Var-Matin (Grand Toulon)

« Tout le monde me croyait mort »

Revenu au Sporting à l’intersaiso­n, Abdoulaye Diallo, victime d’une rupture des ligaments croisés il y a quatre ans, a bien rebondi dans la Loire, où il a fini meilleur buteur de N2 l’an passé.

- PIERRE-MICKAËL AYI

On se sent complexé à côté d’Abdoulaye Diallo. Déjà, il est grand (1,92 m), ce qui tranche avec sa discrète voix. Et puis, avec sa silhouette longiligne, le garçon est taillé comme une arbalète : même en tee-shirt, ses abdos saillants décollent de sa poitrine. Pour l’anecdote, certains de ses coéquipier­s du Sporting club de Toulon en sont même jaloux.

« Mon père me le dit toujours : il n’y a que le travail qui paie », sourit l’attaquant sénégalais âgé de 30 ans. En bord de rade, « Abdou » est une (petite) cathédrale, le « grantataka­n » tant attendu. Persuadé de tenir une pépite, le club Azur et Or l’avait déjà engagé à l’été 2017, avant qu’une rupture des ligaments croisés (genou), lors de l’année de la montée en National, puis l’arrêt prématuré des championna­ts, après l’éclat de la Covid, ne le laissent sur le flanc. Même son prêt à Sète, en N2, n’avait guère fonctionné (6 matchs, 1 but). Du coup, seules les pelouses amateurs ont vu bourlingue­r son imposante carrure.

«Pasà100%» à Canet

C’est au bord de la Loire que Diallo a finalement explosé, la saison passée, à Andrézieux-Bouthéon, dont le port fluvial a surtout été connu comme la destinatio­n privilégié­e du charbon de SaintÉtien­ne. Une commune qui abrite aussi un club amateur de qualité. « À Andrézieux, j’avais la confiance du coach, décrit-il. Je travaillai­s avec un préparateu­r physique tous les après-midi et je faisais énormément d’exercices devant les buts. Après ma blessure, tout le monde me croyait mort, mais j’ai bien bossé pour revenir à mon meilleur niveau, voire plus. Quand je rentre sur la pelouse, j’y repense et ça me motive. »

Il en a même fait un challenge personnel : réussir à Toulon. Pourtant, et pour la première fois, son portable n’a pas arrêté de sonner en juin, avant de se réengager au Sporting. « J’ai été contacté par des clubs de Ligue 2 et tout, glisse-t-il. Mais on a beaucoup regardé mon âge et ça ne s’est pas fait. En France, c’est comme ça que ça se passe. Moi, dans mon corps, j’ai 20 ans : je ne bois pas, je ne fume pas. À mon âge, avoir une bonne hygiène de vie est indispensa­ble. » Muet à Canet-en-Roussillon (0-1), la semaine dernière, il s’était fait un tantinet discret. « Mais je n’étais pas à 100 %, je ressentais toujours une gêne derrière le genou (il avait été laissé au repos dans les quinze derniers jours de préparatio­n, Ndlr). » Revenu dans le Var à l’intersaiso­n en sauveur, avec un « gros » contrat à la clé, l’attaquant puissant, à l’aise dans le jeu dos au but, goûte sa nouvelle mission avec un certain plaisir. « C’est ma maison, j’y ai vécu beaucoup de choses, des bons moments comme des mauvais, exposet-il. Mon petit (Babacar) est né ici, ça veut dire beaucoup. » Depuis la reprise, Eric Rech découvre, en plus d’un sacré footballeu­r, « un garçon charmant ».« On voit qu’il a envie de faire quelque chose, abonde l’entraîneur, et nous avons entièremen­t confiance en lui. Il est de cette catégorie des buteurs qui va nous permettre de rester en haut. » « Mon objectif, c’est de gagner tous les duels et dès que j’ai l’occasion, je dois marquer, glisse Diallo. C’est mon boulot, c’est pour ça qu’on m’a fait venir. »

Sa routine ? Les doubles séances, qu’il multiplie comme un art de vivre. « Si ça me fatigue ? Au contraire, quand je m’entraîne je me repose, sourit-il. Moi, je ne me pose jamais : même le dimanche, je fais de la muscu. Il faut bien bosser si je veux marquer ! (rires)»

Faire trembler les filets, la fixette qui rend « fou » les plus costauds des spécialist­es du poste. « Si je ne marque pas, je ne suis pas bien. Je ne dors pas, je ne mange pas… », confirme-t-il.

Cible privilégié­e

Désormais, l’étiquette de meilleur buteur de N2 (18 buts) lui colle à la peau et en fait « la » cible privilégié­e. « 19 buts, corrige-t-il avec malice. Et encore, si j’avais joué en coupe, j’en aurais mis plus… »

Cette déterminat­ion rappelle l’étendue du travail accompli. « Grand Diallo », comme on le surnomme (en opposition à son coéquipier Sadio Diallo, appelé « Petit Diallo »), le mesure en ville, où il profite d’une petite popularité. « Il y en a qui n’aiment pas trop la pression, moi ça m’aide. Ici les gens me connaissen­t, ils m’encouragen­t. Ils ont l’air contents de me voir, je dois leur rendre ce plaisir. »

 ?? (Photos Frank Muller) ?? « Grand Diallo », fort d’une saison pleine à Andrézieux, n’a pas tiré un trait sur le monde profession­nel. « Je regrette bien sûr de ne pas avoir eu la chance de jouer au haut niveau. Mais j’ai encore l’espoir », déclare-t-il.
(Photos Frank Muller) « Grand Diallo », fort d’une saison pleine à Andrézieux, n’a pas tiré un trait sur le monde profession­nel. « Je regrette bien sûr de ne pas avoir eu la chance de jouer au haut niveau. Mais j’ai encore l’espoir », déclare-t-il.

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