Le travail « au noir » traqué sur smartphone
Sur les chantiers de BTP, apparaît un nouveau système de contrôle, qui permet de vérifier que tout salarié est déclaré. Marqué par des distorsions de concurrence, le secteur s’y intéresse
Dans le métier, on raconte l’anecdote sur le ton de la blague : voir les ouvriers d’un chantier de construction déguerpir en courant à l’arrivée d’inspecteurs du travail. Une bonne blague… que chacun sait ne pas être une légende. Cela fait des années que les professionnels du bâtiment – une partie d’entre eux en tout cas – s’efforcent de dénoncer les abus. Les entreprises qui trichent représentent une concurrence déloyale, en cassant des prix déjà tirés vers le bas par le recours au travail détaché.
« Savoir qui travaille »
Fin 2013, est né l’idée de départ de Bâti Vigie: « Qu’un promoteur puisse savoir avec précision qui travaille sur son chantier. » Développée par Frédéric Pradal, la plateforme numérique Bâti Vigie permet de réaliser des inspections sur le terrain, auprès des salariés. Pour aller vérifier de facto s’ils ont bien été déclarés par leur employeur. Démonstration il y a quelques jours, sur le chantier de construction O’thelo – 48 logements à Toulon.
Comment ça marche ?
Le contrôleur arrive sur
(1) un chantier et « télécharge les documents mis à jour qui concernent les entreprises qui y travaillent », expose Frédéric Pradal, en sortant son smartphone. Le téléphone permet d’accéder à l’application Bâti Vigie qui centralise les données du chantier. À chaque ouvrier croisé, le contrôleur lui demande son nom et pour quelle entreprise il travaille. Si tout a bien été déclaré à l’avance, « la photo du salarié apparaît, avec les informations principales qui le concernent. Nature du contrat de travail, date d’embauche, date de naissance… ». Si le salarié est inconnu de la base de données, son nom est noté, pour être rattaché soit à une entreprise, soit à un corps de métier.
Et après le contrôle ?
Les anomalies, nommées « incidents », sont récapitulées et envoyées par e-mail au maître d’ouvrage. Le cas le plus courant est celui du salarié, ou de l’entreprise, qui n’a pas été déclaré à l’avance. « Chacun peut réagir et se mettre en conformité, le maître d’ouvrage est responsabilisé, détaille Frédéric Pradal. L’entreprise concernée a alors 48 heures pour se mettre en règle. » Parmi les promoteurs, certains sont sensibles au nouveau contexte législatif et choisissent de payer pour cette prestation. « Le donneur d’ordre est responsable de ce qu’il se passe sur son chantier. Et là, c’est du pénal », développe Frédéric Pradal, citant les textes de loi qui se sont durcis (lire ci-dessous). Il devient un peu plus difficile de fermer les yeux sur le travail au noir que des entreprises toléraient, comme un mal dont on s’accommode. 1. Bâti Vigie est partenaire de bureaux de contrôle, type Veritas ou Qualiconsult. Ce sont eux qui mettent en oeuvre le système.