Les consommateurs veulent user de leur pouvoir
Après l’affaire Lactalis, les Consom’acteurs varois appellent à remettre le consommateur au centre du système agroalimentaire avec une agriculture et une alimentation durables
Seul Varois présent aux États Généraux de l’Alimentation (EGA) qui se sont déroulés de juillet à décembre 2017, le Lorguais Bernard Astruc, président de Bio Consom’Acteurs Paca France et coordinateur national de Consommateurs pas cobayes, ne pouvait manquer de réagir après le dernier scandale de l’industrie agroalimentaire que constitue la contamination de laits infantiles dans l’usine Lactalis de Craon (Mayenne). Il est également déçu par les annonces du président de la République « qui veut engager l’agriculture française vers le changement... dans la continuité hélas », commente-t-il.
Que vous inspire l’affaire Lactalis ?
Cette contamination aux salmonelles touche les consommateurs les plus vulnérables que sont les nourrissons. Cela démontre à nouveau que le système de production agroalimentaire industriel n’est pas sûr. Il y a une défaillance de Lactalis et par conséquent une perte de confiance. L’État n’a pas de rôle préventif, il intervient a posteriori. Nous avons besoin de contrôles en permanence de la part de l’État. Et ce n’est qu’une partie du problème, puisqu’une fois la contamination avérée, au lieu de réagir tout de suite et de retirer tous les produits, le groupe Lactalis a pris des décisions par lots, au coup par coup. La grande distribution est coresponsable, qui n’a pas répercuté les retraits immédiatement.
Que demandez-vous ?
D’abord, il faut rappeler que ce sont les consommateurs qui ont dénoncé le problème et déclenché le processus derrière. On ne peut plus continuer ainsi. Les aliments ne sont pas des produits comme les autres. On doit être dans la transparence et la traçabilité. L’association Consommateurs pas cobayes a, par exemple, saisi la commission des pétitions de l’Europe pour obtenir la transparence des étiquetages. Le consommateur, lorsqu’il achète un produit carné, quel qu’il soit, doit être informé de comment l’animal a été nourri, notamment s’il a été nourri avec des aliments OGM. D’une manière générale, nous demandons, tout comme la Confédération paysanne, que la loi issue des EGA soit ambitieuse en matière de traçabilité et de contrôles.
Quel bilan tirez-vous de ces EGA ?
Pour l’instant, quasiment rien de satisfaisant. Le seul aspect positif est que ça a rapproché les acteurs – producteurs, transformateurs, distributeurs – en espérant qu’ils se parlent davantage. Nous avions des attentes énormes, mais les consommateurs étaient sous-représentés. L’organisation des ateliers des EGA a occulté cette composante majeure des enjeux de société liés à l’alimentation et l’agriculture de demain, jusqu’à réduire scandaleusement la représentation des consommateurs par rapport à celle de l’agroindustrie qui a pesé de tout son poids pour limiter l’ampleur du changement et maintenir ses prérogatives. Il faut remettre le consommateur au centre. Qui peut, mieux que lui, faire prévaloir ses intérêts ? Les autres ont un autre intérêt, l’argent. Les gouvernants devraient faciliter l’organisation des citoyens.
Que peuvent faire les consommateurs ?
Être consom’acteurs, c’està-dire agir à bon escient en consommant. La consom’action vient du milieu du bio qui considère que se nourrir a des implications au-delà des considérations personnelles dominées par la santé. Acheter bio contribue à promouvoir une filière qui préserve la vitalité de sols, les ressources naturelles, l’environnement, les équilibres sociaux par un développement plus économe et autonome. Les consom’acteurs ont proposé aux EGA un manifeste de la consom’action et développé un plan stratégique global pour une alimentation et une agriculture durables.
Partagez-vous le constat de Nicolas Hulot qui a dit après les EGA que « le compte n’y est pas » ?
Il a ajouté ensuite « le compte n’y est pas encore »... Après les EGA, le catalogue de mesures qui a été annoncé n’est en rien nouveau. Il n’y a rien de décidé, ni de budgétisé, il n’a pas été question de l’affectation des milliards d’euros que le candidat Macron avait annoncée au profit de l’amélioration qualitative de l’agriculture. Or, l’alimentation détermine la santé. On attend des décisions politiques et des moyens. C’est pour cela que nous avons demandé avec Michèle Rivasi, députée européenne (Europe Écologie-Les Verts), un rendez-vous à Nicolas Hulot.
Qu’espérez-vous de lui ?
Qu’il demande au président de la République, qui a un projet de révision de la Constitution, de modifier les conditions d’accès au référendum d’initiative partagée. Il faut actuellement au minimum un cinquième des parlementaires et un dixième du corps électoral, soit , millions de Français. Nous proposons un alignement sur l’Italie qui a fixé la barre à citoyens.
Pourquoi ?
Nous projetons de lancer une pétition nationale pour obtenir un référendum d’initiative partagée portant sur le choix du passage de l’agrochimie à l’agrobiologie, avec l’affectation à l’agriculture biologique d’une part importante des cinq milliards d’euros promis par Emmanuel Macron. Nous demandons aussi la création d’un poste de vice-Premier ministre dédié à l’environnement, et enfin la prise en compte du vote blanc dans les résultats des élections.
Avez-vous une réponse de Nicolas Hulot ?
Il nous propose de prendre contact avec son conseiller pour fixer un rendez-vous.
Vous réjouissez-vous de l’abandon du projet de l’aéroport Notre-Damedes-Landes ?
Cette décision, c’est ce qui pouvait arriver de mieux. Merci à Nicolas Hulot, dont nous savons qu’il a pesé de tout son poids, et merci aussi à tous les ZADistes pour leur détermination et leur présence, qui ont permis de préserver les hectares de terres agricoles. Le Premier ministre a bien dit qu’elles conserveront leur vocation agricole. C’est la volonté de sauvegarder l’outil numéro un pour les agriculteurs et les consommateurs. Cette question devrait favoriser le vote d’une loi de protection des terres agricoles que nous appelons de nos voeux. En France, on perd l’équivalent d’un stade toutes les cinq minutes. Dans le Var aussi, la pression foncière est forte et les terres agricoles très convoitées. Depuis , le collectif de défense des terres fertiles oeuvre à la préservation de ces surfaces pour empêcher la disparition, demain, de l’agriculture paysanne et locale dans le département et sur le littoral méditerranéen.
Qui peut, mieux que le consommateur, faire prévaloir ses intérêts ? ” Nous appelons de nos voeux une loi de protection des terres agricoles ”