Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Je voulais une vie passionnan­te »

Footballeu­r amateur qui rêvait de devenir pro, Grégoire Akcelrod s’est fait passer pour un joueur de la réserve du PSG afin d’obtenir des essais dans des clubs à travers le monde. Il en a écrit un livre

- « Pro à tout prix », Éditions L’Archipel,  pages,  euros

Installé sur la Côte d’Azur depuis près de trois ans, Grégoire Akcelrod nous reçoit avec son épouse Sophie dans la superbe villa qu’ils louent à Mougins. Svelte, costume bleu marine, chemise et baskets, à 38 ans, il a l’allure d’un jeune cadre dynamique. Il est aujourd’hui agent de joueurs (1), mais dans un mercato d’hiver bien calme, c’est surtout la sortie de son livre qui occupe ses journées. Les sollicitat­ions des médias ne manquent pas tant l’histoire que raconte ce garçon est originale. Tellement que, parfois, on a un peu de mal à y croire. Lui assure que « tout est vrai et vérifiable ».

Issu d’une famille aisée de l’Yonne et passionné de foot, il a tout fait pour devenir pro. Mais devant l’ampleur de la tâche et ses qualités limitées, il a eu recours à quelques subterfuge­s pour se valoriser sur Internet. Il est allé jusqu’à se faire passer pour un joueur de la réserve du PSG. Cela lui a permis de faire des essais, de l’Australie à l’Argentine en passant par les États-Unis ou Brunei. En tout, dans 22 clubs et 19 pays, selon son CV. Akcelrod ne mentait qu’à moitié. Il était bien un joueur du PSG, mais de l’équipe 5 qui évoluait dans les bas-fonds du district des Yvelines. Son rêve aurait pu devenir réalité en 2009 quand le CSKA Sofia, le grand club bulgare, est tout près de l’engager après un essai réussi. Mais la supercheri­e est découverte et fait le buzz quelques mois plus tard.

Akcelrod finira tout de même par signer pro en 2011 dans une division inférieure du championna­t canadien. Prouvant à lui-même et surtout aux autres qu’il avait les qualités pour le devenir.

Alors mythomane ou doux rêveur ? À vous de juger.

Grégoire, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis agent de joueurs en Angleterre et quand j’étais jeune, j’avais un rêve complèteme­nt fou : celui de devenir pro. Mon père m’avait pourtant interdit de jouer au foot en club quand j’avais  ans. Mais comme j’étais créatif et malin, j’ai créé un faux site

Grégoire, chez lui à Mougins, dans la superbe villa où il nous a reçus.

Internet pour me mettre en valeur, je suis allé au Parc des Princes où j’ai fait une photo avec le maillot du PSG, et j’ai réussi à convaincre des agents et quelques bons clubs de me donner ma chance.

Pourquoi ce livre ?

Il y a tellement de monde qui m’a dit que mon histoire pourrait plaire.

Je voulais donc me raconter et aussi transmettr­e toute mon expérience aux jeunes qui ont envie de percer dans le foot. Pour qu’ils ne fassent pas les erreurs que j’ai commises.

Est-ce une autobiogra­phie ou un roman ?

Une autobiogra­phie,  % vraie et vérifiable.

Certains vous appellent le « Rocancourt du foot », c’est exagéré ?

C’est plutôt amusant. Mais lui était un escroc qui a fait de la prison. Moi, je n’ai volé personne, ni fait de mal à quiconque. La seule chose que je voulais c’est qu’on m’offre un essai dans un club pro.

Pourquoi tant d’obstinatio­n à devenir pro malgré des qualités sans doute insuffisan­tes ?

Premièreme­nt, ma grand-mère a joué un grand rôle dans ma vie, et était aussi l’ancienne fiancée de Maurice Chevalier. Elle m’a raconté la vie de Maurice, ce qui m’a influencé. Une part de moi voulait exister comme lui, car je lui portais beaucoup de respect et d’admiration. J’avais envie de lui ressembler même si je ne sais pas chanter (sourire). Deuxièmeme­nt, la seule fois où mon père est venu me voir jouer en club quand j’avais  ans, il m’a dit qu’il ne voulait plus jamais que je joue au foot, que j’étais nul et fainéant. Je voulais lui prouver qu’il avait tort, alors je continuais à m’entraîner en secret.

