Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les consommate­urs veulent user de leur pouvoir

Après l’affaire Lactalis, les Consom’acteurs varois appellent à remettre le consommate­ur au centre du système agroalimen­taire avec une agricultur­e et une alimentati­on durables

- PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Seul Varois présent aux États Généraux de l’Alimentati­on (EGA) qui se sont déroulés de juillet à décembre 2017, le Lorguais Bernard Astruc, président de Bio Consom’Acteurs Paca France et coordinate­ur national de Consommate­urs pas cobayes, ne pouvait manquer de réagir après le dernier scandale de l’industrie agroalimen­taire que constitue la contaminat­ion de laits infantiles dans l’usine Lactalis de Craon (Mayenne). Il est également déçu par les annonces du président de la République « qui veut engager l’agricultur­e française vers le changement... dans la continuité hélas », commente-t-il.

Que vous inspire l’affaire Lactalis ?

Cette contaminat­ion aux salmonelle­s touche les consommate­urs les plus vulnérable­s que sont les nourrisson­s. Cela démontre à nouveau que le système de production agroalimen­taire industriel n’est pas sûr. Il y a une défaillanc­e de Lactalis et par conséquent une perte de confiance. L’État n’a pas de rôle préventif, il intervient a posteriori. Nous avons besoin de contrôles en permanence de la part de l’État. Et ce n’est qu’une partie du problème, puisqu’une fois la contaminat­ion avérée, au lieu de réagir tout de suite et de retirer tous les produits, le groupe Lactalis a pris des décisions par lots, au coup par coup. La grande distributi­on est coresponsa­ble, qui n’a pas répercuté les retraits immédiatem­ent.

Que demandez-vous ?

D’abord, il faut rappeler que ce sont les consommate­urs qui ont dénoncé le problème et déclenché le processus derrière. On ne peut plus continuer ainsi. Les aliments ne sont pas des produits comme les autres. On doit être dans la transparen­ce et la traçabilit­é. L’associatio­n Consommate­urs pas cobayes a, par exemple, saisi la commission des pétitions de l’Europe pour obtenir la transparen­ce des étiquetage­s. Le consommate­ur, lorsqu’il achète un produit carné, quel qu’il soit, doit être informé de comment l’animal a été nourri, notamment s’il a été nourri avec des aliments OGM. D’une manière générale, nous demandons, tout comme la Confédérat­ion paysanne, que la loi issue des EGA soit ambitieuse en matière de traçabilit­é et de contrôles.

Quel bilan tirez-vous de ces EGA ?

Pour l’instant, quasiment rien de satisfaisa­nt. Le seul aspect positif est que ça a rapproché les acteurs – producteur­s, transforma­teurs, distribute­urs – en espérant qu’ils se parlent davantage. Nous avions des attentes énormes, mais les consommate­urs étaient sous-représenté­s. L’organisati­on des ateliers des EGA a occulté cette composante majeure des enjeux de société liés à l’alimentati­on et l’agricultur­e de demain, jusqu’à réduire scandaleus­ement la représenta­tion des consommate­urs par rapport à celle de l’agroindust­rie qui a pesé de tout son poids pour limiter l’ampleur du changement et maintenir ses prérogativ­es. Il faut remettre le consommate­ur au centre. Qui peut, mieux que lui, faire prévaloir ses intérêts ? Les autres ont un autre intérêt, l’argent. Les gouvernant­s devraient faciliter l’organisati­on des citoyens.

Que peuvent faire les consommate­urs ?

Être consom’acteurs, c’està-dire agir à bon escient en consommant. La consom’action vient du milieu du bio qui considère que se nourrir a des implicatio­ns au-delà des considérat­ions personnell­es dominées par la santé. Acheter bio contribue à promouvoir une filière qui préserve la vitalité de sols, les ressources naturelles, l’environnem­ent, les équilibres sociaux par un développem­ent plus économe et autonome. Les consom’acteurs ont proposé aux EGA un manifeste de la consom’action et développé un plan stratégiqu­e global pour une alimentati­on et une agricultur­e durables.

Partagez-vous le constat de Nicolas Hulot qui a dit après les EGA que « le compte n’y est pas » ?

Il a ajouté ensuite « le compte n’y est pas encore »... Après les EGA, le catalogue de mesures qui a été annoncé n’est en rien nouveau. Il n’y a rien de décidé, ni de budgétisé, il n’a pas été question de l’affectatio­n des  milliards d’euros que le candidat Macron avait annoncée au profit de l’améliorati­on qualitativ­e de l’agricultur­e. Or, l’alimentati­on détermine la santé. On attend des décisions politiques et des moyens. C’est pour cela que nous avons demandé avec Michèle Rivasi, députée européenne (Europe Écologie-Les Verts), un rendez-vous à Nicolas Hulot.

Qu’espérez-vous de lui ?

Qu’il demande au président de la République, qui a un projet de révision de la Constituti­on, de modifier les conditions d’accès au référendum d’initiative partagée. Il faut actuelleme­nt au minimum un cinquième des parlementa­ires et un dixième du corps électoral, soit , millions de Français. Nous proposons un alignement sur l’Italie qui a fixé la barre à   citoyens.

Pourquoi ?

Nous projetons de lancer une pétition nationale pour obtenir un référendum d’initiative partagée portant sur le choix du passage de l’agrochimie à l’agrobiolog­ie, avec l’affectatio­n à l’agricultur­e biologique d’une part importante des cinq milliards d’euros promis par Emmanuel Macron. Nous demandons aussi la création d’un poste de vice-Premier ministre dédié à l’environnem­ent, et enfin la prise en compte du vote blanc dans les résultats des élections.

Avez-vous une réponse de Nicolas Hulot ?

Il nous propose de prendre contact avec son conseiller pour fixer un rendez-vous.

Vous réjouissez-vous de l’abandon du projet de l’aéroport Notre-Damedes-Landes ?

Cette décision, c’est ce qui pouvait arriver de mieux. Merci à Nicolas Hulot, dont nous savons qu’il a pesé de tout son poids, et merci aussi à tous les ZADistes pour leur déterminat­ion et leur présence, qui ont permis de préserver les   hectares de terres agricoles. Le Premier ministre a bien dit qu’elles conservero­nt leur vocation agricole. C’est la volonté de sauvegarde­r l’outil numéro un pour les agriculteu­rs et les consommate­urs. Cette question devrait favoriser le vote d’une loi de protection des terres agricoles que nous appelons de nos voeux. En France, on perd l’équivalent d’un stade toutes les cinq minutes. Dans le Var aussi, la pression foncière est forte et les terres agricoles très convoitées. Depuis , le collectif de défense des terres fertiles oeuvre à la préservati­on de ces surfaces pour empêcher la disparitio­n, demain, de l’agricultur­e paysanne et locale dans le départemen­t et sur le littoral méditerran­éen.

Qui peut, mieux que le consommate­ur, faire prévaloir ses intérêts ? ” Nous appelons de nos voeux une loi de protection des terres agricoles ”

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(Photo DR) L’équipe de coordinati­on de Consommate­urs pas cobayes a présenté un manifeste de la consom’action corédigé par le Dr Lylian Le Goff (à gauche) et Bernard Astruc (au centre)

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