Querelle d’experts autour du meurtre conjugal de Toulon
Devant la cour d’assises hier, les psychiatres ont longuement disserté pour tenter d’établir si le discernement de l’accusée était altéré ou aboli au moment des faits
Entre Chantal Petitdemenge et Michel Delanoy, il y a sans doute eu de l’amour. De la haine aussi. « Un couple pathologique », décrit un témoin, qui a connu une fin tragique avec la mort de M. Delanoy le 1er juillet 2017 à Toulon, et pour lequel Chantal Petitdemenge comparaît depuis lundi devant la cour d’assises du Var à Draguignan (lire nos éditions précédentes). Hier, tuteurs et experts psychiatres se sont succédé à la barre pour dresser le portrait médico-social de l’accusée et celui de la victime. Elle sous tutelle, lui sous curatelle. Elle psychotique, lui bipolaire. Un cocktail explosif...
Irresponsable en
D’autant plus que, si Michel Delanoy semblait avoir trouvé un certain équilibre mental, Chantal Petitdemenge ne parvenait pas, elle, à contenir ses pulsions, « submergée, selon l’experte psychologue Sophie Demade, par son imaginaire, l’angoisse et des certitudes persécutrices ».
Tout cela l’a amenée à écumer l’ensemble des centres hospitaliers de l’aire toulonnaise entre 2005 et 2017. Parfois avec violence, comme en février 2013 où elle giflait une infirmière de l’hôpital Sainte-Musse après un refus d’hospitalisation. Un délit pour lequel elle était d’abord condamnée à six mois de prison avant, en appel à Aix-en-Provence début 2020, de bénéficier d’un non-lieu suite à la reconnaissance de l’abolition de son discernement le jour des faits, après une expertise psychiatrique du Dr Thierry Bottai. Une abolition qui, évidemment, est soulevée par ses conseils, Mes Badea et Dinparast, en ce qui concerne le meurtre de Michel Delanoy. Mais pour Sophie Demade, sa« place de victime »de violences conjugales – réelles ou non – est si largement utilisée qu’il « ne s’agissait pas d’un moment de démence .»« Elle peut justifier son acte, le regrette. Donc elle en a conscience. »
Une lettre qui en dit long
Chantal Petitdemenge explique d’ailleurs clairement les raisons qui l’ont poussé au crime dans une lettre rédigée trois jours après les faits à son tuteur. Dans un style froid mais clair et « sans faute de syntaxe », note l’avocat général Jean-Jacques Gauthier, elle mentionne les coups, les insultes, les viols qu’elle aurait subis. « Elle évoque sa colère envers Michel Delanoy plus que des voix ou une désorganisation de sa vie pour expliquer son passage à l’acte, confirme l’experte psychiatre Anne Nouallet. Son discernement, à l’instant T, était altéré, pas aboli. » Son confrère Thierry Bottai n’approuve pas totalement. « Chantal Petitdemenge présentait une altération de la réalité depuis le début de l’âge adulte. Elle souffre d’une maladie psychologique évolutive au long cours. Quand elle sort de l’hôpital, elle ne prend pas son traitement. Son état ne s’améliore jamais, il s’aggrave même. La matérialité des faits n’explique pas le vécu. Il faut en tenir compte. » Y avait-il une raison dans la déraison de Chantal Petitdemenge cette nuit du 30 juin au 1er juillet 2017 ? Ce sera l’une des questions à laquelle les jurés auront à répondre aujourd’hui, à l’issue des réquisitions de l’avocat général, puis des plaidoiries de Me Catherine Missuc pour la partie civile et de Mes Alexandra Badea et Romain Dinparast en défense.