A quoi joue la taupe ? Cherche-t-elle à faire craquer Trump, qui a tendance à voir des traîtres partout ?
et Bref, inapte au job. Ce qui sidère, là, ce n’est pas tant le portrait du président des États-Unis – il y a longtemps que les anti-Trump savent à quoi s’en tenir à son sujet – que l’audace, la naïveté, ou la duplicité (peut-être même la franchise, allez savoir) avec lesquelles l’auteur anonyme pose la question cruciale : peuton mettre un chef d’Etat hors d’état de nuire, lorsqu’on considère qu’il porte atteinte aux intérêts de son pays ? Débat vertigineux. Du temps des Rois maudits ou dans le théâtre de Shakespeare, l’affaire se réglait à coups de dague derrière les lourdes tentures du palais. Dans les démocraties, il existe des procédures permettant d’écarter un chef d’Etat qui serait dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. Aux ÉtatsUnis, c’est le e amendement. L’hypothèse a été envisagée et écartée. Cela ouvrirait une grave crise institutionnelle, avec peu de chances de succès. Reste l’action clandestine, la « résistance » de « discrets héros » - au nombre desquels se compte, en toute modestie, l’auteur de la lettre au NYT-qui « se démènent pour que les mauvaises décisions restent confinées dans l’aile ouest ». De tels actes, en effet, existent. Dans son essai au vitriol sur la présidence Trump, le journaliste Bob Woodward en cite de probants exemples. Mais si l’on peut comprendre et approuver cette volonté de neutraliser les errements d’un président irréfléchi et versatile (notamment en politique étrangère), la lecture de cette lettre suscite pourtant un certain trouble et appelle au moins trois interrogations. La première est éthique : si l’auteur est à ce point révulsé par les pratiques de son employeur, que ne démissionne-t-il pas, pour s’en expliquer à visage découvert ? La seconde est politique : peuton, en démocratie, s’opposer au choix du peuple souverain ? Que cela plaise ou non, Trump a été élu. Mal élu (, millions de voix de moins que Clinton) mais légitimement élu. La troisième est romanesque : la résistance exige la discrétion. C’est la condition de l’efficacité. Quel intérêt y a-t-il à révéler son existence ? A quoi joue la taupe ? Cherche-t-elle à faire craquer Trump, qui a tendance à voir des traîtres partout ? A déclencher une épidémie de paranoïa au sein de la Maison-Blanche ? Et s’il s’agissait, au contraire, d’un coup tordu : inventer un complot imaginaire pour se débarrasser d’éléments jugés peu sûrs ? Washington est en ébullition et bruisse de cent rumeurs. Quelque chose nous dit qu’il ne faudra pas manquer les prochains épisodes de la série Donald à la Maison-Blanche. Ça risque d’être croustillant.