Nous sommes face à un changement sociétal »
Le gobelet : un « produit d’orfèvrerie »
Ne pas s’y méprendre. Son coeur de métier, la recharge des distributeurs automatiques de boissons, est bien moins basique que ne le laisse penser ces petits conteneurs en plastique de quelques grammes à porter aux lèvres. Vous avez dit hi-tech le gobelet ? « Ils sont le fruit d’une technicité très pointue. Si tout tombe correctement, c’est grâce à la précision de la fabrication. Quasiment de l’orfèvrerie. Au moindre défaut, tout va coincer dans le processus. D’où jusqu’à présent une relative protection du marché chinois... », observe ce chef d’entreprise qui sous-traite la fabrication dans des usines, françaises, italiennes, allemandes ou britanniques.
Changement sociétal
La distribution automatique n’est pour l’heure pas concernée par l’interdiction, le gobelet considéré comme « l’emballage » du café au contraire du pur « gobelet piquenique ». Mais il faudra bien tout stopper au 3 juillet 2021 car la messe sera alors dite. « Nous sommes confrontés à un changement sociétal. Le consommateur n’en veut plus », s’incline Antoine Dupuy. Selon lui, tout est parti de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques. « Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie a voulu s’attaquer au plastique pour faire bonne impression », ironise-t-il. étant
L’ombre de la Chine...
Oui mais voilà, avec la nouvelle réglementation, les petites mains de l’Empire du Milieu pourraient promptement en profiter.
Le remplacement par le tout carton, a priori évident, est ainsi loin de constituer la panacée. « Ces gobelets sont plus chers et longs à fabriquer, créent plus de pannes en distribution, demande plus de rotations car une machine en accueille moins. Par ailleurs, en Europe nous n’avons pas la matière, les ressources, les machines ni la compétitivité dans ce domaine. Prenez l’exemple de la paille. Son interdiction a créé un trou d’air. Il a fallu se tourner vers celles en carton venues de Chine, dont on ne sait rien de l’effet des colles utilisées sur la santé... Ce sera la même chose en 2021 avec les gobelets en carton ! », alerte Antoine Dupuy tout en spécifiant qu’il en existe, là aussi, plusieurs sortes.
Les déconvenues du compost industriel
Quant aux ersatz « biosourcés » (matériau entièrement ou partiellement fabriqué à partir de matières d’origine biologique), entre autres inconvénients techniques, ils ne résistent pas à la chaleur et sont loin de se dégrader dans le compost domestique. « Le PLA (matière plastique d’origine végétale, Ndlr) que l’on dit biodégradable n’a rien du Saint Graal pour la France qui est une terre de recyclage. Mettez-le dans votre jardin et vous verrez... Il ne peut être composté qu’en milieu industriel ».
Touillettes : hêtre ou (ne) pas hêtre...
Autre exemple, autre matériau pour résister à la Chine avec les touillettes. « En 2017, j’ai pris la décision de faire fabriquer des spatules en bois de hêtre - contrairement au bouleau qui laisse un mauvais goût - issu de forêts gérées en Europe. J’ai reçu les premières en 2019 et la production à pleine vitesse interviendra en juin 2020 ! », se réjouit M. Dupuy. Un choix qui cependant ne fait pas l’unanimité dans le milieu... «Abattre des arbres centenaires pour faire des charpentes ou des meubles, passe encore mais pour faire des touillettes, je trouve cela dommage... Et de toute façon que ce soit du hêtre ou du bouleau, le bois laisse un goût... », corrige un autre professionnel.
Le couvercle qui fait douter
Quant aux couvercles, dont la restauration rapide recouvre par exemple ses sodas, aucun doute pour M. Dupuy, s’ils subsistent, ils viendront de Chine. SEGI, de son côté, a jusqu’au 30 juin 2020 pour écouler ses stocks plastique. Mais pour l’avenir, la « doublure » à base de pulpe de cellulose, ne convainc pas. « Pour moi, vu comme il se rétracte, il y a des mélanges et je ne le crois pas certifié alimentaire à 100 %...», se chiffonne-t-il en malaxant un exemplaire posé sur son bureau. En attendant la prochaine étincelle pour trouver la parade.