Les Bouleversements du monde vus par François Hollande
Hier, au Festival du livre de Mouans-Sartoux, l’ancien président de la République a présenté son dernier ouvrage, décryptant les nouveaux équilibres internationaux et la guerre en Ukraine.
Beau bain de foule pour François Hollande, en terrain conquis à Mouans-Sartoux. Celui qui fut président de la République entre 2012 et 2017 a enchaîné les dédicaces de Bouleversements - Pour comprendre la nouvelle donne mondiale (Éditions Stock, 220 pages, 15,50 €). En voyant le ciel s’assombrir et des trombes d’eau s’abattre sur le village en fin de matinée, certains n’ont pu s’empêcher de sourire, en repensant à la propension du successeur de Nicolas Sarkozy à déclencher la pluie sur son passage.
La météo devenue plus clémente, François Hollande a passé quarante-cinq minutes dans le jardin du château de Mouans-Sartoux, où il a répondu aux questions de Denis Carreaux, directeur des rédactions du groupe Nice-Matin, ainsi que des spectateurs. Morceaux choisis.
■ « Poutine était dans un esprit de revanche »
Dans son livre, celui qui considère avoir « le devoir de transmettre (mon) expérience, (mon) témoignage, pour que les Français soient le mieux informés possible », consacre plusieurs pages à Vladimir Poutine.
« Quand je l’ai rencontré pour la première fois, en juin 2012, il revenait au Kremlin après quatre ans d’abstinence, en tant que premier ministre de Medvedev. J’ai tout de suite compris qu’il était dans un esprit de revanche. Il considérait que depuis la fin de la Guerre froide, les Occidentaux avaient infligé une humiliation à la Russie. Il voulait impressionner son interlocuteur. Il m’expliquait qu’il se sentait agressé par les États-Unis, qui mettaient des missiles autour de la Russie. Il voulait aussi tester la capacité de réaction des Occidentaux. »
■ Centrales nucléaires : « Un incident grave à craindre »
Interrogé à propos du risque de voir le président russe ordonner l’usage d’armes nucléaires, François Hollande a apporté une réponse mesurée. « Quand Poutine dit que ce n’est pas du bluff, on ne peut pas écarter la menace d’un revers de main. Mais il n’est pas fou, il veut s’accrocher au pouvoir le plus longtemps possible. S’il venait à utiliser une arme nucléaire tactique, il y aurait un effet lourd en retour pour son pays, et pour sa propre image. »
En revanche, l’ancien premier secrétaire du PS n’écarte pas d’autres formes de menaces. « La question de l’utilisation d’armes chimiques se pose. Si cela est arrivé en Syrie, cela peut encore arriver ailleurs. Et il faut aussi craindre un incident grave autour d’une centrale nucléaire, notamment au sud de l’Ukraine. »
■ « Le peuple ukrainien fait corps autour de son Président »
François Hollande s’est ensuite penché sur l’aura inattendue dont bénéficie aujourd’hui Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. Un symbole d’union, à ses yeux. « Pour Poutine, il n’y a pas d’Ukrainiens. Pour lui, ce sont des Russes qui ne le savent pas encore. Certes, dans le Donbass, il y a une population russophone. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle se sent Russe. [...] L’Ukraine n’a pas toujours été l’Ukraine dans l’histoire. Cette terre a parfois été pour partie russe, polonaise ou lituanienne. Des territoires ont été bousculés, mis sous un autre drapeau.
Sauf qu’à un moment, une nation prend conscience de son identité. C’est ce qui se passe maintenant. Le peuple ukrainien fait corps autour de son Président. »
■ Et lui, qu’aurait-il fait ?
La politique-fiction ? Très peu pour l’homme de 68 ans. « Je peux dire ce que j’ai fait. Avec Angela Merkel, j’avais permis de trouver un accord après la première guerre d’Ukraine. Le rapport de force le permettait, Poutine ne pouvait pas aller beaucoup plus loin. Macron, lui, a tenté de dialoguer jusqu’au dernier moment avec Poutine. Puis il a compris qu’il mentait effrontément. En ce moment, cela ne sert à rien de lui parler au sujet du conflit. Seul le rapport de force l’obligera à céder. »