Var-Matin (Grand Toulon)

« Toulon a une vie culturelle qui s’est retrouvée »

Réalisateu­r toulonnais, Philippe Faucon présente Les Harkis, son dernier film : sélectionn­é au Festival de Cannes, salué par la critique et visible par tous, ce mercredi.

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRED DUMAS

D’un naturel réservé, Philippe Faucon devient volubile lorsqu’il parle de son dernier film, Les Harkis, en salles cette semaine dans toute la France. Le réalisateu­r était au cinéma le Royal de Toulon pour l’avant-première : dans la ville qui l’a vu grandir. Et qui le consacre aujourd’hui.

Comment raconter Les Harkis en quelques mots pour qui ne connaît pas la guerre d’Algérie ?

C’est un film qui raconte le destin d’hommes sincères et engagés qui ont combattu aux côtés de l’armée française. Jamais personne n’avait mis en images leur histoire et la complexité de cette période. C’est une histoire occultée, une histoire longtemps refoulée, une histoire qui nous concerne tous. Une histoire qui fait partie de l’Histoire.

Le tournage a-t-il été difficile ?

Oui. Il s’est déroulé au Maroc en pleine période de Covid ! Il a nécessité deux mois de préparatio­n en amont et le tournage luimême a duré 35 jours. Problème : les régions où nous tournions fermaient en fonction de l’évolution de l’épidémie. Plusieurs comédiens algériens étaient retenus dans leur pays. On ne savait jamais quand ils allaient pouvoir nous rejoindre. De plus, le film a nécessité une énorme logistique : du matériel et une grosse équipe qui devaient aller dans des endroits très reculés pour donner au film toute son authentici­té au travers des paysages. Je voulais vraiment que le spectateur se replonge dans l’histoire de ces Harkis.

Vous avez été césarisé deux fois pour Fatima . En mai dernier, Les Harkis a été salué à la Quinzaine des réalisateu­rs à Cannes. Vous avez la baraka ou quoi ?

Je ne sais pas (rires). Je vous avoue que je ne fais rien pour « capter » les honneurs. Je suis simplement ma passion et les sujets qui m’inspirent. Il se trouve que, parfois, ces derniers tombent dans l’air du temps, dans l’actualité. Il arrive même qu’ils la devancent. Ce fut le cas pour La Désintégra­tion , un film qui racontait l’histoire de deux frères : l’un parfaiteme­nt intégré dans la société française ; l’autre qui galère et se retrouve recruté dans une cellule salafiste. Le film est sorti quelques semaines avant que n’éclate l’affaire Merah. Pour autant, je ne cherche pas à « coller » à l’actualité à tout prix.

En tout cas, toutes vos idées émergent de Toulon visiblemen­t ?

Oui. C’est là que je travaille avec ma compagne Yasmina. Nous avons créé ensemble en 2005 une société de production qui s’appelle Istiqlal Films et qui est 100 % toulonnais­e : à Claret. Bien sûr, je vais souvent à Paris pour rencontrer les profession­nels... Mais avec le TGV, rien de plus simple pour rejoindre Toulon en quelques heures.

Comment trouvez-vous le Toulon de 2022 ?

Il a bien changé ! J’ai grandi ici, du côté du port, et je trouve que la ville s’est métamorpho­sée. En bien ! Depuis quelque temps, elle renaît. Toulon a une vie culturelle qui s’est retrouvée. Elle s’était perdue un moment, comme mise en sourdine, mais, depuis quelques années, la vie reprend. L’enthousias­me est là. Cela ne donne pas envie de quitter Toulon, je vous jure. Au contraire : y travailler encore et y vivre pleinement. On ne s’en rend pas toujours compte mais, ici, on bénéficie d’un cadre de vie très privilégié. Quand je reviens de Paris, ça me saute aux yeux.

Des projets pour 2023 qui approche ?

On ne sait pas de quoi demain sera fait mais j’ai envie d’un sujet plus léger pour mon prochain tournage. Pour la télévision ou pour le cinéma, je ne sais pas encore... Ce sera en tout cas une fiction.

D’où vous vient ce goût pour les histoires qui se passent loin d’ici ? Peut-être de mon enfance ? Mon père était militaire et toute la famille a donc suivi ses déplacemen­ts et ses différente­s affectatio­ns. J’ai ainsi grandi aux Antilles puis à la Réunion. Mais, entre chaque séjour au bout du monde, nous revenions à Toulon où vivaient mes grands-parents. J’ai donc toujours bougé. Et cela continue aujourd’hui au gré des tournages.

Lequel de ces tournages vous a le plus marqué ? Assurément le dernier : Les Harkis. Le projet s’est réalisé

dans des conditions de difficulté­s extrêmes, comme je vous le disais. Mais, malgré la situation sanitaire qui paralysait tout par moments, les comédiens et l’équipe du film étaient tellement motivés qu’ils ont donné le maximum. Cela a permis de mener à bien ce projet qui est bien accueilli dans les salles et par la presse. On s’en est rendu compte lors des premières projection­s à travers la France. Le public aime le film et c’est la plus belle des récompense­s.

‘‘ La ville s’est métamorpho­sée. En bien ! »

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Philippe Faucon

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