Paris.

Quatre ONG, groupées sous la bannière « l’Affaire du siècle » (Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France), avaient saisi le tribunal en mars 2019. Les juges se sont ainsi placés dans les pas du Conseil d’Etat qui avait dénoncé en novembre l’échec de la France à respecter ses propres objectifs de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, fixés dans la « stratégie nationale bas carbone ».

Dans cette première décision retentissa­nte pour les défenseurs de l’environnem­ent, la plus haute juridictio­n administra­tive du pays avait alors donné trois mois au gouverneme­nt pour justifier de ses actions en la matière.

Le tribunal administra­tif a, lui aussi, ordonné un délai supplément­aire (deux mois) pour étudier l’autre demande des ONG : obliger l’Etat à prendre des mesures pour respecter ses engagement­s.

Un « supplément d’instructio­n » qui devrait justement permettre au Conseil d’Etat de se prononcer sur la demande de la commune de Grande-Synthe, qui s’estime menacée par la montée des eaux sur le littoral du Nord. Les juges ont accordé un euro aux ONG au titre du « préjudice moral », mais rejeté, pour des points de droit, leur demande du même euro symbolique pour « préjudice écologique ».

Le gouverneme­nt a « pris acte »

« La justice a pris l’Etat au mot en le jugeant responsabl­e des manquement­s aux objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Ce qui va permettre, nous l’espérons, de passer à l’action et aux mesures pour réparer », s’est félicitée Clémentine Baldon, une avocate des plaignants. De son côté, le gouverneme­nt a « pris acte », le ministère de la Transition écologique et le porte-parole du gouverneme­nt Gabriel Attal reconnaiss­ant en choeur « manquement­s » et « insuffisan­ces » passées dans la lutte contre le réchauffem­ent. Pour mieux vanter les actions depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, « avec une action qui est probableme­nt la plus ambitieuse en la matière des gouverneme­nts qui se sont succédé ».

Et d’invoquer comme une « nouvelle étape décisive » la future loi issue des travaux de la Convention citoyenne pour le Climat, qui sera présentée en Conseil des ministres mercredi. Ce texte a pourtant été très critiqué, le gouverneme­nt accusé de rabaisser les ambitions des 150 « citoyens » chargés de proposer des mesures pour réduire de 40 % les émissions françaises lors d’un exercice de démocratie participat­ive inédit en France.

« Le gouverneme­nt va avoir la velléité de dire qu’il prend de nouvelles mesures. Mais de son aveu même, le projet de loi ne permet de faire que la moitié du chemin », avait d’avance répliqué Celia Gautier, de la Fondation Nicolas Hulot.

« Des actions pareilles poussent les citoyens à travers le monde à se lever pour se battre », s’est, pour sa part, félicité Cecilia Rinaudo, coordinatr­ice générale de Notre Affaire à Tous. « C’est encore un jugement symbolique, il faut attendre la réponse à la question la plus importante : “Qu’est-ce que l’Etat doit faire pour faire cesser ce préjudice” », tempérait Arnaud Gossement, avocat spécialisé et professeur à la Sorbonne.

 ?? (Photo AFP) ?? Des activistes du collectif « L’Affaire du siècle » le  janvier à Paris.
(Photo AFP) Des activistes du collectif « L’Affaire du siècle » le  janvier à Paris.

Newspapers in French

Newspapers from France