« Tout le monde me croyait mort »
Revenu au Sporting à l’intersaison, Abdoulaye Diallo, victime d’une rupture des ligaments croisés il y a quatre ans, a bien rebondi dans la Loire, où il a fini meilleur buteur de N2 l’an passé.
On se sent complexé à côté d’Abdoulaye Diallo. Déjà, il est grand (1,92 m), ce qui tranche avec sa discrète voix. Et puis, avec sa silhouette longiligne, le garçon est taillé comme une arbalète : même en tee-shirt, ses abdos saillants décollent de sa poitrine. Pour l’anecdote, certains de ses coéquipiers du Sporting club de Toulon en sont même jaloux.
« Mon père me le dit toujours : il n’y a que le travail qui paie », sourit l’attaquant sénégalais âgé de 30 ans. En bord de rade, « Abdou » est une (petite) cathédrale, le « grantatakan » tant attendu. Persuadé de tenir une pépite, le club Azur et Or l’avait déjà engagé à l’été 2017, avant qu’une rupture des ligaments croisés (genou), lors de l’année de la montée en National, puis l’arrêt prématuré des championnats, après l’éclat de la Covid, ne le laissent sur le flanc. Même son prêt à Sète, en N2, n’avait guère fonctionné (6 matchs, 1 but). Du coup, seules les pelouses amateurs ont vu bourlinguer son imposante carrure.
«Pasà100%» à Canet
C’est au bord de la Loire que Diallo a finalement explosé, la saison passée, à Andrézieux-Bouthéon, dont le port fluvial a surtout été connu comme la destination privilégiée du charbon de SaintÉtienne. Une commune qui abrite aussi un club amateur de qualité. « À Andrézieux, j’avais la confiance du coach, décrit-il. Je travaillais avec un préparateur physique tous les après-midi et je faisais énormément d’exercices devant les buts. Après ma blessure, tout le monde me croyait mort, mais j’ai bien bossé pour revenir à mon meilleur niveau, voire plus. Quand je rentre sur la pelouse, j’y repense et ça me motive. »
Il en a même fait un challenge personnel : réussir à Toulon. Pourtant, et pour la première fois, son portable n’a pas arrêté de sonner en juin, avant de se réengager au Sporting. « J’ai été contacté par des clubs de Ligue 2 et tout, glisse-t-il. Mais on a beaucoup regardé mon âge et ça ne s’est pas fait. En France, c’est comme ça que ça se passe. Moi, dans mon corps, j’ai 20 ans : je ne bois pas, je ne fume pas. À mon âge, avoir une bonne hygiène de vie est indispensable. » Muet à Canet-en-Roussillon (0-1), la semaine dernière, il s’était fait un tantinet discret. « Mais je n’étais pas à 100 %, je ressentais toujours une gêne derrière le genou (il avait été laissé au repos dans les quinze derniers jours de préparation, Ndlr). » Revenu dans le Var à l’intersaison en sauveur, avec un « gros » contrat à la clé, l’attaquant puissant, à l’aise dans le jeu dos au but, goûte sa nouvelle mission avec un certain plaisir. « C’est ma maison, j’y ai vécu beaucoup de choses, des bons moments comme des mauvais, exposet-il. Mon petit (Babacar) est né ici, ça veut dire beaucoup. » Depuis la reprise, Eric Rech découvre, en plus d’un sacré footballeur, « un garçon charmant ».« On voit qu’il a envie de faire quelque chose, abonde l’entraîneur, et nous avons entièrement confiance en lui. Il est de cette catégorie des buteurs qui va nous permettre de rester en haut. » « Mon objectif, c’est de gagner tous les duels et dès que j’ai l’occasion, je dois marquer, glisse Diallo. C’est mon boulot, c’est pour ça qu’on m’a fait venir. »
Sa routine ? Les doubles séances, qu’il multiplie comme un art de vivre. « Si ça me fatigue ? Au contraire, quand je m’entraîne je me repose, sourit-il. Moi, je ne me pose jamais : même le dimanche, je fais de la muscu. Il faut bien bosser si je veux marquer ! (rires)»
Faire trembler les filets, la fixette qui rend « fou » les plus costauds des spécialistes du poste. « Si je ne marque pas, je ne suis pas bien. Je ne dors pas, je ne mange pas… », confirme-t-il.
Cible privilégiée
Désormais, l’étiquette de meilleur buteur de N2 (18 buts) lui colle à la peau et en fait « la » cible privilégiée. « 19 buts, corrige-t-il avec malice. Et encore, si j’avais joué en coupe, j’en aurais mis plus… »
Cette détermination rappelle l’étendue du travail accompli. « Grand Diallo », comme on le surnomme (en opposition à son coéquipier Sadio Diallo, appelé « Petit Diallo »), le mesure en ville, où il profite d’une petite popularité. « Il y en a qui n’aiment pas trop la pression, moi ça m’aide. Ici les gens me connaissent, ils m’encouragent. Ils ont l’air contents de me voir, je dois leur rendre ce plaisir. »