Votre envie de réussir est donc aussi due au manque de reconnaiss­ance du père ?

Mon père voulait que je reprenne l’entreprise familiale, mais je ne voulais pas la même vie que lui, il parlait trop d’argent. Je voulais une vie passionnan­te. Il m’enfonçait, mais ça m’a permis d’acquérir une force supplément­aire.

Vous êtes toujours en froid avec lui ?

Oui, j’ai essayé de lui parler plusieurs fois mais ça fait  ans que je n’ai plus aucune nouvelle, et je ne comprends pas comment des parents peuvent faire ça à leurs enfants. Il ne m’a pas prévenu du décès de ma grandmère que j’adorais et ne m’a pas convié aux obsèques. Je trouve ça assez petit.

Quel adjectif vous caractéris­e le mieux : mythomane ou doux rêveur ?

Doux rêveur, bien sûr. Il y a des gens qui sont mythomanes par méchanceté ou pour profiter des gens. Pour ma part, si j’ai pu travestir un peu la réalité à un moment donné, c’était vraiment pour avoir un essai dans un club.

Avez-vous menti dans ce livre ?

Non. Pour être honnête, l’éditeur m’a demandé énormément de documents, pour vérifier mon authentici­té, et je voulais tout publier car cette histoire est vraie.

Que répondez-vous aux gens qui disent que vous avez inventé certains passages ?

Je connais très bien ma vie et j’ai des proches qui la connaissen­t très bien aussi. J’ai tous les documents et je suis disponible pour les envoyer. Ceux qui parlent sans savoir ne m’intéressen­t pas.

Vous évoquez le projet d’un film sur votre histoire à la fin du livre...

Il y a deux ans, un producteur français m’avait déjà proposé d’écrire un scénario sur mon histoire. Mais j’ai préféré d’abord la raconter dans un livre. Avant la sortie de celui-ci, une quinzaine de producteur­s ont contacté mon éditeur pour avoir accès au manuscrit. Beaucoup sont intéressés. Le film se fera un jour.

Vous jouez toujours au foot ?

Oui, même si maintenant c’est plus compliqué avec les restrictio­ns. Mais quand c’était possible, je jouais deux fois par semaine le mardi et le jeudi midi avec les notaires et les avocats au Stadium, le terrain des Moulins, à Nice.

Honnêtemen­t, quel niveau pensiez-vous avoir ?

Je pense que vers  ans, j’étais un bon joueur de niveau Ligue . Le CSKA Sofia a quand même voulu me signer à l’époque, cela voulait dire quelque chose.

Cette réputation de « filou » ne vous dessert pas dans votre rôle d’agent ?

Pas du tout. Car pour la nouvelle génération, si tu es connu, c’est que tu es un mec bien (rires). Beaucoup de gens m’avaient déconseill­é de devenir agent à cause de ma réputation, mais quand j’explique ce qu’il s’est vraiment passé, il n’y a aucun problème et les jeunes joueurs sont ravis que je leur partage mon expérience. Je ne suis pas un agent véreux comme il en existe beaucoup. Je suis juste une bonne personne qui avait un rêve et qui a fait des petits stratagème­s pour le réaliser.

Des regrets ?

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Avec le foot, je n’ai pas gagné d’argent mais j’ai appris la vie et découvert le monde”

J’aurais dû signer en D chinoise quand j’en ai eu l’occasion en . C’était un bon championna­t qui payait bien. C’est un petit regret. Mais pour le reste, toute cette aventure m’a appris la vie. Avec le foot, je n’ai pas gagné d’argent mais j’ai bougé, rencontré des gens, pu découvrir le monde. Et tout ça n’a pas de prix pour moi.

1. Il travaille notamment avec l’ex-Niçois Eric Bauthéac et a collaboré avec le Monégasque Aurélien Tchouaméni.

Propos recueillis par : Antoine Delgoulet, Margaux Delgoulet et Camille Dubruel

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(Photos Lijian Zhang)
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