Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les deux faces du douanier toulonnais

La cour d’assises a entendu plusieurs douaniers en poste à Toulon et La Seyne au début des années 2010. De quoi mieux cerner le profil de leur collègue accusé, François-Xavier Manchet

- ERIC MARMOTTANS

Le douanier François-Xavier Manchet, soupçonné à son corps défendant d’être impliqué dans l’affaire Air Cocaïne (lire nos précédente­s éditions), était, sur les bords de la rade de Toulon, comme un poisson dans l’eau. « Je connais toutes les personnes “qui comptent” », explique-t-il à la barre de la cour d’assises spéciale à Aix-en-Provence. Ainsi, poursuit-il, les chefs qui se sont succédé à la tête du bureau des douanes du port de Brégaillon « étaient très contents que je leur ouvre des facilités pour rencontrer les acteurs économique­s ».

Un climat « méditerran­éen »

Mais pas cet ancien supérieur venu témoigner hier : « Cette proximité entre contrôleur­s et personnes susceptibl­es d’être contrôlées »est apparue à ses yeux comme un déséquilib­re. Ce fonctionna­ire, issu de la cellule antiblanch­iment de Bercy (Tracfin) et même ancien directeur adjoint d’une prison, a été surpris par le climat « méditerran­éen » qui régnait à sa prise de fonction, en 2011. Claquement­s de bises et mondanités. « Quinze jours après mon arrivée, j’ai été invité [par un entreprene­ur de la rade] sur un voilier… Je n’ai pas pu faire autrement que de refuser », précise le témoin. Le même dirigeant lui confiera plus tard, en tête-à-tête et un peu gêné, avoir proposé un emploi à Pascal Perletto (assassiné en juin 2011 à Toulon peu de temps après sa libération conditionn­elle). « Ce qui m’a interpellé, c’est qu’un trafiquant de stupéfiant­s avait été embauché par le patron d’une ligne maritime internatio­nale », confie l’inspecteur des douanes. François-Xavier Manchet n’a quant à lui pas hésité à participer aux agapes sur le fameux voilier. « Je n’y étais pas en tant que douanier… ». Mais bien en tant qu’ami. « Cet environnem­ent-là me paraissait compliqué, juge l’ancien chef du bureau de Brégaillon, mais à aucun moment je n’ai pris la main de François-Xavier Manchet dans le pot de confiture. Comme j’ai l’habitude de le faire avec mes adjoints, je l’ai invité à dîner chez moi, en présence de ma femme et de mes enfants. Je ne l’aurais pas fait si j’avais eu des doutes. » L’écueil, selon des cadres entendus ces deux derniers jours à Aix, tient au fait que la douane est à la fois « chargée de l’aide au développem­ent économique et de la lutte contre la fraude ».

Pas de culture du contrôle

Et, selon le témoin qui a trouvé un bureau de Brégaillon « sans matériel »– pas de scotch estampillé « douane » pour marquer les contenants déjà contrôlés, pas de chaussures de sécurité… : en rade de Toulon, une destinatio­n prisée des fonctionna­ires en fin de carrière, on se donnait « un sentiment du travail bien fait » avec des coups de tampons sur des bordereaux, caricature-t-il. « À l’époque, on avait quand même 400 camions par semaine qui arrivaient notamment d’Iran, d’Irak ou de Syrie… » Et, de l’aveu même d’un autre ancien chef de service, « Toulon, en termes de quantité et de qualité des effectifs, n’était pas en mesure de prendre en charge ce trafic. » Tout le monde n’avait pas « la puissance de travail et les compétence­s de François-Xavier Manchet » (lire ci-dessous).

 ?? (Photo Dominique Leriche) ?? Me Thierry Fradet et son client, le douanier François-Xavier Manchet, à Aix, où siège la cour d’assises des Bouches-du-Rhône.
(Photo Dominique Leriche) Me Thierry Fradet et son client, le douanier François-Xavier Manchet, à Aix, où siège la cour d’assises des Bouches-du-Rhône.

Newspapers in French

Newspapers from France